Grands pédagogues

De Didaquest
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Ibn Khaldoun (Ibn Khaldun) (1332-1406)

Pédagogue musulman, il observe que les sociétés se pérennisent grâce à une solidarité clanique qui échappe à la raison. Pour autant, il n’hésite pas à affirmer que chaque individu devrait être capable de juger par lui-même du bien-fondé des règles de comportement auxquelles il se soumet. Comme il faudrait, pour cela, un apprentissage très long et complexe, il convient de s’en remettre aux « maîtres » qui, par leur capacité à comprendre l’histoire et les textes, incarnent des idéaux que l’on doit imiter. Chaque sujet, qui doit se former à un « art » spécifique, doit donc être accompagné par un maître qui l’amènera à l’excellence. Les maîtres s’appuient sur des ouvrages qui constituent un soubassement éducatif bien plus important que des institutions trop souvent médiocres et fugaces.

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Juan Luis Vives (1492-1540)

théologien, philosophe et pédagogue d'origine espagnole, il parcourt l'Europe, s'engage en politique au service de la paix et exerce comme professeur à Oxford. Il est l'un des premiers à affirmer avec force que tout homme est perfectible et que l'être humain ne cesse jamais d'apprendre. Il propose une éducation basée sur l'expérience et permettant à chacun de trouver sa voie avec l'aide de ses maîtres, en s'émancipant du pouvoir de ses parents. Il est aussi très sensible, à l'apprentissage de la langue dans laquelle il voit bien plus qu'un exercice, une formation de la personne et, au-delà, un moyen de créer l'unité entre les hommes. L'exigence de la langue confère, en effet, à l'homme la possibilité de se dépasser et de construire avec autrui une relation authentique. Il élabore une démarche d'apprentissage de la langue alternant la lecture et l'écriture et aboutissant à la maîtrise du latin dont il veut faire une langue universelle.

Comenius (Jan Amos Komensky) (1592-1670)

pasteur protestant au sein des Frères Moraves attaché à l’instruction du peuple par les livres (les protestants sont les premiers à traduire la Bible en langue vernaculaire), il tente de mettre en œuvre toute sa vie ses idéaux éducatifs. Mais, dans un monde ravagé par la guerre, il sera souvent contraint à l’exil et se consacrera surtout à l’écriture d’une œuvre monumentale dont l’ouvrage le plus important est La Grande Didactique (1652). Son objectif : « enseigner tout à tous » par des méthodes exhaustives et rigoureuses. Ainsi réalise-t-il les premiers véritables manuels scolaires permettant aux enfants une approche progressive et exhaustive des savoirs. Mais sa perspective ne se limite pas à l’instruction : convaincu que l’accès aux savoirs est inséparable de la formation spirituelle, il jette les bases, pour la première fois, d’une véritable « éducation à la paix ».

Jean Georges Stuber (1722-1797)

jeune pasteur protestant dans une paroisse des Vosges alsaciennes, il découvre la situation catastrophique de l'instruction du peuple et consacre une énergie considérable à construire une véritable école, reconnue par les autorités et pour laquelle il recrute des maîtres compétents. Il s'efforce aussi de "rationaliser l'enseignement" en élaborant d'authentiques méthodes (et, tout d'abord, pour la lecture). Attaché à la valeur émancipatrice du "trafic de livres", il met en place la première bibliothèque de prêt au monde.

Johann Bernhard Basedow (1723-1790)

d'abord théologien, il s'oriente ensuite vers la pédagogie et cherche à mettre en oeuvre les principes de Jean-Jacques Rousseau. Il fonde, en 1774, une "école-modèle" à Dessau où il s'attache à équilibrer les activités proposées aux élèves : pour la première fois dans une école, on pratique stématiquement l'éducation physique (gymnastique, équitation, escrime...), mais aussi les travaux manuels, les arts, etc... Il attire des élèves venant de plusieurs pays et obtient le soutien de Kant ou Goethe. Mais ses "méthodes de gouvernement" sont détestables et il promeut la liberté de l'enfant avec tel un autoritarisme sur ses collaborateurs (ce que feront bien d'autres pédagogues) qu'il doit bientôt quitter le Philanthropinion.

Jean-Frédéric Oberlin (1740-1826)

pasteur protestant d'inspiration morave qui succède à Stuber... Il développe, en même temps, une multitude d'initiatives sociales (amélioration de l'agriculture, introduction de l'industrie du tissage, construction de routes, hygiène, mutuelles, etc.) et une éducation systématique. Celle-ci commence dès trois ans : les enfants sont réunis autour de "poêles à tricoter" et se livrent à diverses activités. Oberlin introduit, dès cinq ans, la lecture et le calcul. Il poursuit, ensuite, en s'appuyant sur le goût des enfants pour le jeu (il invente de nombreux jeux et jouets pédagogiques) et pour la nature (le jardinage et la botanique sont, à ses yeux, des activités éducatives essentielles). Mais Oberlin va également jusqu'à organiser de la formation pour adulte. Son oeuvre, circonscrite d'abord dans sa paroisse de Waldersbach, est véritablement "révolutionnaire".

=Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827) = disciple de Rousseau, il veut « donner des mains » à l’œuvre de Jean-Jacques afin de « briser les chaînes de l’esprit » et « rendre l’enfant à lui-même et l’éducation à l’enfant ». Il commence à accueillir des enfants pauvres pour leur donner une formation professionnelle. Après la révolution française qu’il admire et qui le fait « citoyen d’honneur », il entreprend d’accueillir et d’éduquer les orphelins de Stans. Il fonde, enfin, à Yverdon un institut qui acquerra une grande notoriété. Sensible à toutes les dimensions de l’éducation – « la tête, le cœur, les mains » – Pestalozzi considère que l’enfant doit être le sujet actif de ses apprentissages ; son principe essentiel est de tout faire pour que l’enfant mette en œuvre lui-même sa propre volonté.

Grégoire Girard (1765-1850)

franciscain fribourgeois promoteur de "l'enseignement mutuel". Il cherche à introduire une méthode d'enseignement plus efficace que l'enseignement individuel donné jusque-là. Il organise des "classes", nommées "cours gradués". Mais il est très sensible à la nécessité de respecter les progrès de chacun : les élèves sont placés "sur le degré qui correspond exactement à leur capacité", indépendamment du "calendrier". Par ailleurs, Grégoire Girard promeut le monitorat systématique : des petits groupes d'élèves sont pris en charge systématiquement par des élèves plus instruits en grammaire et en mathématiques. Voir la gravure et les explications de la "gradation girardine"

Wilhem Von Humboldt (1767-1835)

linguiste et philosophe allemand, très engagé dans la vie politique de la Prusse dont il sera, brièvement, ministre de l'éducation (1809-1810). Homme de tradition, Humboldt est aussi très sensible à la nécessité de l'invention d'un "monde nouveau" où tous les hommes puissent accéder à "la forme complète de la dignité humaine". Disciple de Pestalozzi, il structure le système éducatif en insistant sur l'enseignement primaire dont il fait "le socle" du développement des personnes et de la société. Il y introduit des discplines "culturelles" et développe les "enseignements fonctionnels". Il met en place également un dispositif de formation des maîtres. =Joseph Jacotot (1770-1840) = passionné par toutes les disciplines, il enseigne la logique, le droit, le latin, les Lettres, les mathématiques, etc. Exilé en Belgique après les Cent jours, il doit apprendre le français à des étudiants néerlandophones. Or il ignore le hollandais. Il demande donc aux étudiants, par l’intermédiaire d’un interprète, de travailler eux-mêmes sur une édition bilingue du Télémaque. Les résultats sont excellents. Il en tire comme conclusion que « l’homme peut s’éduquer lui-même et apprendre sans maître ». Il ne refuse pas d’exercer son autorité et de construire des situations contraintes, mais considère que celui qui apprend doit effectuer lui-même une démarche d’apprentissage et s’y s’impliquer complètement. L’enseignant ne doit pas « expliquer », car il empêche alors l’élève de « découvrir ».

Robert Owen (1771-1858)

socialiste galllois, très engagé dans la lutte contre la misère ouvrière, c'est l'un des fondateurs du mouvement coopératif. Très tôt, il est sensible au sort que le capitalisme industriel émergent réserve aux enfants et il s'engage dans la conception d'écoles capables, tout à la fois, de préserver les enfants de l'exploitation et de leur fournir un environnement favorable à leur développement. Sur le plan éducatif, il est convaincu que, une fois leur éducation passée, les adultes sont entièrement "déterminés" et ne peuvent échapper à leur "destin". D'où, évidemment, l'importance de l'école qu'il conçoit comme "l'organisation des influences appropriées"... Owen est considéré comme le fondateur de l'école primaire anglaise.

Jean-Marc Gaspard Itard (1774- 1838)

médecin, il s’intéresse aux enfants sourds-muets qu’il tente de sortir de la vie végétative dans laquelle ils étaient confinés. Apprenant qu’on vient de découvrir, dans les forêts de l’Aveyron, un « enfant sauvage », il s’efforce de convaincre les autorités médicales de le lui confier : disciple des empiristes – Locke, Helvétius, Condillac – il pense que « l’éducation peut tout » et veut le montrer. Il va ainsi inventer pour Victor une multitude d’outils pédagogiques afin d’éveiller son intelligence… Il ne parviendra pas à le faire accéder au langage articulé, mais saura créer avec lui une « relation éducative », malgré tout pas exempte de violence.

Johann Friedrich Herbart (1776-1841)

philosophe et pédagogue allemand, il défend, contre Kant, la possibilité d’une psychologie scientifique susceptible de fonder les pratiques pédagogiques. Pour « former des caractères », il faut instruire de manière rigoureuse les élèves en développant systématiquement les différentes aptitudes de l’esprit. Il modélise la « leçon », telle qu’elle sera enseignée longtemps dans les institutions de formation des maîtres et qui doit comporter cinq temps : préparation / présentation / pratique / généralisation / application. La théorie d’Herbart sera fortement décriée, pour son formalisme, par les pédagogues de l’Éducation nouvelle.

Friedrich Fröbel (1782-1852)

Pédagogue allemand qui a aussi beaucoup travaillé en Suisse alémanique, Fröbel n'a découvert les questions éducatives que tardivement et par hasard. Il reprend les thèses de Pestalozzi, mais les oriente plus délibérément vers une "pédagogie de la vie". Attentif à la nécessité de développer le "mouvement intérieur" de l'enfant, son "action créatrice", il mesure aussi l'importance de la structuration par l'instruction. Son projet : "externaliser l'intérieur" et "intérioriser l'extérieur"... Ce mouvement circulaire, il pense le développer essentiellement par le jeu dont il fait une véritable "théorie éducative". Il montre l'importance du jeu en famille dès les premiers mois de l'enfant et, dans le souci de développer systématiquement cette activité, propose les "jardins d'enfants". Il crée un très important matériel pédagogique et travaille aussi dans la perspective d'une "éducation populaire", en particulier auprès des populations les plus défavorisées.

Marie Pape-Carpantier (1815-1878)

militante très engagée, d'inspiration fouriériste, adepte de la libre pensée, elle invente "l'école maternelle" qui tombera un moment dans l'oubli avant d'être reprise, sous Jules Ferry, par Pauline Kergomard. Elle commence sa carrière comme simple surveillante dans une "salle d'asile" puis gravit tous les échelons avant de devenir directrice de "l'école normale maternelle" à Paris pendant 27 ans. Sa conception de l'éducation enfantine articule étroitement deux principes : s'appuyer sur "la curiosité naturelle" de l'enfant et, par ailleurs, ne pas hésiter à stimuler son attention et à lui ouvrir l'esprit pour lui faire appréhender le monde.

Jean Bosco (1815-1888)

prêtre italien, issu lui-même d’un milieu très pauvre, il consacre toute sa vie à l’éducation des enfants « difficiles ». Ému par le sort des jeunes de sa paroisse, il ouvre d’abord un petit foyer qui dispense des cours du soir. Puis il développe une multitude d’autres activités : séances de lecture et de sport, apprentissage professionnel, écoles primaire et secondaire, camps de vacances, etc. En réalité, toute son action est orientée par l’idée, très neuve à l’époque, de prévention : il est convaincu qu’il est possible, par l’éducation intellectuelle et professionnelle, de prévenir la délinquance. Pour cela, il faut que l’éducateur soit exigeant avec l’enfant, mais qu’il agisse avec amorevolezza (une bienveillance ferme et confiante qui attend le meilleur de chacun).

Maria Deraismes (1828-1894)

Elle est considérée comme un « apôtre de l’émancipation féminine », elle fut la première femme à intégrer une loge maçonnique et fonda l'Ordre Mixte International "Le Droit Humain". Journaliste et conférencière, elle milite pour le suffrage universel, la laïcité, la protection des personnes âgées, etc. En 1876, elle s’exprime sur les droits de l’enfant, sujet qu’elle reprendra à de nombreuses reprises ; elle y stigmatise une société qui « traite l’enfant comme un véritable animal dont l’existence dépend de la volonté et du caprice d’un individu, comme un objet dont le possesseur peut se défaire ». À cette occasion, elle réfléchit sur la paternité et montre qu’elle n’est pas d’abord une relation de pouvoir. Maria Deraismes ne cessera de militer pour des changements à caractère législatifs et juridiques et son influence sera déterminante dans l’adoption de plusieurs lois.

Léon Tolstoï (1828-1910)

le célèbre écrivain russe était passionné d’éducation et créa une école dans sa propriété familiale. Après avoir servi dans l’armée et fait la guerre du Caucase, il avait voulu donner ses terres et ses biens à ses serfs, mais ces derniers les avaient refusés. Frappé par cet événement, il nourrit le projet de libérer les hommes du goût de la servitude que la société leur a transmis et imagine une éducation émancipatrice : fondée sur l’expérience de l’enfant, mais aussi la rencontre directe avec les grandes œuvres, elle ambitionne de donner à chacun le courage de penser et de comprendre le monde, de favoriser les rencontres et l’unité entre les êtres, de les éduquer à la paix par l’usage de la non-violence. Il a édité un célèbre syllabaire, qui a un succès considérable en Russie, et milité pour une pédagogie de la liberté, tant pour le maître (qui doit se donner la liberté d’utiliser les méthodes les plus diverses) que pour l’élève (qui doit pouvoir affirmer sa personnalité, développer sa volonté et exprimer sa créativité).

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Paul Robin (1837-1912)

De fibre résolument anarchiste, révolté par l’injustice et l’hypocrisie de la morale bourgeoise, il arpente l’Europe d’expulsion en expulsion. Ferdinand Buisson, le principal collaborateur de Jules Ferry qui l’a connu lors de son exil en Suisse, le fait nommer inspecteur de l’enseignement primaire. Mais, devant les scandales qu’il provoque, on l’écarte en lui confiant l’orphelinat de Cempuis. Là, Robin met en place la « coéducation des sexes », développe un enseignement scientifique de très haut niveau, met en place des activités artistiques et sportives. En même temps, il prêche pour le contrôle des naissances pour des raisons à caractère eugéniste et développe la thèse du « suicide rationnel ». À la suite d’une violente campagne de la Droite nationaliste, il est destitué en Conseil des ministres. Il met fin à ses jours en 1912.

Pauline Kergomard (1838-1925)

passionnée par l’éducation des jeunes enfants, elle organise la transformation des salles d’asile (à vocation essentiellement sociale) en écoles maternelles. Jules Ferry lui confie le poste d’inspectrice générale des écoles maternelles en 1881 et elle l’occupe en multipliant les initiatives. Elle remplace ainsi une garderie très formelle en lieu d’enseignement et d’éducation : elle introduit le jeu, dont elle revendique le caractère éducatif, les activités artistiques, le développement physique mais plaide aussi pour l’initiation de l’enfant à la lecture, à l’écriture et au calcul avant cinq ans. Elle n’a laissé aucun ouvrage systématique, mais son influence a été déterminante.

Ferdinand Buisson (1841-1932)

fondateur et président de la Ligue des Droits de l’homme, prix Nobel de la Paix en 1927, c’est un grand militant de « l’abolition de la guerre par l’instruction ». Exilé en Suisse sous le Second Empire, il y découvre la pédagogie protestante, avec, en particulier, l’importance de l’accès direct aux textes pour s’émanciper du pouvoir des clercs. Il deviendra directeur de l’enseignement primaire sous Jules Ferry, sera professeur à la Sorbonne et maître d’œuvre du très important Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire dont il rédigera plusieurs articles.

Henri Marion (1846-1896)

élève de l’École normale supérieure, philosophe, il s’implique très fortement dans la mise en place de l’enseignement secondaire pour jeunes filles. En 1883, il occupe la première chaire de « science de l’éducation » à la Sorbonne où il se fait un défenseur des « méthodes actives », tout en prenant ses distances avec les thèses anarchistes. Il est l’objet, alors, de violentes attaques, en particulier de Brunetière, grand « intellectuel » de l’époque qui déclare : « Les jeunes gens n’ont pas besoin qu’on leur enseignât la pédagogie. .. Ayons avant tout des professeurs qui ne songent qu’à professer et moquons-nous de la pédagogie ! » (1895).

Ellen Key (1849-1926)

Suédoise, elle parcourt l’Europe et visite de nombreux « asiles » pour enfants abandonnés ; elle est choquée par l’éducation brutale qui y est mise en œuvre et entreprend une réflexion pédagogique approfondie. Son projet : concilier le développement de la liberté personnelle et la prise en compte de l’intérêt d’autrui. « Il faut établir un juste équilibre entre la définition que Spencer donne de la vie — une adaptation aux conditions ambiantes — et celle qu’en donne Nietzsche — la volonté de puissance. » Cette tension l’amène à explorer le champ éducatif dans toutes ses dimensions, de la famille à la formation professionnelle. Elle publie en 1899 Le Siècle de l’enfant, un ouvrage où elle prophétise que le XXème siècle sera placé sous le signe de l’enfance.

Edmond Demolins (1852-1907)

Disciple de Frédéric Le Play (1806-1882, intellectuel français "social" et "réformiste", "contre-révolutionnaire" et "corporatiste"), il dirige la revue La Science sociale. En 1897, il fait un voyage en Angleterre destiné à étudier les raisons de la bonne santé de l'économie britannique. Par hasard, il rencontre le pasteur Cecil Reddie, fondateur de l'école d'Abbostholme : une école où les cours sont remplacés par des activités artistiques, scientifiques et techniques dans lesquelles les enfants découvrent les savoirs nécessaires à leur instruction. Demolins est enthousiasmé par Reddie et par ses idées (il ne verra pas l'école d'Abbostholme). De retour en France, il publie A quoi tient la supériorité des anglo-saxons où il fait l'éloge de la "pédagogie active" comme moyen de développement personnel, économique et social. Il fonde L'Ecole des Roches en 1899. L'introduction des "méthodes actives" en France est ainsi placée sous le signe de l'ambiguïté politique et idéologique... revendiquées tant par des disciples de Le Play que par des "républicains" et des "anarcho-syndicalistes".

Georg Kerchensteiner (1854-1932)

Instituteur puis professeur allemand qui combat l’intellectualisme d’Herbart et récuse la distinction entre « intelligence manuelle » et « intelligence pratique ». Il est le premier à insister sur le fait que l’acquisition d’un savoir ne peut être attestée que par la mise en œuvre d’une compétence. À cet égard, il préfigure tout un courant pédagogique qui aboutira, par exemple, à l’élaboration de référentiels de compétences en formation professionnelle. Il développe des « écoles du travail » où sont dispensées simultanément une formation générale et une formation professionnelle de hauts niveaux.

Sébastien Faure (1858-1942)

Libertaire et dreyfusard, il fonde, en 1904, La Ruche, lieu d’accueil et école pour une quarantaine d’orphelins et d’enfants de prolétaires. Les activités éducatives y sont très variées : jeux individuels et collectifs, sports de toutes sortes, expression artistique, ateliers artisanaux, expérimentation artistique, voyage d’étude, etc. Ses théories expriment, avec une radicalité peu commune pour l’époque, ce qui deviendra les lieux communs de l’Éducation nouvelle : « À l’école, l’important n’est pas d’apprendre, mais d’apprendre à apprendre… », « la morale se découvre dans la vie même de la classe »…, « l’école enseigne comme une grand-mère défendant à son fils de se baigner avant qu’il ne sache nager… ». Il développe, de manière particulièrement détaillée, une théorie de l’autorité comme « apprentissage de la pratique de la liberté ».

John Dewey (1859-1952)

Professeur à l’université de Chicago où il fonde une « école laboratoire », Dewey est un philosophe qui considère que les connaissances des hommes s’enracinent dans leurs expériences. Il n’est pas, pour autant, un empiriste qui laisserait l’enfant agir sans intervenir. Il croit à la fonction structurante de l’éducation et à l’intervention de l’adulte pour « donner un travail suffisamment stimulant et signifiant pour l’enfant ». Il faut mettre l’élève en situation, le mobiliser dans le présent sur des activités intellectuelles qui font sens pour lui. Les connaissances doivent être introduites à partir de problèmes à résoudre : « Toute leçon est une réponse ». Dewey propose, dans cette perspective, de reconstruire les disciplines scolaires autour des grands secteurs d’occupations humaines (activités agricoles, domestiques, techniques…), sans, pour autant, renoncer à la formalisation nécessaire des acquis.

Francisco Ferrer (1859-1909)

Ouvrier drapier à Barcelone, il s’engage en politique et devient un militant éducatif particulièrement actif. D’inspiration anarcho-syndicaliste, il participe, en Espagne, à des opérations clandestines avant de s’exiler en France. Il devient professeur de langue puis hérite miraculeusement d’une somme d’argent considérable que lui lègue une riche admiratrice. Il investit cet argent dans la création d’écoles « alternatives », d’une maison d’édition et de tout un mouvement pédagogique. Franc-maçon et athée militant, Ferrer base sa pédagogie sur un rationalisme rigoureux. Il met également en place un système d’autodiscipline, de refus des examens et des punitions qui doit mener les élèves à la liberté. Il cherche à supprimer toutes les barrières : entre filles et garçons, entre adultes et enfants appelés progressivement à s’instruire ensemble. Il sera fusillé le 13 octobre 1909 et s’abattra en criant : « Vive l’école moderne ! ».

Rabindranath Tagore (1861-1941)

écrivain et prix Nobel de littérature, c’est aussi un réformateur social en Inde où il combat farouchement le système des castes. Afin de permettre l’égalité d’accès de tous à l’éducation, il fonde, en 1921, une université alternative ouverte sans condition de statut et de niveau. De plus, toutes les cultures y ont leur place et l’enseignement y est dispensé de manière très ouverte, sans diplôme ni évaluation. Ce projet subvertit radicalement le fonctionnement de l’enseignement supérieur indien et promeut, sur le plan pédagogique, l’idée que l’accès aux savoirs doit être associé à l’accès à la paix intérieure. Apprendre, pour Tagore, est une « expérience poétique ».

Barthélemy Profit (1867-1946)

Instituteur puis inspecteur primaire, c'est un partisan et un artisan de la "Mutualité scolaire" dans laquelle il voit un moyen de prolonger l'école par une action sociale et la mise en oeuvre d'une solidarité effective. Il crée ensuite, après la première guerre mondiale, des "coopératives scolaires" : s'attachant d'abord à gérer des questions matérielles ("assurer les conditions de vie et de travail scolaires"), elles en viennent vite, pour Profit, à devenir des outils d'éducation irrremplaçables. Il en fait un moyen de former les enfants aux exigences de la vie associative, de les éduquer à l'élaboration et à la mise en oeuvre du "bien commun", et, finalement, n'hésite pas à parler des coopératives scolaires comme de "l'expression la plus avancée du projet de la République". Pour en savoir plus

Alain (1868-1951)

Professeur, homme de Lettres et philosophe qui a profondément marqué son époque. En matière éducative, il développe la thèse de la nécessité, à l'école, d'une rupture avec l'univers affectif de la famille. Ainsi, la classe est un espace "dédié à la raison" où le maître, engage l'élève sur des exercices exigeants en se refusant à toute forme de séduction. S'il condamne, apparemment, les "méthodes actives" (en raison de leur caractère ludique), il les rejoint sur le refus de la "pédagogie verbale" des "petites Sorbonnes" auxquelles il préfère un travail effectif où l'élève s'investit vraiment. Il ne cesse d'affirmer, par ailleurs, la nécessité de postuler que chaque élève peut réussir et que l'enseignant doit s'attacher en priorité aux "réfractaires". Il est l'auteur de pages particulièrement fortes sur "l'éducabilité" (quoiqu'il n'utilise pas ce terme).

Maria Montessori (1870-1952)

Première femme médecin en Italie, elle travaille d’abord auprès d’enfants « arriérés » et constate que beaucoup de problèmes considérés comme médicaux sont, en réalité, « pédagogiques ». Elle crée un matériel adapté qui prend en compte le besoin d’activité de l’enfant et s’appuie sur lui pour favoriser l’acquisition de compétences et de savoirs. Elle fonde ensuite, sur les mêmes principes, une école pour les enfants « normaux » d’un quartier pauvre de Rome : il s’agit de créer des espaces et de structurer le temps afin d’améliorer la concentration et de guider l’enfant vers l’autonomie. Sa maxime : « Aide moi à faire tout seul. » Ses méthodes : focaliser l’attention sur des exercices rigoureux, exiger toujours l’exactitude et la précision, inviter au silence, développer l’aide mutuelle, favoriser le respect du travail des autres. Hommage à Maria Montessori

Ovide Decroly (1871-1932)

Médecin et éducateur belge, il s’intéresse d’abord aux enfants anormaux et retardés. Il élabore pour eux une pédagogie fondée sur les « centres d’intérêt » mais aussi sur la stimulation de la curiosité. En 1907, il crée une école pour enfants « normaux » organisée autour des mêmes principes : il s’agit d’articuler les enseignements, non aux caprices spontanés des enfants, mais aux besoins fondamentaux conçus dans une perspective anthropologique. Pour cela, il invente de très nombreux outils et dispositifs pédagogiques (les boîtes à surprise, les jeux d’observation et de construction, les activités de nature et interdisciplinaire, les exposés, les journaux, les causeries, etc.). L’ensemble de ses propositions s’articule autour de l’idée de « globalisation » (et non de « méthode globale) = « Il faut faire concourir toutes las activités de l’esprit à l’acquisition d’une notion, d’une idée ou d’un ensemble d’idées. »

Édouard Claparède (1873-1940)

médecin et psychologue, il fonde en 1912 le premier « institut de sciences de l’éducation » à Genève. Grand admirateur de Jean-Jacques Rousseau, il considère que l’éducation doit se fonder sur la connaissance de la psychologie de l’enfant : en comprenant comment l’enfant apprend et grandit, on peut en déduire des lois qui doivent guider l’éducateur (loi du besoin, loi de l’extension de la vie mentale, loi d’anticipation, loi d’autonomie fonctionnelle, etc.). Il propose ainsi une véritable « révolution copernicienne » en pédagogie : « les méthodes et les programmes doivent graviter autour de l’enfant ». Dans ces conditions, il faut s’acheminer vers une « école sur mesure » et renoncer à un enseignement indifférencié. Inscrit dans un courant très naturaliste, Claparède propose aussi de « diagnostiquer les aptitudes des écoliers » : sa prise en compte de l’enfant le conduit parfois à une vision enfermante de ce dernier.

Gustav Wyneken (1875-1964)

Spécialiste de théologie et de philologie, il se rapproche très tôt de la mouvance libertaire. En 1906, il fonde, avec Paul Geheeb, l'école de Wickesdorf où il met en place une pédagogie du "maître-camarade" basée sur l'autodétermination par les élèves de leur programme et de leurs méthodes de travail. Pour autant, il ne renonce pas à imposer ses vues sur l'importance de la création artistique contre les disciplines académiques ou des travaux pratiques contre les cours traditionnels. Il veut émanciper les jeunes de l'emprise des familles, des églises et des écoles... Mais ne peut y parvenir qu'en exerçant sur eux une autorité encore plus forte que ces dernières : c'est un paradoxe que Wyneken ne parviendra pas à dépasser et qui l'amènera à affronter aussi de très graves crises avec ses collaborateurs. Anarchiste très charismatique, il restera jusqu'au bout un personnage ambigu et controversé.

Frantisek Bakule (1877-1957)

D’abord instituteur de campagne en Bohème, il met en place une pédagogie où il se veut « éveilleur de consciences ». Bloqué dans ses innovations par sa hiérarchie, il s’investit auprès d’enfants handicapés avec qui il développe une pédagogie coopérative, centrée essentiellement sur l’expression artistique. Il est un des premiers à militer pour la co-éducation des enfants handicapés et « ordinaires », développant de très nombreuses initiatives, d’abord dans des conditions très précaires, puis en créant un Institut qui aura un grand rayonnement. Il fonde une chorale célèbre qui se fera connaître dans toute l’Europe et aux États-Unis. Bakulé, considéré aujourd’hui comme un des plus grands pédagogues tchèques, a construit, à la fin de sa vie, une véritable théorie pédagogique qui fait du chant choral le vecteur de l’ensemble de l’activité éducative.

Janusz Korczak (1878-1942)

Médecin, écrivain de théâtre, chroniqueur radiophonique, il crée en 1912 un premier orphelinat pour enfants juifs. Il poursuivra cette tâche éducative tout au long de sa vie, jusque dans le ghetto de Varsovie. Profondément convaincu que l’enfant a le droit d’exister et d’être respecté en tant que tel, il énoncera, pour la première fois, l’idée de « droits de l’enfant ». Il n’est pas, pour autant, partisan du laisser-faire, bien au contraire. Toujours exigeant, il met en place des dispositifs permettant à l’enfant de surseoir à ses impulsions (comme la « boîte aux lettres » où l’on écrit demandes et griefs, le « parlement » qui statue sur les règles nécessaires au fonctionnement de la collectivité, le tribunal, la gazette, etc.). Le 5 août 1942, Korczak refuse d’abandonner les enfants de l’orphelinat et disparaît avec eux vers Treblinka.

Adolphe Ferrière (1879-1960)

écrivain, homme politique et pédagogue genevois, il est très tôt atteint de surdité et très sensible aux questions d’apprentissage et d’éducation. Il crée le Bureau international des écoles nouvelles puis devient président de la Ligue internationale pour l’éducation nouvelle dont le rayonnement est très important en Europe. Son système de pensée s’efforce d’articuler une approche des « types » psychologiques des élèves avec la dynamique des apprentissages. Il croit, à la fois, à une forme de « prédestination » cosmologique et à la possibilité de mettre en œuvre des « méthodes actives » permettant aux enfants de se dépasser. Concrètement, Ferrière suggère de « créer des ouvrages documentaires où les élèves puissent trouver non pas des connaissances, mais des moyens de s’instruire », d’organiser des « classes-laboratoires permettant de réaliser l’individualisation de l’enseignement ».

Henri Wallon (1879-1962)

Philosophe et psychologue, Henri Wallon fut aussi, toute sa vie, un homme très engagé en pédagogie comme en politique. Membre du Parti Communiste, il présida, de 1933 à sa mort, le Groupe Français d’Éducation nouvelle (GFEN) ; il co-présida également, avec Paul Langevin, la commission qui élaborera, en 1945, le plan Langevin-Wallon. Ses travaux psychologiques partent de l’analyse des activités de l’enfant dont il tente de comprendre toutes les dimensions : motrice, affective et cognitive. Il met en avant le fait que l’enfant est « génétiquement social » et insiste sur l’interaction entre les personnes et avec leur milieu : le sujet construit ses connaissances en agissant sur le monde et en objectivant sa pensée, dans un va-et-vient incessant. Sur le plan proprement pédagogique, Wallon se démarque de Freinet dont il critique une forme de spontanéisme naturaliste ; il insiste tout particulièrement sur la construction rigoureuse des situations d’apprentissage.

Albert Thierry (1881-1915)

Anarchiste et admirateur de Charles Péguy, écrivain et militant politique, il nous a laissé une œuvre littéraire importante assez largement oubliée. On lit encore heureusement L’homme en proie aux enfants, son journal d’instituteur débutant. L’idéaliste, amoureux des lettres découvre, lors de sa première nomination, le désintérêt et la résistance d’élèves à ses idées et à ses goûts. De là une méditation sur le rôle de l’éducation prise entre la volonté de « décaractériser » les élèves et celle de leur permettre de se construire une liberté. De là, aussi, une description très actuelle des tensions du « projet d’enseigner ». Albert Thierry, mobilisé comme simple soldat, mourra sur le front de l’Artois le 26 mai 1915.

Roger Cousinet (1881-1973)

Instituteur puis inspecteur, il s’intéresse à la pensée éducative française (Gabriel Compayré, Alfred Binet, Émile Durkheim) et américaine (Dewey). Professeur à la Sorbonne, il sera révoqué pour insubordination en 1942 et retrouvera son enseignement universitaire à la Libération. Il propose une « méthode de travail libre par groupes » : « libre constitution des groupes, libre choix par chaque groupe de son travail ». Le maître prépare des ensemble d’objets et de documents ainsi que des fiches méthodologiques pour aider au travail. Il suit ensuite les différents groupes dans leur évolution (que les élèves consignent dans un cahier) ; il veille également à ce que les connaissances acquises soient identifiées, formalisées et appropriées. Il est l’auteur de quelques unes des formules les plus radicales de l’Éducation nouvelle : « Il faut que le maître s’arrête d’enseigner pour que les élèves commencent à apprendre. » Roger Cousinet par Louis Raillon

Alexander Sutherland Neill (1883-1973)

Figure emblématique de la pédagogie libertaire, fondateur, en 1921, de l'école de Summerhill en Angleterre. Il fait scandale, à l'époque, par ses options très "libérales" en matière de sexualité... Neill est un disciple de Rousseau et de Reich : il croit en la nature fondamentalement bonne et dynamique de l'enfant. Il met en place une "école" fondée sur les libres choix de l'élève qui décide de ses apprentissages et ne bénéficie de l'aide du "maître" qu'à sa demande. Néanmoins, Neill est confronté en permanence à la question de l'autorité : Bruno Bettelheim dira de lui que sa personnalité est tellement forte et fascinante que ses élèves, pour obtenir son estime, faisaient n'importe quoi ! En réalité, Neill fonde moins "une pédagogie" qu'il ne crée un "lieu d'éducation" dont la réussite tient essentiellement à sa personne (certains diront : "à son emprise").

Peter Petersen (1884-1952)

Philosophe, professeur à l'université d'Iéna, il travaille toute sa vie sur une vaste réforme du système éducatif que l'on nomme, en général, "Plan d'Iéna". Il s'agit de centrer l'enseignement sur le développement de l'enfant, d'intégrer les apprentissages cognitifs, psycho-moteurs et socio-affectifs, de s'intéresser à la motivation comme à la socialisation, d'associer des moments de communication entre pairs avec des temps de travail individualisé respectant le rythme et les besoins de chacun. Il promeut des formes de "classes verticales" où l'entraide est systématiquement valorisée... Mais Peter Petersen est aussi connu comme le pionnier d'une approche éducative qui tente d'articuler étroitement réflexion sur les principes, observation des enfants, prescriptions pédagogiques et évaluation des effets. A cet égard, il incarne une forme de "recherche-action" pédagogique originale.

Helen Parkhusrt (1887-1973)

Pédagogue américaine, lectrice de Dewey, elle voyage à travers l’Europe pour visiter les écoles nouvelles et enseigne dans une école Montessori. De retour aux Etats-Unis, elle prend la responsabilité, à Dalton, d’une classe unique scolarisant quarante enfants d’âges différents. Elle met en place un système d’enseignement individualisé à partir de plans de travail et de fiches. Ses constatations sont toujours d’actualité : ce système responsabilise l’élève et diminue les pertes de temps, il permet au maître de fonctionner comme une « personne-ressource » et d’accompagner chacun… En revanche, il sous-estime l’oral et les interactions entre élèves, il favorise ceux qui sont bien adaptés à cette méthode au détriment d’élèves qui seraient plus à l’aise avec un autre type d’enseignement. Les difficultés de la stricte individualisation permettront de poser les bases de la pédagogie personnalisée (qui intègre le travail de groupe quand c’est nécessaire), puis, plus tard, de la « pédagogie différenciée ».

Anton Makarenko (1888-1939)

Instituteur, puis directeur d’école, il fonde des maisons d’enfants pour les orphelins de la guerre civile qui suit la révolution bolchevique. L’histoire de la plus célèbre d’entre elles, la colonie Gorki, est racontée dans Le poème pédagogique. Face aux difficultés des adolescents qu’il doit « rééduquer », Makarenko considère qu’il faut agir sur l’environnement et créer des conditions de travail et de vie qui permettent de reconstruire « un homme nouveau ». « L’enfant est malade, soignez le milieu », explique-t-il. Le système des « détachements » impose une discipline dure, mais systématise aussi la rotation des tâches (le rôle de chef est assumée par tous de manière tournante, tout le monde doit s’impliquer dans le travail manuel). Un « tribunal » permet aux enfants de statuer sur les sanctions et de traiter les comportements déviants sans recourir à l’exclusion. Pour autant, l’éducateur reste le garant de l’intérêt collectif.

Hélène Lubienska de Lenval (1895-1972)

Amie et disciple de Maria Montessori, elle développe la pédagogie de cette dernière en insistant sur la dimension spirituelle. Pour elle, l'attention est le vecteur central du développement de l'enfant et de toute la personne. C'est pourquoi il faut articuler toutes les activités éducatives autour de ce phénomène. De "l'éducation musculaire" jusqu'à "l'extase mystique", en passant par la concentration dans le travail et la contemplation artistique, l'éducateur doit tout mettre en oeuvre pour favoriser la conscience et permettre l'accès à la "maîtrise de l'esprit". Concrètement, elle prône une pédagogie fondée essentiellement sur le silence et le travail personnel.

Germaine Tortel (1896-1975)

Institutrice, puis inspectrice, elle est d’emblée intéressée par les productions des enfants (en particulier par les dessins) pour lesquelles elle créera un centre de documentation. Elle développe la « pédagogie de l’initiation » : il s’agit de s’appuyer sur la création plastique en articulant étroitement la réflexion individuelle et la conception collective, l’approche sensible et la construction des concepts. Le dessin devient ainsi un formidable vecteur d’apprentissages intellectuels et sociaux. Il permet d’entrer dans « l’intelligence du monde ».

Célestin Freinet (1896-1966)

Instituteur après avoir été blessé pendant la première guerre mondiale, il met ses élèves en situation d’activité et observe qu’ils progressent ainsi beaucoup plus vite, aussi bien dans l’acquisition des savoirs que dans l’accès à l’autonomie. Auteur d’une œuvre pédagogique considérable, créateur d’un mouvement pédagogique important (L’école moderne, aujourd'hui l'ICEM), il croit à la « méthode naturelle » qui s’appuie sur l’inventivité des élèves aidés par le maitre face à un problème. Il promeut « le tâtonnement expérimental » et développe « la réunion de coopérative ». Ses propositions articulent la volonté de « finaliser » les apprentissages (en faisant apparaître les savoirs à travers un « travail vrai », comme le journal scolaire) et d’accompagner chaque élève dans sa progression de manière rigoureuse (à travers des fichiers auto-correctifs, bandes enseignantes, brevets, etc.). Célestin Freinet, par Jacques Pain

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Jean Piaget (1896-1980)

Piaget n’est pas vraiment un pédagogue – du moins en tant que chercheur – mais plutôt un épistémologue et un psychologue, le créateur d’une discipline nouvelle « l’épistémologie génétique ». Ses travaux consistent à identifier les structures invariantes de l’intelligence humaine, tant sur le plan synchronique que diachronique. À ce titre, paradoxalement, il écarte méthodologiquement tout ce qui relève des conditions socioculturelles de l’environnement comme des singularités personnelles de la croissance. La pédagogie en tant que telle n’est pas prise en compte dans le développement du sujet. Mais, en affirmant que « tout apprenant est un constructeur », Piaget fournit aux pédagogues une théorie leur permettant de comprendre la place du sujet dans ses apprentissages. Il aura d’autant plus de succès qu’il ne rechigne pas, à côté de ses recherches « scientifiques », à militer pour l’Éducation nouvelle.

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Lev Semionovitch Vygotsky (1896-1934)

Psychologue soviétique traduit et connu tardivement dans la francophonie, mais qui inspire de très nombreuses réflexions pédagogiques. Contrairement à Piaget, il insiste sur le fait que les apprentissages ne sont pas conditionnés par le développement interne du sujet mais peuvent contribuer à celui-ci. Il souligne que l’intelligence consiste à intérioriser des fonctions sociales et explicite l’importance de l’exigence de l’adulte par rapport à l’enfant. En proposant à un sujet d’effectuer des apprentissages qu’il ne sait pas encore maîtriser, mais avec un accompagnement et des aides adaptées, on s’inscrit dans sa « zone proximale de développement » et on contribue à faire avec lui ce qu’il parviendra ensuite à faire tout seul.

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Léo Lagrange (1900-1940)

Militant politique, député et "sous secrétaire d'Etat aux sports et à l'organisation des loisirs" sous le Front Populaire. Il milite ardemment pour une conception des loisirs qui n'oppose pas la culture et le divertissement : il participe en cela du projet pédagogique de construction de "médiations" entre "ce qui intéresse le sujet" et "ce qui est dans son intérêt". Il s'efforce également le dégager le sport de l'emprise du professionnalisme assujetti aux intérêts commerciaux. Il distingue aussi "le sport" (avec la compétition) de "l'éducation physique et sportive" (qui est une formation pour tous). A cet égard, c'est un véritable pionnier... Léo Lagrange qui a rejoint le "commandement militaire", est tué d'un éclat d'obus dans une opération armée le 9 juin 1940.

Carl Rogers (1902-1987)

Psychothérapeute américain, il propose une « thérapie centrée sur la personne » qui met en œuvre l’empathie, la congruence (l’authenticité) et la considération positive inconditionnelle. Il se hasarde à faire des propositions en matière éducative à partir de la constatation que les seuls apprentissages qui influencent vraiment une personne sont ceux qu’elle effectue elle-même. Dans ces conditions, il faut « renoncer à enseigner » et organiser des groupes « non directifs » où le maître se met à l’écoute et au service de la dynamique des élèves. Très peu utilisée en milieu scolaire, la « non directivité » rogérienne est, comme l’a montré Daniel Hameline, une impasse comme système, même si elle reste une perspective particulièrement intéressante comme « attitude ».

Jean Zay (1904-1944)

Journaliste, homme politique et ministre de l'Education nationale et des Beaux Arts sous le Front Populaire. Sans formation pédagogique particulière, mais avec une grande culture et un véritable idéal démocratique, il prend à bras le corps les questions d'éducation et de culture qui sont, pour lui, étroitement liées. Il croit profondément en la nécessité d'aider chacun à découvrir les savoirs et à développer sa personnalité : il affirme que c'est "vers l'enfant, centre commun, que tous les efforts doivent converger". Son oeuvre sera malheureusement interrompue par la guerre et il ne pourra pas mettre en place son vaste projet de réforme déposé en 1937. Pour autant, il a réussi à élever la scolarité obligatoire de 13 à 14 ans, à mettre en place un nouveau système de bourses, à rendre obligatoire l'éducation physique et sportive, à developper les "activités dirigées", les bibliobus, la radio scolaire, à créer le CROUS, le CNRS, le festival de Cannes, etc. Accusé de désertion par le gouvernement de Vichy, il est emprisonné et assassiné par la Milice le 20 juin 1944.

Pierre Faure (1904-1988)

Jésuite très engagé dans l’action sociale, il se spécialise en pédagogie. Il est nourri de l’œuvre des pédagogues de « l’éducation nouvelle » ainsi que de la philosophie personnaliste. Il formalise, dès 1945, la « pédagogie personnalisée et communautaire » qui associe une individualisation du travail et des activités collectives. Dans tous les cas, les élèves sont invités à travailler de manière autonome, à partir d’une documentation variée, en réalisant enquêtes et expériences… Mais le maître est garant de la progression de chacun et il met en place « plans de travail » et « contrats d’objectifs ». Dans cette pédagogie, une attention extrême est portée aux conditions matérielles d’organisation de la classe et à la rigueur de sa gestion.

Robert Gloton (1906-1986)

Instituteur puis inspecteur, élève d'Henri Wallon, il combat toute sa vie pour une pédagogie populaire et émancipatrice. Grande figure de l'Education nouvelle, il sera président du GFEN (Groupe Français d'Education Nouvelle) et initiateur du "groupe du 20ème arrondissement", autour de l'Ecole de la Rue Vitruve. Il mène campagne, au nom de la justice sociale, contre les devoirs à la maison à l'école primaire et obtient leur interdiction en 1956. Il lutte contre les punitions systématiques, l'hégémonie de la dictée, les récitations par coeur, etc. Convaincu de l'éducabilité des élèves, il insiste sur "l'obligation d'inventer ensemble" en matière pédagogique pour que "tout apprentissage devienne apprentissage à penser et à créer". Robert Gloton par Odette Bassis

Louis Cros (1908-2000)

"Grand commis" de l'Education nationale (il était Inspecteur général de l'Instruction publique), il associe, pendant toute sa carrière, un travail de "militant pédagogique" et des tâches de haute administration. Fondateur de l'Institut pédagogique national (qui deviendra l'INRP), président des CEMEA, il crée le "Comité de liaison pour l'éducation nouvelle". Dès les années 1950, il prend la mesure de ce qui est en train de se passer dans l'école française et il publie, en 1961, L'explosion scolaire : l'augmentation prodigieuse des effectifs de l'enseignement secondaire n'appelle pas seulement, pour lui, une augmentation quantitative des efforts de la Nation, mais aussi un changement pédagogique qualitatif. C'est à ce changement qu'il se consacrera, avec exigence et inventivité...

Fernand Deligny (1913-1996)

éducateur, il s’occupe, après la Libération d’enfants et d’adolescents « cas sociaux ». Il introduit, pour travailler avec eux, des méthodes nouvelles comme le cinéma et met systématiquement en place une « pédagogie de projet ». Plus tard, il s’intéresse à la psychothérapie et fréquente la clinique de La Borde. Il se retire, enfin, dans les Cévennes où il accompagne des enfants autistes. Là, il développe une « pédagogie ascétique » fondée sur une présence quasi « granitique » de l’adulte : renoncer à « faire l’autre » devient chez lui une forme d’abstention éducative qui, paradoxalement, se veut la seule éducation efficace.

Gilles Ferry (1917-2007)

militant de première date de l'Education populaire, il s'intéresse particulièrement au travail de groupe à travers une entrée psychosociologique. Il est attentif à ce qui se joue dans tous les collectifs humains et analyse les interactions entre les dimensions affectives, sociales et cognitives. Il travaille ensuite sur les questions de formation, en particulier des enseignants, et introduit un modèle de formation centré sur l'analyse des pratiques. Homme modeste mais profondément engagé, il accompagne de très nombreuses équipes et joue un rôle décisif, après 1968, dans l'essor des "sciences de l'éducation". Hommage à Gilles Ferry, paru lors de son décès dans LE MONDE

Fernand Oury (1920-1996)

instituteur formé aux méthodes de Célestin Freinet, il est confronté à des enfants difficiles en dehors du cadre « champêtre » de son maître. Il reprend les techniques Freinet (l’imprimerie, le conseil), mais, à la lumière de la psychanalyse, développe une attention particulière au « désir » de l’enfant : il s’agit de permettre à ce désir d’émerger, de se structurer, de se développer dans la temporalité et de s’inscrire dans un groupe. Les dispositifs qu’il propose permettent à l’enfant de se « mettre en jeu » (le « Quoi de neuf ? »), de se donner des défis et de progresser (les ceintures de judo), de construire des règles de vie dans un collectif où chacun peut avoir un place (le conseil)… Son travail s’inscrit dans le cadre théorique de « la pédagogie institutionnelle ». "Notre héritage", par Patrice Buxeda

Fernand Oury, par Jacques Pain

Fernand Oury, étrangement présent..., par Philippe Meirieu

Paulo Freire (1921-1997)

avocat, universitaire et militant politique brésilien, il est particulièrement sensible à l’oppression dont sont victimes ses compatriotes. Il croit à la nécessité de développer un double mouvement dans le peuple : une prise de conscience de la situation qui lui est faite et une mobilisation pour prendre en main son destin. Dans ce cadre, il travaille à une méthode d’alphabétisation qui n’est pas simplement un apprentissage de la lecture. Il s’agit de partir des situations vécues par les hommes et d’apprendre à s’exprimer par oral et par écrit à partir d’elles ; il s’agit aussi de se découvrir, à travers la lecture et l’écriture, capable d’intentionnalité et de se projeter dans un avenir sur lequel on pourra agir.

Lorenzo Milani (1923-1967)

prêtre italien "turbulent" (il ne cesse d'affirmer à ses supérieurs que "l'autorité n'est pas une vertu"), il est nommé, dans les années 60, dans le petit village de Barbiana. Là, il découvre que les fils et filles des agriculteurs sont massivement en échec scolaire et exclus de "l'école officielle". Il ouvre une "école alternative" dans sa cure où l'on travaille 14 heures par jour et 365 jours par an... Il fait l'hypothèse que ces enfants en échec ne sont pas des "fainéants", mais peuvent se mobiliser sur des enjeux intellectuels forts dès lors qu'on les prend au sérieux et les accompagne dans leur progression. Barbiana devient très vite une école au rayonnement international. Ses élèves écrivent la fameuse Lettre à une maîtresse d'école qui aura un impact considérable en interpellant les enseignants sur l'importance de faire le pari de la réussite pour tous les élèves.

Jacque Lévine (1923-2008)

psychologue, assistant d'Henri Wallon, il devient psychanalyste et contribue très largement au dialogue "pédagogie / psychanalyse". Il s'intéresse,en particulier aux jeunes enfants et à leurs conditions de développement. Il postule que "tout sujet est un sujet accidenté et que "derrière toutsujet accidenté, il a un sujet intact. Il crée les groupes de "soutien au soutien" qui, sur le modèle des "groupes Balint" s'efforcent de permettre aux enseignants de trouver les étayages nécessaires pour faire face à des situations difficiles. Il a développé également une méthode de "philiosophie pour enfants" en affirmant, selon le titre du dernier ouvrage paru de son vivant que "l'enfant philosophe est l'avenir de l'humanité". Hommage à Jacques Lévine, lors de la cérémonie du 23 mai 2008 au Sénat, par Philippe Meirieu

Ivan Illich (1926-2002)

prêtre (en rupture avec l’église catholique), philosophe, universitaire, fondateur d’un centre de recherche à Cuernavaca, il est surtout connu des éducateurs par son livre Une société sans école (dont le titre exact en français aurait plutôt dû être « déscolariser la société »). Il y développe l’idée que le système scolaire s’est indûment approprié le monopole de la transmission des savoirs et que cela est parfaitement contre-productif : les savoirs scolaires sont dégagés de ce qui leur donne du sens et l’école organise la sélection au lieu de viser la réussite du plus grand nombre. Il propose, non de supprimer l’école, mais de la faire évoluer vers un système plus souple qui pourraient prendre la forme de « réseaux d’échanges réciproques de savoirs ».

Marta Mata (1926-2006)

institutrice catalane qui a vécu, dans sa jeunesse, l'école républicaine espagnole ; cette dernière constituera toujours pour elle une référence majeure. Pendant le franquisme, elle milite clandestinement pour une éducation émancipatrice fidèle aux idéaux d'une Education nouvelle résolument enracinée dans le socialisme. A cet égard, elle se réfère au modèle de l' "école genevoise" (Ferrière, Claparède, Dottrens, etc.), mais en articulant les "méthodes actives" à un projet politique de résistance au totalitarisme et de construction d'une société solidaire. Elle crée un très important mouvement pédagogique, "Rosa Sensat" (du nom d'une institutrice catalane, grande figure de la pédagogie), qui développe des actions de grande envergure en matière de formation des maîtres. Voyageant beaucoup, elle contribue au développement du réseau des "villes éducatrices" et, à partir de 2004, préside le Consejo Escolar del Estato.

René Laffitte (1947-2009)

René Laffitte d’abord militant des CEMEA, puis de l’ICEM (pédagogie Freinet), rencontre très vite Fernand Oury et s’engage dans la voie de la pédagogie institutionnelle. À partir des années 1990, René Laffitte travaille avec nombre d’autres « artisans pédagogiques » à mettre en œuvre des pratiques qui acceptent de « laisser venir » et surtout qui veulent « donner du sens » à ce qui se passe dans la classe. C’est aussi un compagnon de route, depuis leur création, des Calandretas, écoles bilingues de culture occitane, qui dans leur statut, « tiennent compte de la pédagogie institutionnelle ». Son œuvre propre a surtout montré que l’on pouvait faire de la pédagogie institutionnelle sans être Fernand Oury, mais avec Fernand Oury, puis après lui. Il a toujours revendiqué ce qu’il avait appelé « un héritage d’instituteur », dans une posture de « désespéré raisonnable » avec, à égale dose, « un optimisme vigilant et un pessimisme distrait ». Hommage à René Laffitte, par Isabelle Robin : "Il est demeuré... instituteur."

René laffitte : quelques repères sur son chemin (Association du Champ P.I.)

Références bibliographiques