Différences entre versions de « Nature - Ethique anthropocentrée »

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* La pensée occidentale mettra des siècles à se libérer de l'anthropocentrisme qu'implique une telle conception, d'autant qu'il s'est trouvé renforcé dans la pensée chrétienne par la référence au texte de la Genèse, où il est écrit que Dieu a destiné l'homme, créé à son image et à sa ressemblance, à  «régner sur  les poissons de  la mer, sur  les oiseaux du ciel, sur  le bétail, sur  la terre entière et sur tous les reptiles qui rampent sur le sol ».  La  succession  des  actes  créateurs  instaure  une  discontinuité  entre  l'homme  et  l'animal.  Si l'homme, par son «âme intellective» (saint Thomas) immatérielle et immortelle, participe seul à la nature divine, l'animal subit une sorte de discrédit radical. L’animalité est perçue comme l’ultime menace pour  l’humanité. Michel Foucault (1926-1984) a bien montré  la présence persistante de ce fantasme au cœur de l'âge classique, au moment où se définit la «raison» occidentale : «La folie emprunte son visage au masque de la bête». Cette hantise s'enracine dans «les vieilles peurs qui, depuis  l'antiquité,  depuis  le  Moyen  Age  surtout,  ont  donné  au  monde  animal  sa  familière étrangeté, ses merveilles menaçantes, et tout son poids de lourde inquiétude».  Lautréamont (1846-1870), après Emmanuel Kant (1724-1804) témoignera encore de la force de cette  conviction  occidentale,  d'origine  chrétienne:  l'animal  appartient  à  la  contre-nature,  à  une négativité  qui  met  en  péril,  par  sa  bestialité,  l'ordre  et  la  sagesse  supposée  de  la  nature,  à commencer par celle de l'homme.
 
* La pensée occidentale mettra des siècles à se libérer de l'anthropocentrisme qu'implique une telle conception, d'autant qu'il s'est trouvé renforcé dans la pensée chrétienne par la référence au texte de la Genèse, où il est écrit que Dieu a destiné l'homme, créé à son image et à sa ressemblance, à  «régner sur  les poissons de  la mer, sur  les oiseaux du ciel, sur  le bétail, sur  la terre entière et sur tous les reptiles qui rampent sur le sol ».  La  succession  des  actes  créateurs  instaure  une  discontinuité  entre  l'homme  et  l'animal.  Si l'homme, par son «âme intellective» (saint Thomas) immatérielle et immortelle, participe seul à la nature divine, l'animal subit une sorte de discrédit radical. L’animalité est perçue comme l’ultime menace pour  l’humanité. Michel Foucault (1926-1984) a bien montré  la présence persistante de ce fantasme au cœur de l'âge classique, au moment où se définit la «raison» occidentale : «La folie emprunte son visage au masque de la bête». Cette hantise s'enracine dans «les vieilles peurs qui, depuis  l'antiquité,  depuis  le  Moyen  Age  surtout,  ont  donné  au  monde  animal  sa  familière étrangeté, ses merveilles menaçantes, et tout son poids de lourde inquiétude».  Lautréamont (1846-1870), après Emmanuel Kant (1724-1804) témoignera encore de la force de cette  conviction  occidentale,  d'origine  chrétienne:  l'animal  appartient  à  la  contre-nature,  à  une négativité  qui  met  en  péril,  par  sa  bestialité,  l'ordre  et  la  sagesse  supposée  de  la  nature,  à commencer par celle de l'homme.
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* Un tel mode de pensée  faisait corps dans  la pensée antique avec  le [[géocentrisme]] auquel Claude [[Ptolémée]] donna au IIe siècle apr.J.C. ses lettres de noblesse mathématiques. Repris  par  les  [[théologiens]],  il  signifiait  que,  par  la  volonté  du  Créateur,  la  finalité  de  la  nature plaçait  l'homme au sommet de  la création, exactement comme  il avait  installé  la Terre  immobile au centre des orbes célestes qui composaient le cosmos.  L'ébranlement puis la chute du géocentrisme au début du XVIIe siècle n'a pourtant pas conduit la pensée philosophique  à  déloger  l'homme  de  la  place  prééminente  qu'il  s'était  réservé  dans  le cadre de ce qu’on appelle  «l'économie naturelle».  Les  circonstances  ont  voulu  que  les  animaux  aient  pâti,  au  contraire,  de  la  constitution  de  la physique moderne  :  dès  lors  qu'il  apparaissait  nécessaire  d'identifier  la matière  à  l'étendue,  il fallait  que  la  distinction  entre  substance  pensante  et  substance  étendue  soit  nette  et  tranchée, cette dernière distinction aboutissant à refuser toute pensée à l'animal.  C'est ainsi que de  façon  très  cohérente, René [[Descartes]] (1596-1650) traita  les animaux comme des machines.

Version du 14 décembre 2010 à 15:50

Au travers des grandes périodes historiques et de la réflexion des écrivains et philosophes, on perçoit l’origine et les évolutions de ce rapport homme – nature :

La prédominance de l’homme – anthropocentrisme

  • Le courant de la pensée sauvage lié à la mythologie, à la découverte des peintures rupestres préhistoriques, l’interprétation du « totémisme », correspond à la perception qu’ont longtemps eu les hommes sur la nature et en particulier sur les animaux. Ils se sont employés à sur-humaniser l’animal pour alléger leur pensée de ses tourments et trouver une vénération partagée, un lien qui les unit. Des animaux, familiers ou fabuleux, parcourent les grandes mythologies, du Minotaure crétois au serpent emplumé du Mexique précolombien, leurs corps apparaissent façonnés, déformés parfois difformes, par les mortels qui leur ont assigné un rôle à la démesure de leurs craintes viscérales et de leurs désirs irréductibles.
  • La pensée grecque (excepté Epicure 341-270 av J.C), a retourné ce culte en pur mépris ou en simple condescendance. Platon parle des animaux en laissant entendre que ce sont des êtres humains dégénérés. Aristote, son disciple, se démarque puisqu’il est reconnu pour être le fondateur de « histoire naturelle » grâce à ses observations précises qui témoignent d’une « intention », d’un « dessein » dans la structure des êtres vivants. Cela révèle non l’acte d’un créateur, mais l’existence d’une échelle unique de l’être qui monterait des objets inanimés aux plantes, puis aux animaux et aux hommes. L'homme y apparaît comme un animal, mais c'est d'un «animal raisonnable» qu'il s'agit. Si «l'âme nutritive» existe dans les plantes comme chez les animaux, si tous les animaux disposent en outre d'une «âme sensitive» par laquelle ils accueillent les sensations et ressentent plaisir et douleur, seul l'homme est supposé disposer en outre d'un intellect.
  • La pensée occidentale mettra des siècles à se libérer de l'anthropocentrisme qu'implique une telle conception, d'autant qu'il s'est trouvé renforcé dans la pensée chrétienne par la référence au texte de la Genèse, où il est écrit que Dieu a destiné l'homme, créé à son image et à sa ressemblance, à «régner sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur la terre entière et sur tous les reptiles qui rampent sur le sol ». La succession des actes créateurs instaure une discontinuité entre l'homme et l'animal. Si l'homme, par son «âme intellective» (saint Thomas) immatérielle et immortelle, participe seul à la nature divine, l'animal subit une sorte de discrédit radical. L’animalité est perçue comme l’ultime menace pour l’humanité. Michel Foucault (1926-1984) a bien montré la présence persistante de ce fantasme au cœur de l'âge classique, au moment où se définit la «raison» occidentale : «La folie emprunte son visage au masque de la bête». Cette hantise s'enracine dans «les vieilles peurs qui, depuis l'antiquité, depuis le Moyen Age surtout, ont donné au monde animal sa familière étrangeté, ses merveilles menaçantes, et tout son poids de lourde inquiétude». Lautréamont (1846-1870), après Emmanuel Kant (1724-1804) témoignera encore de la force de cette conviction occidentale, d'origine chrétienne: l'animal appartient à la contre-nature, à une négativité qui met en péril, par sa bestialité, l'ordre et la sagesse supposée de la nature, à commencer par celle de l'homme.
  • Un tel mode de pensée faisait corps dans la pensée antique avec le géocentrisme auquel Claude Ptolémée donna au IIe siècle apr.J.C. ses lettres de noblesse mathématiques. Repris par les théologiens, il signifiait que, par la volonté du Créateur, la finalité de la nature plaçait l'homme au sommet de la création, exactement comme il avait installé la Terre immobile au centre des orbes célestes qui composaient le cosmos. L'ébranlement puis la chute du géocentrisme au début du XVIIe siècle n'a pourtant pas conduit la pensée philosophique à déloger l'homme de la place prééminente qu'il s'était réservé dans le cadre de ce qu’on appelle «l'économie naturelle». Les circonstances ont voulu que les animaux aient pâti, au contraire, de la constitution de la physique moderne : dès lors qu'il apparaissait nécessaire d'identifier la matière à l'étendue, il fallait que la distinction entre substance pensante et substance étendue soit nette et tranchée, cette dernière distinction aboutissant à refuser toute pensée à l'animal. C'est ainsi que de façon très cohérente, René Descartes (1596-1650) traita les animaux comme des machines.