Augmentation de l'acidité de la mer
- Les récifs de corail en danger
la mort du corail commence par son blanchissement
Un tiers des espèces de corail qui forment des grands récifs sont menacés de disparition, selon une récente étude publiée dans la revue Science. Les 39 chercheurs qui signent l'article accusent le changement climatique, le développement dans les régions côtières, une pêche incontrôlée, et la pollution.
Pourtant, ces récifs sont importants pour le tourisme, les pêcheries, et la protection des littoraux.
On estime que le rôle qu'ils jouent rapporte plus de 30 milliards de dollars par an, soit plus de... 12.000 milliards CFA.
"C'est effrayant" estime Alex Rogers de la Société zoologique de Londres, un des scientifiques qui ont réalisé l'étude. "Ce n'est pas seulement le fait que près du tiers des coraux qui forment ces récifs sont menacés: nous pourrions voir la disparition de larges zones de ces écosystèmes d'ici 50 ou 100 ans. Les conséquences seraient effroyables.
Pour la biodiversité, mais aussi sur le plan économique".
- El Niño
Les récifs sont un habitat naturel pour certains poissons
Les pertes les plus catastrophiques constatées ces dernières années ont été provoquées en 1997/98 par El Niño, un phénomène climatique qui avait entraîné un réchauffement des océans dans de vastes régions des tropiques.
En effet, lorsque la température de l'eau augmente, les polypes -ces minuscules animaux qui construisent les récifs coralliens- expulsent les algues qui généralement vivent en symbiose avec eux et leur apportent leur nourriture.
Résultat: les coraux perdent leurs couleurs, les récifs blanchissent et meurent progressivement.
L'acuité du danger peut être illustrée par un constat que font les auteurs de l'article: avant 1998, selon eux, sur 704 espèces de corail étudiées dans le monde, 13 seulement auraient pouvaient être jugées comme étant en danger. Aujourd'hui, ce nombre est passé à 231.
Kent Carpenter, de l'université Old Dominion à Norfolk, en Virginie, rappelle qu'El Niño, il y a dix ans, avait été "catastrophique pour les coraux", et que 13% des grands récifs avaient été endommagés irrémédiablement.
Et selon lui "le grand problème est que si, avec la hausse des températures, ces phénomènes de blanchissement des coraux deviennent plus fréquents (et nous pensons que cela va être le cas) des zones entières de récifs coralliens seront anéanties".
- Acidité
Ces coraux blanchis seront bientôt morts
Les auteurs de l'étude identifient un autre grand danger: l'augmentation de l'acidité des océans. L'eau absorbe en effet une partie de l'excédent de dioxyde de carbone présent dans l'atmosphère, ce qui la rend légèrement plus acide.
Il n'en faut pas moins pour compromettre la capacité des coraux à former leurs squelettes extérieurs.
"Nous savons que les températures de l'eau en surface, si elles augmentent, peuvent nuire aux coraux" souligne Kent Carpenter, "mais il semble que certaines espèces soient capables de s'adapter.
Par contre, l'augmentation du taux d'acidité est bien plus menaçante. Nous ne savons pas exactement quelle risque d'être l'ampleur des dégâts occasionnés par ce phénomène, mais elle risque d'être énorme".
L'analyse publiée dans la revue Science identifie d'autres coupables, tels que certaines pratiques telles que l'utilisation de dynamite pour la pêche en Asie de l'est, ou de chaluts géants, qui détruisent les récifs coralliens.
Le danger est particulièrement évident dans les Caraïbes.
Là, le développement des zones côtières et l'activité agricole produisent des déchets qui, une fois dans la mer, stimulent la croissance de certains types d'algues qui étouffent littéralement les coraux.
Et les pêcheurs prennent les poissons qui se nourrissent de ces algues, ce qui, en temps normal, freine leur propagation.
Dans ces conditions, les coraux deviennent bien plus vulnérables à certaines maladies.
- Réagir
Des mesures sont prises pour protéger la Grande barrière de corail en Australie
Or, selon de nombreux scientifiques et militants écologistes, il devrait être plus facile de traiter ce problème que celui de l'augmentation des gaz dits à "effet de serre". Et c'est donc là qu'un effort particulier devrait être consenti.
Certaines actions ont déjà été entreprises: le long de la Grande barrière de corail en Australie, par exemple, des zones protégées ont été désignées dans la mer, et l'utilisation d'engrais dans l'agriculture est contrôlée pour réduire la pollution.
L'urgence de la situation se comprend quand on sait que d'après les milieux scientifiques un quart environ des espèces marines dépendent du corail à un moment où un autre de leur développement.
Les récifs coralliens sont l'habitat naturel de nombreuses espèces de poissons. D'autres s'en servent comme de "couveuses" pour abriter leur progéniture. Si ces récifs disparaissent, les poissons risquent de disparaître à leur tour.
A cela, on peut ajouter l'importance économique du corail.
Il y a deux ans, le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) estimait dans un rapport que ces récifs fournissaient des revenus d'un montant moyen situé entre 100.000 et 600.000 dollars par km2 (entre 41 et 248 milliards de francs CFA), soit un total annuel de 30 milliards de dollars (12.000 milliards de CFA).
Le même document estimait que le coût de la protection des récifs coralliens n'était que de 0.2% des revenus qu'on pouvait en tirer.
- Un choix clair
Faute de mesures urgentes, certains coraux disparaîtront pour toujours
Cette nouvelle étude est un des éléments d'un vaste projet visant à évaluer les dangers qui menacent les écosystèmes marins.
Intitulé Global Marine Species Assessment (évaluation globale des espèces marines), le projet est une initiative conjointe de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et de l'ONG Conservation International (CI).
Les coraux vont être inclus dans la Liste rouge des espèces menacées que l'UICN doit publier en octobre prochain. Le directeur général de l'organisation, Julia Marton-Lefèvre, estime que le choix, pour la classe politique, est clair.
Pour elle: "si nous ne réduisons pas dès maintenant nos émissions de gaz CO2, de nombreux coraux seront perdus à tout jamais".