Nature - Ethique anthropocentrée
De Didaquest
Révision datée du 14 décembre 2010 à 13:47 par Admin (discussion | contributions)
Au travers des grandes périodes historiques et de la réflexion des écrivains et philosophes, on perçoit l’origine et les évolutions de ce rapport homme – nature :
La prédominance de l’homme – anthropocentrisme
- Le courant de la pensée sauvage lié à la mythologie, à la découverte des peintures rupestres préhistoriques, l’interprétation du « totémisme », correspond à la perception qu’ont longtemps eu les hommes sur la nature et en particulier sur les animaux. Ils se sont employés à sur-humaniser l’animal pour alléger leur pensée de ses tourments et trouver une vénération partagée, un lien qui les unit. Des animaux, familiers ou fabuleux, parcourent les grandes mythologies, du Minotaure crétois au serpent emplumé du Mexique précolombien, leurs corps apparaissent façonnés, déformés parfois difformes, par les mortels qui leur ont assigné un rôle à la démesure de leurs craintes viscérales et de leurs désirs irréductibles.
- La pensée grecque (excepté Epicure 341-270 av J.C), a retourné ce culte en pur mépris ou en simple condescendance. Platon parle des animaux en laissant entendre que ce sont des êtres humains dégénérés. Aristote, son disciple, se démarque puisqu’il est reconnu pour être le fondateur de « histoire naturelle » grâce à ses observations précises qui témoignent d’une « intention », d’un « dessein » dans la structure des êtres vivants. Cela révèle non l’acte d’un créateur, mais l’existence d’une échelle unique de l’être qui monterait des objets inanimés aux plantes, puis aux animaux et aux hommes. L'homme y apparaît comme un animal, mais c'est d'un «animal raisonnable» qu'il s'agit. Si «l'âme nutritive» existe dans les plantes comme chez les animaux, si tous les animaux disposent en outre d'une «âme sensitive» par laquelle ils accueillent les sensations et ressentent plaisir et douleur, seul l'homme est supposé disposer en outre d'un intellect.
- La pensée occidentale mettra des siècles à se libérer de l'anthropocentrisme qu'implique une telle conception, d'autant qu'il s'est trouvé renforcé dans la pensée chrétienne par la référence au texte de la Genèse, où il est écrit que Dieu a destiné l'homme, créé à son image et à sa ressemblance, à «régner sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur la terre entière et sur tous les reptiles qui rampent sur le sol ». La succession des actes créateurs instaure une discontinuité entre l'homme et l'animal. Si l'homme, par son «âme intellective» (saint Thomas) immatérielle et immortelle, participe seul à la nature divine, l'animal subit une sorte de discrédit radical. L’animalité est perçue comme l’ultime menace pour l’humanité. Michel Foucault (1926-1984) a bien montré la présence persistante de ce fantasme au cœur de l'âge classique, au moment où se définit la «raison» occidentale : «La folie emprunte son visage au masque de la bête». Cette hantise s'enracine dans «les vieilles peurs qui, depuis l'antiquité, depuis le Moyen Age surtout, ont donné au monde animal sa familière étrangeté, ses merveilles menaçantes, et tout son poids de lourde inquiétude». Lautréamont (1846-1870), après Emmanuel Kant (1724-1804) témoignera encore de la force de cette conviction occidentale, d'origine chrétienne: l'animal appartient à la contre-nature, à une négativité qui met en péril, par sa bestialité, l'ordre et la sagesse supposée de la nature, à commencer par celle de l'homme.