L’éducation nutritionnelle dans l’école tunisienne : analyse des pratiques déclarées par les enseignants du primaire - Texte intégral

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Introduction

Les problèmes chroniques liés à l’alimentation ne sont pas limités aux pays riches mais augmentent partout dans le monde du fait des changements du style de vie et des pratiques de consommation (Suzanne, 2009). Dans ce contexte, la Tunisie semble se situer à un stade déjà avancé. En effet, selon l’enquête réalisée par l’institut national de la nutrition et de la technologie alimentaire et qui porte sur le thème de la surveillance alimentaire et nutritionnelle, la Tunisie passe par une transition alimentaire et épidémiologique où on assiste à une augmentation de la prévalence de l’obésité Beltaifa et al, 2002).

Par ailleurs, la prévalence du diabète est calquée sur celle de l’obésité. Cette dernière est considérée comme le plus redoutable facteur à risque favorable au diabète de type 2 après l’aspect héréditaire (Sahar & Le Bihand, 2002). Les spécialistes sont unanimes quant à l’aspect alarmant des chiffres récents qui font état d’une avancée sensible dans la société tunisienne de cette terrible maladie. Il s’agit d’un véritable problème de santé publique (OMS, 2003). Face à cette évolution épidémiologique, l’école est censée agir afin de développer des stratégies de prévention et promotion de la santé des jeunes scolarisés. Un nombre significatif de recherches ont montré le rôle fondamental de l’école dans la promotion de la santé (Jourdan, 2004 ; Berger et al, 2010, Berger, 2012, etc.). C’est ainsi que dans plusieurs pays (France, Canada, Belgique, etc.), devant le développement de la prévalence du surpoids et de l’obésité dans la société (Petherick & Beausoleil, 2015), de nombreuses initiatives ont été menées en milieu scolaire et qui ciblent l’enfant à l’école (Actions réglementaires et législatives, interventions organisationnelles engagées auprès de la restauration scolaire, etc.). Divers projets pédagogiques à visée préventive ont été également conçus et mis en place au sein de l’école. Leurs objectifs sont l’amélioration de connaissances, le renforcement de compétences et l’inflexion d’attitudes susceptibles de générer chez l’enfant l’adoption des comportements favorables à la préservation de sa santé. Dans cette perspective, les curricula ont connu plusieurs réformes scolaires visant l’articulation des apprentissages autour de phénomènes qui touchent le quotidien des apprenants, comme ceux liés à la sante (Lange & Victor, 2006). L’idée qui sous-tend ces initiatives étant que chaque enfant a le droit et devrait avoir l’opportunité d’être éduqué dans une école promotrice de la santé (Berger, 2012 ; St Leger & Young, 2009 ; Monfette & Grenier, 2015). La question se pose alors, des initiatives et démarches conçues et mises en place au sein de l’école tunisienne pour promouvoir la santé des élèves à l’école en réaction à la prévalence de l’obésité et afin de réduire le risque des maladies chroniques qui en découlent. En Tunisie, bien qu’elle soit récente, l’éducation à la santé est présente tout au long du curriculum tunisien relatif à l’enseignement de l’éveil scientifique (école primaire) et l’enseignement des sciences de la vie (collège et lycée) avec des entrées multiples : éducation nutritionnelle (digestion et nutrition), éducation sexuelle (la reproduction humaine) et l’éducation à l’environnement (cours sur les ressources en eau et leur exploitation) etc. Les programmes et textes officiels accordent à l’éducation à la santé une place significative parmi les missions assignées au système scolaire (guide de l’instituteur de l’éducation à la santé, 1992), (circulaire relatif à la vie scolaire, N° 2437, 2004, Article 1). Ainsi, à la fin de l’enseignement primaire : « l’élève devrait être capable de résoudre des problèmes en relation avec les fonctions biologiques du corps et la prévention contre les maladies » (programmes officiels de l’enseignement de l’éveil scientifique, 2004, p. 120). Telle qu’elle est présentée dans les programmes officiels, l’éducation à la santé s’inscrit dans une approche globale de la santé : « Santé et bien-être : la conscience de soi et les besoins de base (…) prise de conscience de l’impact des choix personnels dans la santé et le bien être (…) Mode de vie actif et comportement prudent » (programmes officiels de l’enseignement de l’éveil scientifique, 2004, p. 24). Un nouveau défi semble ainsi s’offrir à l’école tunisienne et aux enseignants particulièrement. En effet, comment faire face à ces changements ? Dans quelle mesure les enseignants tiennent compte de ces objectifs au niveau du curriculum réel ? Est-ce que ces objectifs se trouvent atteints ou restent-ils au niveau du curriculum prescrit ?

La nutrition humaine est un concept central dans l’enseignement de [la biologie]]. Elle est enseignée à l’école, au collège et au lycée. Ce concept englobe plusieurs domaines tels que l’anatomie, la physiologie, la biochimie, mais également des domaines relatifs aux sciences humaines et aux pratiques sociales (Maziliak, 2004). L’enseignement de la nutrition présente ainsi une porte d’entrée à l’éducation à la santé qui vise à instaurer des comportements alimentaires responsables dans une stratégie d’éducation nutritionnelle et avec une approche globale de promotion de la santé.

Cadre théorique

En Tunisie (loi d’orientation n° 2002-80, 2002), l’éducation à la santé bien que non disciplinaire, s’appuie sur les enseignements. Il ne s’agit pas d’un simple discours sur [[la santé]], ni d’un simple apport d’informations. Elle a pour objectif le développement de compétences qui reposent à la fois sur l’appropriation des connaissances utiles pour comprendre et agir, la maîtrise de méthodes de pensée et d’action, le développement d’attitudes, telles que l’estime de soi, le respect des autres, la solidarité, l’autonomie et la responsabilité. L’éducation nutritionnelle consiste ainsi à articuler les actions éducatives de santé et les contenus disciplinaires afin de conduire l’élève à choisir un comportement individuel et citoyen adapté par rapport à la nourriture (Negre-Bras, 2010). Dans cette recherche, nous considérons - tout comme l’OMS (1986) - l’éducation à la santé comme élément d’une « politique de promotion de la santé. L’éducation nutritionnelle consiste ainsi en un ensemble d’interventions qui vise à informer, motiver et aider les élèves à adopter volontairement des comportements favorables à la santé (Jourdan 2004 ; Berger et al, 2010 ; St Leger & 2009). Analyser la place de [l’éducation nutritionnelle]] au sein de l’école consiste donc à s’interroger sur l’efficacité de l’enseignement de [[la nutrition]] pour les élèves (Azorin et al, 2010), analyser son rôle en terme d’« éducation à » qu’il prétend jouer et voir comment les enseignants abordent cette thématique. Il s’agit de vérifier s’il y a une prise en compte des différentes dimensions de [[l’éducation nutritionnelle]] : quels sont les objectifs de cet enseignement ? Quels sont ses apports pour l’élève ? Contribue-t-il à former des citoyens responsables ayant des comportements raisonnables comme le souhaitent les programmes officiels ? Afin d’analyser la place de l’éducation nutritionnelle au sein de l’école nous nous proposons d’analyser comment les enseignants conçoivent cette éducation. Il s’agit de recueillir les conceptions individuelles des enseignants pour connaitre les systèmes de représentations sociales véhiculées par la profession. Le but est de mieux les connaitre pour pouvoir proposer des programmes de formation initiale et continue plus adaptés au contexte d’exercice du métier et en lien avec les connaissances scientifiques sur l’éducation à la santé. Nous considérons les conceptions individuelles comme un ensemble d’idées coordonnées et modèles explicatifs cohérents utilisés par chaque enseignant pour raisonner face à la situation relative à l’éducation nutritionnelle (Apostolidis & Lionel, 2007 ; Jodelet, 1997). Il s’agit d’une structure mentale sous-jacente liée à l’affectif du sujet, à son appartenance culturelle, son appartenance sociale et constitue un point d’équilibre dans la relation que le sujet entretient avec le monde (Lufin, 1995). Par ailleurs, plusieurs auteurs (Jourdan, 2004 ; Berger, 2012 ; Hrairi, 2013) ont souligné l’existence de liens directs entre les conceptions des enseignants, [[les représentations sociales]] et leurs pratiques professionnelles.

Méthodologie

L’enquête s’est appuyée sur la passation d’un questionnaire. Bien conçu et formulé, un questionnaire permet de collecter des informations complètes et d’interroger plus de sujets d’appartenances géographiques différentes (Waelbroeck, 2006). Ce questionnaire comporte de nombreuses questions ouvertes permettant l’expression des conceptions et des questions sous forme d’échelle de Lickert permettant de moduler les réponses. Le questionnaire a été adressé à un groupe d’enseignants appartenant à différentes régions de la Tunisie, soit 147 instituteurs tunisiens exerçant en école primaire. Ces sujets se sont portés volontaires pour participer à l’enquête.

Pourquoi l’école primaire ?

Cette recherche s’est focalisée sur l’école primaire parce que nous pensons que l’impact d’un projet d’éducation nutritionnelle chez les enfants âgés de 4 à 12 ans pourrait être plus important que chez les adolescents (Berger, 2002 ; Jourdan, 2004). Par ailleurs, en Tunisie, l’enseignement de l’éveil scientifique présente la porte d’entrée principale à l’éducation et promotion de la santé. En effet, à l’école primaire, les élèves commencent par découvrir les sens et leurs fonctions par rapport à l’environnement, étudient les mouvements corporels et des éléments d’éducation à la santé (la nutrition, l’hygiène, l’environnement, etc.). Les autorités ont affirmé la mission de l’école en matière de politiques de prévention et de promotion de la santé. En effet, loin des préceptes normatifs, les programmes officiels ont accordé à l’école primaire cette mission éducative. Un travail spécifique sur l’école primaire peut permettre ainsi d’obtenir des éléments quant à la mise en œuvre de stratégies de prévention précoce et plus généralement de construction des compétences conduisant à la construction d’un concept de santé positif chez les enfants (Larue, 2000).

Les participants

Les répondants exercent dans des écoles primaires appartenant à différentes régions de Tunisie. Ils sont censés avoir déjà assuré l’enseignement de la thématique de la nutrition. Ces enseignants présentent des anciennetés variables allant de 3 ans d’enseignement jusqu’à 14 ans. Il s’agit de 65 enseignantes et 82 enseignants. Grâce à cette diversité (tableau N° 1), nous pourrons comparer les informations récoltées et voir s’il existe des différences dans la manière dont ces sujets conçoivent l’éducation nutritionnelle liées à leurs appartenances régionales, genre et ancienneté. Tableau N° 1 : Répartition de la Population d’étude selon le genre, l’ancienneté et l’appartenance sociale : Genre Ancienneté Appartenances régionales F M G1 G2 G3 Sud Nord Est Ouest 65 82 38 46 63 37 32 41 37 Ancienneté : les enseignants sont répartis, selon leur ancienneté, en trois groupes : G1 : ancienneté se situe entre 3 et 5ans ; G2 : ancienneté se situe entre 5 ans et 10 ans ; G3 : ancienneté se situe entre 11 et 14 ans

Questionnaire

Un texte présentant le but de cette recherche a précédé le questionnaire. L’anonymat des réponses a également été garanti aux sujets interrogés. Le questionnaire administré (Annexe 1) est composé d’une série de questions ouvertes, fermées et également à choix multiple, que nous avons choisies de regrouper en quatre champs : 1. Le premier (Q1) permet de caractériser l’enseignant ainsi que son école. Il compte ainsi des questions sur le genre, l’école et l’ancienneté. 2. Le deuxième (Q2.1 à Q2.4) porte sur les forme(s) et fonction(s) de l’enseignement de [[la nutrition]]. Le but de ces questions est d’explorer les formes que cet enseignement prend et d’analyser ses enjeux et son impact sur les pratiques alimentaires. 3. Le troisième (Q3.1 et Q3.2) permet d’analyser les représentations des enseignants concernant l’éducation nutritionnelle. Cet item renferme ainsi des questions sur la définition de l’éducation nutritionnelle, les pratiques et les actions des enseignants dans ce domaine. 4. Le quatrième (Q4.1 et Q4.2) vise à analyser la place des partenaires en [[éducation nutritionnelle]].

Traitement des données

Nous avons opté pour à une analyse de contenu du matériel collecté. Il s’agit d’un

ensemble de techniques descriptives, objectives, systématiques et quantitatives servant à « l’exploitation de documents » (D’unrug, 1974). Ces techniques sont destinées à établir la signification et à permettre une compréhension éclairée des documents analysés. L’analyse de contenu opère à partir d’un premier niveau de lecture, au pied de la lettre, et se prolonge à un second niveau de lecture : le sous-jacent ou le sous-entendu. C’est une méthode d’analyse pratiquée dans les sciences humaines et sociales dont la réalisation comprend trois grands volets : la pré-analyse, l’exploitation proprement dite des documents et la formulation des conclusions. L’analyse a pour but « d’étayer des impressions, des jugements intuitifs » (Bardin, 1989) à l’égard de certaines communications afin d’obtenir, par des opérations structurées, des résultats fiables quant à leur teneur signifiante. Cette exploitation des documents s’est réalisée à partir de deux types de lecture : une horizontale qui a embrassé tout le texte et qui a compris toutes les opérations de décompte des éléments et une autre verticale, consistant à consigner les impressions subjectives de l’analyste à l’égard des éléments observés. Cette étape s’est suivie par une analyse catégorielle. Elle est réalisée à partir d’une grille qui a permis de balayer le texte et de repérer les répétitions fréquentielles thématiques. Elle a englobé la totalité du texte des 147 questionnaires récoltés pour dénombrer et classer des thèmes ou des items significatifs. Un décompte par fréquence de présence (ou d’absence) d’unités définies a été effectué. Le texte est ensuite découpé en unités puis classé en catégories selon des regroupements analogiques. Les catégories permettant la classification de ce que l’on considère être les éléments constitutifs du message (Bardin, 1989).

Résultats

== Pas d’effets de l’âge, l’appartenance géographique et l’ancienneté des sujets sur leurs représentations == 19 Cette recherche montre que, pour l’échantillon étudié, le genre, l’ancienneté (nombre d’année d’exercice) et l’appartenance régionale n’ont pas d’influence sur [[les représentations]] et les pratiques des enseignants quant à l’éducation nutritionnelle. En effet, nous n’avons pas remarqué d’éventuelles corrélations entre d’une part l’appartenance régionale, le genre et l’ancienneté des sujets et leurs conceptions et pratiques en éducation nutritionnelle d’autre part.

Formes et fonctions de l’enseignement de la nutrition

En réponse à la question 2.1 (Annexe 1) nous avons remarqué que tous les enseignants interrogés (codés de E1à E147) déclarent être satisfaits de la séquence sur la nutrition. E7 : « oui la séquence sur la nutrition a été bien passée » E15 : « oui comme d’habitudela nutrition est une des thématiques que je préfère » E23 : « oui la séquence de la nutrition est passée comme je le souhaite » En ce qui concerne la deuxième question (2.2), la majorité des enseignants interrogés (145/147), s’accordent sur le fait que cet enseignement prend la forme de transmission de notions liées à la nutrition. E1 : « j’ai expliqué aux élèves les origines des aliments. On a vu ce qui a été dit dans le manuel scolaire pour arriver à la conclusion qu’il y a deux origines possibles d’aliments » E9 : « j’ai enseigné la nutrition dans la séance de l’éveil scientifique. J’ai enseigné l’importance du petit déjeuner et comment on a besoin de trois repas dans la journée » Certains enseignants évoquent le recours à des exercices d’applications dont le nombre, la forme et le contenu diffèrent d’un enseignant à un autre. Cependant, bien que les exercices proposés tels qu’ils sont décrits par les enseignants, annoncent des pratiques de résolution de problème, ils sont loin de présenter aux élèves une occasion pour poser des problèmes et concevoir des solutions. En effet, la majorité des enseignants (136/147) déclarent avoir proposé et travaillé l’exercice. Il s’agit donc de ce que Darley (2007) désigne d’un « faux problème ». Ainsi, la séquence sur la nutrition représente, chez la majorité des enseignants interrogés (145/147) une simple exposition de notions relatives à la digestion, nutrition, alimentation, illustrées par des exercices. E18 : « J’ai enseigné dans la nutrition les origines des aliments et l’importance du petit déjeuner. J’ai aussi fait des exercices pour les aider à comprendre » E32 : « J’ai fait les exercices du manuel scolaire sur les origines des aliments. On classe dans un tableau les aliments selon leurs origines : animale ou végétale. » Deux enseignants seulement sur les 147 déclarent avoir réalisé « des expériences » avec les élèves au cours de la séquence d’enseignement de la nutrition. E52 : « j’ai enseigné aux élèves qu’est-ce que c’est la nutrition. Comment on a besoin de trois repas dans la journée. J’ai aussi fait une petite expérience avec les élèves. Je leur ai demandé d’apporter beaucoup de fruits et j’ai réalisé avec eux une salade de fruits pour expliquer l’importance des fruits. Cette activité a été appréciée par mes élèves. » E89 : « j’ai enseigné les origines des aliments. J’ai expliqué aux élèves comment notre nourriture présente deux origines : animale et végétale. J’ai expliqué aussi l’importance du petit déjeuner et j’ai demandé aux élèves d’apporter chacun un petit panier avec ce qu’il mange le matin. Mon objectif est de discuter avec chacun de mes élèves ce qu’il mange le matin et d’intervenir de temps en temps pour arriver à leurs expliquer que le petit déjeuner doit être varié. » En ce qui concerne les fonctions accordées à l’enseignement de la nutrition (question 2.3), nous avons remarqué que les enseignants interrogés accordent à l’enseignement de la nutrition des objectifs d’ordre notionnel. Pour eux, cet enseignement permet d’« expliquer », « enseigner », « identifier »). Les fonctions d’ordre éducatif (changement de rapport vis-à-vis de la nourriture, acquisition d’habitudes alimentaires saines, etc.) restent cependant très limitées. 23 enseignants seulement sur les 147 évoquent ces fonctions : E17 : « l’enseignement de la nutrition a plusieurs rôles. Son rôle principal reste celui d’expliquer aux élèves la nutrition. Il peut aussi les sensibiliser en leur expliquant l’importance de la nourriture et comment elle doit être variée » E52 : « le rôle de l’enseignement de la nutrition est bien sûr d’expliquer la nutrition aux élèves. Mais j’ai remarqué que lorsque les élèves préparent la salade de fruits, leurs visions à la nourriture change. Ils ont plus de plaisir à manger les fruits. Il y ‘a même des élèves qui ne mangeaient pas certains fruits auparavant, mais, en préparant la salade avec leurs copains, ils ont mangé tous les fruits sans exception. En voyant leurs copains les savourer, ils ne rejettent plus ces aliments. » E89 : « il y a plusieurs rôles : enseigner les informations liées à la nutrition et aussi changer les habitudes alimentaires des élèves et les aider à acquérir des habitudes saines. Par exemple, le petit déjeuner présente un problème pour les enfants. La majorité de nos élèves arrivent en classe sans prendre leur petit déjeuner. En classe, j’ai fait des activités avec mes élèves sur le petit déjeuner pour leur montrer son importance et également comment ce petit déjeuner doit être varié » Par ailleurs, en fonction de leurs réponses concernant l’impact que pourrait avoir l’enseignement de la nutrition sur les pratiques alimentaires des élèves (question 2.4), nous avons caractérisé deux groupes d’enseignants : groupe A (132/147) : ceux qui considèrent que l’enseignement de la nutrition ne présente pas d’impact sur les pratiques alimentaires des élèves. Ces enseignants évoquent de multiples raisons : E3 : « Ce n’est pas l’objectif de l’enseignement », E17 : « Ce n’est pas facile de changer les pratiques alimentaires des élèves », E31 : « …sont très difficiles à changer » E35 : « on enseigne et on donne des informations mais on ne change pas [[les pratiques alimentaires]] des élèves » E7 : « c’est le rôle des parents » E56 : « ce n’est pas à l’école de faire apprendre aux élèves les bonnes habitudes alimentaires. C’est le rôle des parents » E4 : « L’enseignement de la nutrition ne présente pas d’impact sur [[les pratiques alimentaires]] des élèves. Les élèves arrivent avec des pratiques alimentaires bien définies. C’est très difficile de les changer. » E13 : « non, l’enseignement de la nutrition ne présente pas d’impact sur [[les pratiques alimentaires]] des élèves car on enseigne mais on ne change pas [[les habitudes alimentaires]] des élèves » E67 : « non, l’enseignement de la nutrition ne présente pas d’impact sur [[les pratiques alimentaires]] des élèves parce que l’enseignant ne peut pas le faire en plus, c’est très difficile de changer les pratiques alimentaires des élèves – groupe B (15/147) : ceux qui considèrent que l’enseignement de la nutrition à un impact sur les pratiques alimentaires des élèves. De multiples raisons se trouvent évoquées : E4 : « Les élèves s’influencent facilement » E76 : « c’est le deuxième objectif de l’enseignement de la nutrition » E49 : « lorsque l’élève comprend ce qu’on lui enseigne il change facilement de pratique » E52 : « on peut changer les pratiques alimentaires des élèves car nos élèves sont des petits enfants. Ils s’influencent facilement » E89 : « si on explique bien aux élèves l’importance du petit déjeuner le matin, par exemple, ils vont accepter mieux ce repas chez eux ». La majorité des enseignants interrogés considèrent que l’enseignement dela nutrition ne présente pas d’impact sur les pratiques alimentaires des élèves. Cet enseignement prend ainsi la forme d’une transmission de notions biologiques où seules les fonctions notionnelles se trouvent valorisées. Les dimensions éducatives restent très limitées. Nous notons un certain glissement entre, d’une part, les recommandations générales des programmes officiels et d’autre part les objectifs que les enseignants accordent à l’enseignement de la nutrition. Ces fonctions accordées à l’enseignement de la nutrition se trouvent réduites aux notions scientifiques (dans une logique d’illustration). Les fonctions éducatives relatives à la promotion de la santé, annoncées au niveau des programmes officiels se trouvent laissées de côté par les enseignants.

Représentations des enseignants sur l’éducation nutritionnelle

L’analyse des énoncés relatifs à l’éducation nutritionnelle montre la grande place prise par les mots appartenant au champ sémantique de la biologie (digestion, alimentation, nourriture, aliments, etc.). Ces derniers étant cités dans tous les énoncés pris en comptes. Certaines notions liées à la santé, la prévention, l’hygiène et la maladie (bonne santé, obésité, diabète, propreté, etc.) se trouvent également, fréquemment citées puisqu’elles apparaissent dans 123 réponses sur les 147 collectées. Cependant, les expressions relevant du champ de l’éducation à la santé avec une approche globale (aider à changer les habitudes alimentaires, apprendre à choisir les bons aliments, apprendre à construire un plat équilibré), sont très peu présentes puisqu’elles apparaissent uniquement dans 6 énoncés sur les 147 prises en compte. La majorité des enseignants interrogés attribuent aux parents ainsi qu’aux nutritionnistes l’éducation nutritionnelle des enfants. Seulement 4 enseignants sur les 147 interrogés admettent avoir un rôle dans ce projet. Nous avons ainsi pu caractériser deux types de représentations selon les définitions de l’éducation nutritionnelle : • une autour de l’aspect biomédical, se trouve évoquée par la majorité des enseignants (141/147). Ces derniers définissent l’éducation nutritionnelle en tant qu’apport d’informations et de notions d’ordre biologique, préventif et médical. Ces enseignants présentent un discours biomédical à tendance préventif. Pour eux, [[l’éducation nutritionnelle]] se trouve ainsi réduite à « la prévention des maladies liées à la nutrition telle que l’obésité » (E1), « donner les informations sur la nutrition chez l’homme et [[la digestion]] » (E16) et « expliquer la nutrition chez l’homme » (E23). • une orientation éducative. Elle comprend 6 enseignants sur les 147. Ils considèrent que l’éducation nutritionnelle consiste à « apprendre aux personnes à suivre [[un régime alimentaire équilibré}} » (E76) et à « aider les élèves à accepter de manger et de découvrir les aliments et surtout les fruits et les légumes » (E43). Nous remarquons ainsi que la très grande majorité des enseignants interrogés développent une représentation biomédicale de l’éducation nutritionnelle. L’approche éducative valorisant l’approche globale de la santé et permettant une prise en compte des différentes dimensions de l’éducation nutritionnelle se trouve réduite. Par ailleurs, concernant le rôle de l’enseignant en éducation nutritionnelle, nous avons caractérisé trois groupes : • groupe 1 (51/147) : ceux qui considèrent que leur rôle se limite à donner des informations sur la nutrition • groupe 2 : (92/147) : ceux qui considèrent que ce n’est pas leur rôle. Il s’agit plutôt du rôle des parents et des nutritionnistes • groupe 3 (4/147) : ceux qui considèrent qu’ils ont un rôle d’éducation nutritionnelle auprès de leurs élèves. Ces enseignants (E43, E52, E76, E89) considèrent que l’enseignement de la nutrition pourrait avoir un impact sur [[les pratiques alimentaires}} des élèves et développent une « représentation éducative ».

Par ailleurs, des liens semblent se dégager entre les représentations des enseignants et

leurs pratiques. En effet, les enseignants des groupes 1 et 2 développent [[une « représentation biomédicale »]] de l’éducation nutritionnelle. Pour eux, [[l’éducation nutritionnelle]] relève plutôt du rôle des parents et des nutritionnistes et consiste à donner des informations d’ordre biomédical sur la nutrition. Les quatre enseignants du groupe 3 (E43, E52, E76, E89) considèrent qu’ils ont un rôle d’éducation nutritionnelle auprès de leurs élèves et ont tendance à inscrire l’éducation nutritionnelle dans une approche éducative en tant que « éducation visant à aider les élèves à avoir des habitudes alimentaires correctes » (E52). Ils évoquent des pratiques pédagogiques centrées sur « la discussion avec les élèves sur les habitudes alimentaires des tunisiens », « la mise en place d’atelier d’éducation nutritionnelle en classe », « le débat », etc. Ces résultats semblent ainsi être en cohérence avec plusieurs recherches menées en éducation à la santé (Jourdan 2002, 2004 ; Berger, 2012, Hrairi, 2013). En effet, ces auteurs ont caractérisé une relation directe entre les représentations des enseignants et leurs pratiques relatives à l’éducation à la santé.

Place des partenaires en éducation nutritionnelle

En réponse aux questions 4.1 et 4.2, tous les enseignants interrogés expriment des attentes vis-à-vis des partenaires de l’école dans le domaine de l’éducation nutritionnelle. Cependant, les nutritionnistes restent les seuls évoqués avec une absence significative de référence aux parents, milieux associatifs et autres éventuels partenaires. Ces attentes sont variées mais convergent vers des interventions auprès des élèves pour une éducation nutritionnelle (142/147). E5 : « c’est très important d’avoir une nutritionniste en classe. Ça aide les élèves à comprendre les maladies liées à la mauvaise alimentation » E7 : « une personne de la santé et surtout une nutritionniste aura un effet très positif sur les élèves. Elle peut montrer aux élèves les maladies causées par une nutrition non équilibrée telle que l’obésité ». Cependant, 5 enseignants seulement évoquent des interventions mixtes en classe pour concevoir et mettre en place des ateliers ou des animations auprès des élèves. E52 : « une nutritionniste connait normalement toutes les informations sur la bonne alimentation. Elle pourra m’aider à faire des activités en classe avec les élèves » E89 : « je pourrais avec une nutritionniste expliquer aux élèves comment préparer un repas équilibré. Nous pourrons faire des démonstrations devant mes élèves ». Ces résultats sont en cohérence avec les représentations des enseignants. En effet, le fait que la majorité des enquêtés développent une approche biomédicale de [[l’éducation nutritionnelle]] explique leur référence aux nutritionnistes en tant que premiers partenaires. Dans cette approche biomédicale et préventive, l’apport d’informations biomédicales est valorisé et les parents ainsi que les milieux associatifs restent quasiabsents. Cependant, seulement 5 enseignants sur les 147 interrogés évoquent des possibilités d’interventions mixtes pour des objectifs éducatifs.

Discussions

Le modèle biomédical est valorisé

Cette recherche montre que le modèle biomédical se trouve le plus privilégié par les enseignants ce qui semble être en cohérence avec plusieurs travaux (Hrairi, 2007 & 2013 ; Jourdan, 2004 ; Azorin, 2010 ; Negre-Bras, 2010). L’approche globale, éducative et promotionnelle de la santé reste très minoritaire, puisque la référence de la majorité des enseignants est « biologique » et « médicale » en référence à une dégradation pathologique liée à un « mauvais » comportement en matière de nutrition. La santé n’est pas perçue, ainsi, en tant que ressource de la vie quotidienne, mais en tant qu’état de non maladie. Cette approche négative de la santé ne favorise pas l’acquisition [[des comportements alimentaires]] favorables à la santé (Jourdan, 2004). Par ailleurs, les enseignants attribuent à une pathologie nutritionnelle (l’obésité en particulier) une seule cause (une ration alimentaire excessive), ce qui semble rejoindre les résultats de la recherche menée par Sahar (2002) où il est montré que l’obésité est souvent traitée, en Tunisie, selon un modèle linéaire causal. Ce modèle ignore les autres composants des comportements alimentaires (psychologique, anthropologique, social, influence de la publicité, de l’industrie agroalimentaire, etc.) considérés par plusieurs chercheurs (Azorin, 2010 ; Beltaifa, 2002 ; Jourdan, 2004 ; Negre-Bras, 2010) indispensables pour comprendre l’acte alimentaire. Il parait nécessaire donc de redéfinir une nouvelle conception de l’enseignement de la nutrition en privilégiant l’approche éducative qui tient compte des différentes dimensions de la nutrition et de l’éducation nutritionnelle. Seule une telle approche permettra à l’école de tenir compte des changements que subit la société tunisienne. == L’éducation nutritionnelle est plus l’affaire de la famille que de l’enseignant == La majorité des enseignants interrogés (132/147) considèrent que l’enseignement de la nutrition ne présente pas d’impact sur les pratiques alimentaires des élèves. Selon ces derniers, il s’agit plus de l’affaire de la famille que de l’école. De ce fait, les fonctions de l’enseignement de la nutrition se trouvent réduites aux notions scientifiques et restent loin de tout objectif d’ordre éducatif. Cependant, plusieurs chercheurs considèrent que l’éducation nutritionnelle relève des missions et des compétences des enseignants. (Berger, 2012 ; Jourdan, 2004 ; Coquidé, 2001). En effet, « l’éducation nutritionnelle en milieu scolaire (...) doit être prioritairement dispensée par les enseignants eux-mêmes, soutenus par les infirmières et les médecins scolaires ainsi que par les partenaires de l’école dans le domaine de la santé » (Jourdan, 2004, p. 26). Un programme de formation destiné aux enseignants et visant à les sensibiliser quant à leur rôle dans les projets d’éducation à la santé en général et d’éducation nutritionnelle en particulier s’impose (Berger, 2008). Cette formation est censée également aider les enseignants à acquérir les compétences nécessaires pour inscrire l’éducation nutritionnelle dans un projet d’éducation à la santé avec une approche globale voir même environnementale.

Un besoin de développer le partenariat avec les nutritionnistes

Concernant la question relative aux partenaires, cette recherche a montré l’existence d’un réel besoin d’établir et de développer des partenariats dans le domaine de l’éducation nutritionnelle au sein de l’école. Cependant, les enseignants interrogés réduisent ce partenariat aux nutritionnistes. La littérature (Azorin, 2010 ; Negre-Bras, 2010) montre que les informations touchant la nutrition doivent provenir de plusieurs sources crédibles et concertées et tenir compte de l’environnement social. L’école demeure, certes, le lieu de première importance pour y tenir des projets éducatifs pour promouvoir la santé mais les parents restent des partenaires essentiels dans ces projets. Il est donc nécessaire de concevoir et de mettre en place des projets d’éducation nutritionnelle avec une approche globale, impliquant parents, professionnels de santé et nutritionnistes dans une logique communautaire (Bédard & Potrin, 2007). Ainsi plusieurs activités peuvent être proposées : des activités éducatives liées à la nutrition (organiser des ateliers de cuisine, de dégustation, présenter des idées de contenu d’un repas, etc.) ; des activités liées à la vie scolaire de l’enfant (organiser des sorties éducatives au supermarché, les initier à lire les contenus des produits achetés, prendre conscience de l’influence de la publicité, etc.)

Perspectives

Le développement du travail des femmes, les rythmes de scolarité et l’éloignement des domiciles ont conduit les tunisiens et en particulier les jeunes à modifier leur comportement alimentaire. La société tunisienne change et ses pratiques alimentaires et nutritionnelles changent également. L’école est invitée en conséquence à s’ouvrir sur la société et à tenir compte de ces changements (Sahar & Le Bihand, 2002). Cette recherche met en évidence la prégnance de la forme scolaire dans les représentations des enseignants et son influence sur la conception des dispositifs pédagogiques. Il s’agit d’enseigner les connaissances mais sans assurance de l’impact de ces connaissances sur les comportements alimentaires. Or la transformation des comportements nécessite une approche globale de la personne/élève dans ses dimensions sociales et affectives. S’alimenter est un acte complexe sous l’influence de nombreux facteurs (Jourdan, 2004 ; Azorin, 2010). Eduquer à la nutrition oblige à intégrer ces facteurs dans le dispositif pédagogique et ne pas se réduire au simple apport de connaissance. Visiblement, les enseignants interrogés ne se situent pas dans une telle approche. Ceci pose fortement la question de leur formation. De nombreuses recherches (Bédart & Potvin, 2007) présentent la nouvelle modalité scolaire constituée par l’éducation nutritionnelle en tant que partie intégrante de l’éducation à la santé environnementale et soulève les questions des savoirs et des rapports entre eux et leurs modes de transmission. Elle valorise ainsi les dimensions sociales de ces savoirs et leur impact sur les finalités éducatives de l’enseignement. Dans cette perspective, nous pensons que l’adoption du concept “Health-Promoting School” (OMS, 1998) s’avère être très opératoire. En effet, ce concept stipule que « la santé est engendrée et vécue dans les divers cadres de la vie quotidienne : là où on apprend, où l’on travaille, où l’on joue et où l’on aime ». Ce concept peut être adopté dans le contexte tunisien puisqu’il y a souvent contradiction entre les actions d’éducation sanitaire et l’environnement scolaire lui-même. Il paraît nécessaire donc, de dépasser les actions ciblées sur les changements de comportements individuels et d’englober celles visant les modifications de l’environnement social et physique dans lequel les populations évoluent (Eriksen et al, 2003). Ces éléments permettent de situer la légitimité de l’éducation nutritionnelle non pas en référence aux problèmes de santé mais en termes de construction de compétences visant à permettre à la personne de faire des choix éclairés et responsables. Il s’agit de donner les moyens à la personne de prendre soin d’elle-même, d’exercer sa responsabilité envers sa propre santé. Pour cela, c’est bien la capacité à choisir ses modes d’alimentation qui est en jeu. Pour qu’un tel choix soit possible, il est nécessaire d’avoir la maîtrise de connaissances : connaissances de soi et de ses besoins, connaissances nutritionnelles, etc. Mais ce n’est pas suffisant, il est indispensable d’être en capacité de choisir, de mettre à distance la pression des stéréotypes ou de la publicité. C’est bien le rôle de l’école que de mettre en œuvre des activités - qui visent à donner des connaissances scientifiques, développer l’estime de soi ou la capacité à résister à l’emprise des médias, des pairs par exemple - permettant aux élèves de s’approprier les moyens de construire leur propre liberté au cœur de la cité comme personne et comme citoyen.

Conclusion

Le but de cette étude était d’explorer, à l’aide d’un questionnaire, la réalité des pratiques déclarées en éducation nutritionnelle dans l’école tunisienne. Elle analyse [[ les pratiques et les représentations des enseignants ]] de l’école primaire quant à leur rôle dans le champ de l’éducation nutritionnelle et identifie leurs besoins en termes de partenariat. Cette recherche a permis d’avoir un aperçu des conceptions des enseignants sur [[ l’éducation nutritionnelle ]] au sein de l’école Tunisienne. Nous constatons que l’enseignement de la nutrition se trouve réduit à l’apport de notions avec dominance du modèle biomédical de la santé . Il s’agit davantage d’un enseignement formel plutôt que d’une démarche éducative globale de la personne. L’approche éducative de la santé reste très réduite. Nous rejoignons là Berger (2012) et Jourdan (2004) qui soulignent que l’éducation à la santé prend certes appui sur des savoirs et des connaissances mais qu’elle passe également par l’organisation du cadre de vie à l’école et des activités éducatives prenant en compte l’environnement scolaire. Il s’agit non seulement de dispenser des connaissances scientifiques mais également de contribuer au développement de compétences psychosociales à défaut desquelles il est difficile d’acquérir le moindre pouvoir sur sa propre santé. En effet, l’éducation nutritionnelle à l’école doit être conçue dans une approche interdisciplinaire avec une vision globale aux implications sociétales et personnelles fortes dans un contexte social en plein changement et très contraignant. Ce qui amène à porter davantage les efforts sur le développement des compétences personnelles des élèves dans une perspective citoyenne. Ces compétences permettent aux élèves de faire face à la complexité des contextes locaux, d’aller chercher de l’information de vérifier sa validité et de relier les connaissances acquises à la réalité sociale et culturelle dans laquelle ils vivent. Cette recherche est révélatrice des conceptions individuelles des enseignants de l’école primaire et de leurs pratiques pédagogiques. L’écrasante majorité des sujets interrogés inscrivent l’éducation nutritionnelle dans une approche thématique limitée à des séquences pédagogiques et ne l’intègre pas à un projet éducatif. Les pratiques en éducation nutritionnelle semblent être liées à l’idée que les acteurs se font de leur mission et de leur rôle. La dimension éducative et l’approche globale paraissent difficiles. Il existe ainsi un réel besoin de mettre en accord les demandes des prescripteurs (concepteurs de textes officiels) et les actions des opérateurs (enseignants) en renforçant la formation spécifique des enseignants. En effet, une formation sur la notion de santé globale, sur le partenariat, sur la promotion de la santé en milieu scolaire pourrait leur permettre d’envisager de nouveaux horizons professionnels et leur donner les compétences nécessaires pour sortir d’une logique univoque d’enseignement et envisager des approches éducatives en santé. De plus, le développement de partenariat pour garantir une prise en compte des différentes dimensions de l’éducation nutritionnelle , semble être primordial. En effet, l’éducation nutritionnelle , en milieu scolaire est l’affaire de tous : parents, personnels de santé et enseignants (dont le rôle est fondamental dans cette éducation). Elle nécessite ainsi la mobilisation des acteurs et l’articulation cohérente des différentes interventions dans une démarche de projet incluant la communauté éducative dans son ensemble. Pour terminer, il parait important de signaler que la méthodologie utilisée (approche par questionnaire) présente l’inconvénient de ne permettre d’accéder qu’à ce qui est déclaré et non aux pratiques réelles, l’analyse doit tenir compte de ce biais et rester prudente quant à la signification des données. Pour appréhender de manière encore plus fine la réalité de l’éducation nutritionnelle en classe, la présente étude doit impérativement être complétée par une étude qualitative auprès des classes. Cette étude sera entreprise à partir des observations et/ou enregistrements audio-vidéo effectués dans les classes dans le but de mieux explorer les pratiques réelles des enseignants.

Annexe 1: Questionnaire

Vos réponses nous aideront dans notre recherche. Merci de répondre à toutes les

questions et d’écrire ce que vous pensez.

1. QUI ÊTES-VOUS ? Homme Femme
En quelle année avez-vous commencé à enseigner ?
Dans quel type d’école enseignez-vous ?
Nom de votre école

Sa localisation (région, municipalité)

2. Forme(s) et fonctions de l’enseignement de la nutrition

• 2.1. Est-ce que la séquence sur la nutrition a été passée comme vous le souhaitez ? • 2.2. Décrire la dernière séquence sur la nutrition • 2.3. Selon vous, quel (s) rôle (s) peut avoir cet enseignement ? • 2.4. Selon vous, est-ce que cet enseignement peut avoir un impact sur les pratiques alimentaires des élèves ?

Non
Pourquoi ?
Oui
Pourquoi et comment ?
3. Représentations des enseignants concernant l’éducation nutritionnelle (Q4 à Q6).

• 3.1 Selon vous, l’éducation nutritionnelle est, ………………………………. • 3.2 Êtes-vous d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord, ou pas d’accord avec ces affirmations ? 1. C’est l’un des rôles de l’enseignant de contribuer aux changements des pratiques alimentaires de l’enfant 2. L’éducation nutritionnelle concerne autant les enseignants que les parents 3. L’éducation nutritionnelle relève exclusivement de l’éducation familiale 4. L’éducation nutritionnelle concerne exclusivement les nutritionnistes 5. L’éducation nutritionnelle doit se limiter à donner des informations scientifiques sur l’alimentation, l’hygiène, la nourriture, l’importance du petit déjeuner, etc. 6. L’éducation nutritionnelle, c’est favoriser l’éveil et la curiosité pour lutter contre les stéréotypes et les habitudes alimentaires mal saines. 7. L’éducation nutritionnelle, c’est donner les moyens aux enfants de vouloir, pouvoir, et savoir faire des choix éclairés et responsables en matière de nutrition. 8. Une action concernant l’éducation nutritionnelle de l’enfant ne peut être efficace qu’avec un travail avec des partenaires extérieurs à l’école 9. La pression institutionnelle sur les matières fondamentales laisse peu de place à l’éducation nutritionnelle. 10. L’éducation nutritionnelle en mile scolaire est inutile car systématiquement inefficace 11. L’éducation nutritionnelle n’est pas l’affaire de l’enseignant car il n’est pas compétent dans ce domaine. 12. L’éducation nutritionnelle est l’affaire de la famille 13. L’éducation nutritionnelle est l’affaire des nutritionnistes car il s’agit de leur domaine d’action. 14. L’éducation nutritionnelle à l’école peut permettre de prévenir des problèmes de santé tels que l’obésité, le diabète, etc.

4 - QUEL TRAVAIL AVEC LES PARTENAIRES ?
4.1 Avez-vous des attentes vis-à-vis des partenaires de l’école dans le domaine de

l’éducation nutritionnelle

+ (service de santé scolaire, associations d’éducation et de promotion de la santé,

nutritionnistes, parents, etc.) ?

Oui Non 

4.2 Si oui, quelles sont vos attentes ?

RÉSUMÉS

Cette recherche a pour but de contribuer au développement du champ encore émergeant de l’éducation nutritionnelle en Tunisie. Elle vise à explorer comment la nutrition est introduite au niveau des institutions éducatives et à analyser [[ les représentations et les pratiques des enseignants ]]. La méthodologie de recherche est axée sur l’enquête élargie qui a impliqué 147 enseignants tunisiens totalement volontaires. Les résultats ont montré que l’approche éducative reste dévalorisée au profit de l’apport notionnel en biologie avec dominance du modèle biomédical de la santé. Une structuration du champ de l’éducation relative à la nutrition, au sein du curriculum tunisien, pour intégrer les pôles alimentation et santé s’avèrerait nécessaire. Une telle réforme chercherait à enrichir le champ de l’éducation relative à la santé et à [[ l’éducation nutritionnelle ]] et à aider ainsi les élèves à se construire une opinion raisonnée sur des questions liées à la nutrition, au-delà d’unmodèle biomédical de prévention/protection. The purpose of this research is to contribute to the development of the still emerging field of educational nutrition in Tunisia. It aims to explore how this concept is introduced at educational institutions and to analyze the representations and practices of teachers. The research methodology is based on an extended investigation involving 147 volunteer Tunisian teachers. The results showed that the educational approach is devaluated in favor of the notional and biological ones with an apparent dominance of the biomedical model of health. The restructuration of the nutritional education field, in the Tunisian curriculum, that adequately incorporates food and health poles becomes necessary. Such reform seeks to enrich the field of health education and to catalyze social change towards a healthy and responsible eating behavior, beyond a biomedical model of prevention / protection.

INDEX

Mots-clés : nutrition, éducation nutritionnelle, santé, école primaire, enseignants, Tunisie Keywords : nutrition, nutrition education, health, primary school teachers, Tunisia

AUTEURS

SAMEH HRAIRI Université Virtuelle de Tunis DOMINIQUE BERGER Professeur des Universités, Université Claude Bernard Lyon 1