Principe de responsabilité

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Le Livre "Le Principe responsabilité"

Le Principe responsabilité est l'ouvrage le plus connu de Hans Jonas (1979).

Notamment en Allemagne, il a connu une réception qui a dépassé le cercle philosophique et a même été cité au Bundestag allemand.

Dans ce livre, Hans Jonas part de la question « pourquoi l'humanité doit exister ». L'existence de l'humanité dont l'impératif semble aller de soi, n'est plus du tout un fait assuré de nos jours. Au contraire, par son énorme pouvoir qu'il a avant tout grâce à la technique moderne, l'homme a désormais les capacités de s'autodétruire en peu de temps — c'est pourquoi il y a ici une nouvelle question qui doit entrer dans le domaine des considérations éthiques.

En se référant à sa philosophie de la biologie, Hans Jonas fonde l'impératif que l'homme doit exister, vu qu'il a, comme tout être vivant, une valeur absolue qui lui est inhérente et qu'il s'agit par conséquent de protéger quoi qu'il en coûte.

Dans la pratique, cela signifie que doit être interdite toute technologie qui comporte le risque — aussi improbable qu'il soit — de détruire l'humanité ou la valeur particulière en l'homme qui fait qu'il doit exister. Hans Jonas désigne cet impératif par la formule in dubio pro malo. Cela veut dire que s'il y a plusieurs effets possibles à une technologie, il faut décider comme si le plus mauvais allait s'accomplir : c'est le fameux principe de précaution.

C'est pour cette prescription que Hans Jonas a souvent été accusé comme étant hostile à la technique et à son progrès. Il a cependant refusé ce reproche. Il a même vu une nécessité de faire progresser la technique afin de pouvoir trouver des remèdes aux dégâts déjà causés par elle. Il voulait donc se servir de la technique afin de résoudre les problèmes posés par celle-ci. Mais ce à condition que la technique et la recherche soient pratiquées dans un cadre bien défini et sous des conditions bien contrôlées, afin d'éviter qu'il n'en résulte d'autres effets négatifs.

L'ethique du principe de responsabilité

Toute éthique jusqu’à présent admettait tacitement les présuppositions suivantes, reliées entre elles :

  • La condition humaine, donnée par la nature des choses et la nature des choses, est établie une fois pour toutes dans ses traits fondamentaux.
  • Sur cette base, ce qui est bon pour l’homme se laisse déterminer sans difficulté et de manière évidente.
  • La portée de l’agir humain et par conséquent celle de la responsabilité humaine est étroitement définie.

Dans le principe de responsabilité ces présuppositions ne valent plus, et la situation morale est plus explicite.

Tous les commandements et toutes les maximes de l’éthique traditionnelle, quelle que soit la différence de leurs contenus, présentent cette restriction à l’environnement immédiat de l’action.

  • « Aime ton prochain comme toi-même » ;
  • « Fais aux autres ce que tu souhaites qu’ils te fassent » ;
  • « Instruis ton enfant dans le chemin de la vérité » ;
  • « Recherche la perfection par le développement et la réalisation des meilleures possibilités en tant qu’homme » ;
  • « Ne traite jamais ton prochain comme un simple moyen, mais toujours également comme une fin en elle-même » ;
  • et ainsi de suite.

Remarquons que dans toutes ces maximes l’acteur et « l’autre » de son action partagent un présent commun. Ce sont les vivants actuels et qui, d’une façon ou d’une autre, ont commerce avec moi, qui ont droit à mon comportement pour autant qu’il les affecte par le faire ou par l’omission. L’univers moral se compose de contemporains et son horizon d’avenir se limite à leur durée de vie prévisible. Il en va de même de l’horizon spatial du lieu dans lequel l’acteur et l’autre se rencontrent comme voisins, comme amis ou ennemis, comme supérieur hiérarchique et subordonné, comme le plus fort et le plus faible et dans tous les autres rôles dans lesquels les hommes ont affaire les uns avec les autres. Toute moralité était ciblée sur ce cercle rapproché de l’agir.

Cette sphère la plus proche, quotidienne, de l’interaction humaine, est surplombée par le domaine croissant de l’agir collectif dans lequel l’acteur, l’acte et l’effet ne sont plus les mêmes que dans la sphère de la proximité et qui par l’énormité de ses forces impose à l’éthique une nouvelle dimension de responsabilité jamais imaginée auparavant.

La vulnérabilité critique de la nature par l’intervention technique de l’homme n’avait jamais été pressentie avant qu’elle ne se soit manifestée à travers les dommages déjà causés.

La nature de l’agir humain s’est modifiée de facto et un objet d’un type entièrement nouveau, rien moins que la biosphère entière de la planète, s’est ajouté à ce pour quoi nous devons être responsables parce que nous avons pouvoir sur lui.

Nulle éthique antérieure n’avait à prendre en considération la condition globale de la vie humaine et l’avenir lointain et l’existence de l’espèce elle-même. le fait que l’enjeu présent porte précisément là-dessus exige, pour le dire en un mot, une nouvelle conception des droits et des obligations, dont nulle éthique et nulle métaphysique du passé n’offrent ne fût-ce que les simples principes, sans parler d’une doctrine achevée.

Chercher non seulement le bien humain mais également le bien des choses extra humaines, c’est-à-dire étendre la reconnaissance de « fins en soi » au-delà de la sphère de l’homme et intégrer cette sollicitude dans le concept du bien humain.

L’impératif catégorique de Kant affirmait : « Agis de telle sorte que tu puisses également vouloir que ta maxime devienne une loi universelle ». Le « que tu puisses » invoqué ici est celui de la raison et de son accord avec elle-même : à supposer l’existence d’une communauté d’êtres humains (d’êtres raisonnables actifs), l’action doit être telle que, sans se contredire, elle se laisse présenter comme exercice universel de cette communauté.

Un impératif adapté au nouveau type de l’agir humain et qui s’adresse au nouveau type de sujets de l’agir s’énoncerait à peu près ainsi : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la Permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre » ; ou pour l’exprimer négativement : « Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité d’une telle vie » ; ou simplement : « Ne compromets pas les conditions pour la survie indéfinie de l’humanité sur terre » ; ou encore formulé de nouveau positivement : « Inclus dans ton choix actuel l’intégrité future de l’homme comme objet de ton vouloir ».

Le nouvel impératif affirme que nous avons bien le droit de risquer notre propre vie mais pas celle de l’humanité. Nous n’avons pas le droit de choisir le non-être des générations futures à cause de l’être de la génération actuelle et nous n’avons même pas le droit de le risquer.

Le nouvel impératif s’adresse beaucoup plus à la politique publique qu’à la conduite privée, cette dernière n’étant pas la dimension causale à laquelle il peut s’appliquer.

Seul celui qui a des responsabilités peut agir de façon irresponsable.

La responsabilité instituée par la nature, c’est-à-dire la responsabilité qui existe par nature est celui de la responsabilité parentale. Celle-ci ne dépend d’aucun consentement préalable, elle est irrévocable et non résiliable ; et elle est globale. La responsabilité instaurée « artificiellement », par l’attribution et l’acceptation d’une charge, par exemple la charge d’une fonction (mais également celle qui découle d’un accord tacite ou de la compétence) est circonscrite par la tâche quant à son contenu et quant à sa durée ; l’acceptation contient un élément de choix, par rapport auquel une rétraction est possible, de même que l’est de l’autre côté la possibilité d’être déchargé de l’obligation.

L’homme d’Etat authentique estimera que sa gloire (qu’il peut très bien rechercher) consistera précisément en ceci qu’on peut dire de lui qu’il a agi au mieux des intérêts de ceux sur lesquels il exerçait le pouvoir, pour lesquels donc il le détenait. Que le « sur » devienne un « pour » forme l’essence de la « responsabilité.

L’éducation a un but matériel déterminé - l’autonomie de l’individu, qui inclut essentiellement la faculté d’être responsable - et une fois qu’il est atteint (ou qu’est atteinte sa présomption) elle atteint une fin déterminée dans le temps.

C’est seulement la supériorité de la pensée et le pouvoir de la civilisation technique qu’elle a rendu possible qui mettaient une forme de vie, « l’homme », en état de mettre en danger tous les autres (et ainsi également lui-même). « La nature » ne pouvait pas prendre de risque plus grand que de laisser naître l’homme.


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