Quand et comment utiliser le principe de précaution?

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Afin de répondre a cette question nous avons préféré articuler cette réponse à la "Communication de la Commission sur le recours au principe de précaution"

Résumé

  • Quand et comment utiliser le principe de précaution, tant dans l'Union européenne que sur la scène internationale, est une question qui suscite de nombreux débats et donne lieu à des prises de position diverses, et parfois contradictoires. De ce fait, les décideurs sont confrontés à un dilemme permanent, celui d'établir un équilibre entre les libertés et les droits des personnes, des secteurs d'activité et des organisations, d'une part, et la nécessité de réduire le risque d'effets négatifs sur l'environnement et la santé humaine, animale ou végétale, d'autre part. Par conséquent, trouver l'équilibre adéquat permettant de prendre des décisions proportionnées, non discriminatoires, transparentes et cohérentes requiert un processus de prise de décision structuré, fondé sur des données scientifiques détaillées et autres informations objectives.
  • Les objectifs de la présente communication sont au nombre de quatre:

- présenter dans ses grandes lignes l'approche que la Commission entend suivre dans l'application du principe de précaution; - mettre au point des lignes directrices de la Commission pour l'application de ce principe; - établir un accord sur la manière d'évaluer, d'apprécier, de gérer et de communiquer les risques que la science n'est pas en mesure d'évaluer pleinement; - éviter tout recours injustifié au principe de précaution en tant que forme déguisée de protectionnisme. La communication vise également à donner une impulsion au débat en cours sur le principe de précaution à la fois au sein de la Communauté et au niveau international.

  • Le principe de précaution n'est pas défini dans le Traité, qui ne le prescrit qu'une seule fois - pour protéger l'environnement. Mais, dans la pratique, son champ d'application est beaucoup plus vaste, plus particulièrement lorsqu'une évaluation scientifique objective et préliminaire indique qu'il est raisonnable de craindre que les effets potentiellement dangereux pour l'environnement ou la santé humaine, animale ou végétale soient incompatibles avec le niveau élevé de protection choisi pour la Communauté.

La Commission considère qu'à l'instar des autres membres de l'OMC, la Communauté dispose du droit de fixer le niveau de protection, notamment en matière d'environnement et de santé humaine, animale et végétale, qu'elle estime approprié. L'application du principe de précaution est un élément essentiel de sa politique, et les choix qu'elle effectue à cette fin continueront d'influer sur les positions qu'elle défend au niveau international quant à la manière d'appliquer ce principe.

  • Le principe de précaution devrait être considéré dans le cadre d'une approche structurée de l'analyse du risque, fondée sur trois éléments: l'évaluation du risque, la gestion du risque et la communication du risque. Il est particulièrement pertinent dans le cadre de la gestion du risque.

Le principe de précaution, que les décideurs utilisent essentiellement dans le cadre de la gestion du risque, ne doit pas être confondu avec l'élément de prudence que les scientifiques appliquent dans l'évaluation des données scientifiques. Le recours au principe de précaution présuppose que les effets potentiellement dangereux d'un phénomène, d'un produit ou d'un procédé ont été identifiés et que l'évaluation scientifique ne permet pas de déterminer le risque avec suffisamment de certitude. La mise en oeuvre d'une approche fondée sur le principe de précaution devrait commencer par une évaluation scientifique aussi complète que possible et, si possible, déterminant à chaque stade le degré d'incertitude scientifique.

  • Les décideurs doivent être conscients du degré d'incertitude lié aux résultats de l'évaluation des informations scientifiques disponibles. Juger ce qui est un niveau "acceptable" de risque pour la société est une responsabilité éminemment politique. Les décideurs confrontés à un risque inacceptable, à une incertitude scientifique et aux préoccupations du public ont le devoir de trouver des réponses. Par conséquent, tous ces facteurs doivent être pris en considération.

Dans certains cas, la bonne réponse pourrait consister à ne pas agir ou du moins à ne pas prendre une mesure juridique contraignante. Une vaste gamme d'initiatives sont disponibles en cas d'action, depuis une mesure légalement contraignante jusqu'à un projet de recherche ou une recommandation. La procédure de décision devrait être transparente et associer dès le début et dans toute la mesure du possible la totalité des parties intéressées.

  • Si une action est jugée nécessaire, les mesures basées sur le principe de précaution devraient notamment :

- Etre proportionnées au niveau de protection recherché; - Ne pas introduire de discrimination dans leur application; - Etre cohérentes avec des mesures similaires déjà adoptées; - Etre basées sur un examen des avantages et des charges potentiels de l'action ou de l'absence d'action (y compris, le cas échéant et dans la mesure du possible, une analyse de rentabilité économique); - Etre réexaminées à la lumière des nouvelles données scientifiques; - Etre capables d'attribuer la responsabilité de produire les preuves scientifiques nécessaires pour permettre une évaluation plus complète du risque. La proportionnalité signifie l'adaptation des mesures au niveau choisi de protection. Le risque peut rarement être ramené à zéro, mais une évaluation incomplète du risque peut limiter considérablement le nombre d'options disponibles pour les gestionnaires du risque. Une interdiction totale peut ne pas être dans tous les cas une réponse proportionnée à un risque potentiel. Cependant, dans certains cas, elle peut être la seule réponse possible à un risque donné. La non-discrimination signifie que des situations comparables ne devraient pas être traitées différemment et que des situations différentes ne devraient pas être traitées de la même manière, à moins qu'un tel traitement soit objectivement justifié. La cohérence signifie que les mesures devraient être d'une portée et d'une nature comparable avec les mesures déjà prises dans des domaines équivalents où toutes les données scientifiques sont disponibles. L'examen des avantages et des charges signifie qu'il faut établir une comparaison entre le coût global pour la Communauté de l'action envisagée et de l'absence d'action, tant à court qu'à long terme. Il ne s'agit pas d'une simple analyse de rentabilité économique : sa portée est beaucoup plus vaste et inclut des considérations d'ordre non-économique, telles que l'efficacité d'options possibles et leur acceptabilité par la population. Dans la mise en oeuvre d'un tel examen, il faudrait tenir compte du principe général et de la jurisprudence de la Cour qui donnent la priorité à la protection de la santé par rapport aux considérations économiques. L'examen à la lumière des nouvelles données scientifiques signifie que les mesures basées sur le principe de précaution devraient être maintenues aussi longtemps que les informations scientifiques sont incomplètes ou non concluantes et que le risque est toujours réputé trop élevé pour le faire supporter à la société, compte tenu du niveau approprié de protection. Les mesures devraient être réexaminées périodiquement à la lumière du progrès scientifique, et modifiées selon les besoins. L'attribution de la responsabilité de fournir les preuves scientifiques est déjà une conséquence fréquente de ces mesures. Les pays qui imposent une autorisation préalable (autorisation de mise sur le marché) pour les produits réputés a priori dangereux renversent la charge de la preuve en les traitant comme des produits dangereux à moins et jusqu'à ce que les entreprises réalisent les travaux scientifiques nécessaires pour démontrer qu'ils ne le sont pas. Lorsqu'il n'y a pas de procédure d'autorisation préalable, il peut appartenir à l'utilisateur ou aux pouvoirs publics de démontrer la nature d'un danger et le niveau de risque d'un produit ou d'un procédé. Dans de tels cas, une mesure de précaution spécifique pourrait être prise pour placer la charge de la preuve sur le producteur, le fabricant ou l'importateur mais ceci ne peut devenir une règle générale.

Introduction

Un certain nombre d'événements récents ont montré que l'opinion publique a une perception accrue des risques auxquels les populations ou leur environnement sont potentiellement exposés. Le développement extraordinaire des moyens de communication a favorisé cette nouvelle capacité d'appréhender l'émergence de risques nouveaux, avant que les recherches scientifiques n'aient pu faire toute la lumière sur le problème. Les décideurs politiques se doivent de prendre en compte les craintes qui s'attachent à cette perception et de mettre en place des mesures préventives pour supprimer ou, à tout le moins, limiter le risque à un niveau minimal acceptable. Le Conseil a adopté, le 13 avril 1999, une résolution demandant à la Commission, entre autres, «de se laisser, à l'avenir, guider davantage encore par le principe de précaution, lors de l'élaboration de propositions de législation et dans le cadre de ses autres activités liées à la politique des consommateurs, et d'élaborer, de manière prioritaire, des lignes directrices claires et efficaces en vue de l'application de ce principe". Cette Communication est un élément de la réponse de la Commission. La dimension du principe de précaution dépasse les problématiques associées aux risques à un horizon de court ou moyen terme. Elle concerne également des concepts dont la portée temporelle est davantage le long terme et le bien-être des générations futures. Décider de prendre des mesures sans attendre de disposer de toutes les connaissances scientifiques nécessaires relève clairement d'une approche fondée sur le principe de précaution. Les décideurs sont confrontés à un dilemme permanent, celui d'établir un équilibre entre les libertés et les droits des personnes, des secteurs d'activité et des organisations, d'une part, et la nécessité de réduire ou éliminer le risque d'effets nuisibles sur l'environnement ou sur la santé, d'autre part. Trouver l'équilibre adéquat permettant de prendre des décisions proportionnées, non discriminatoires, transparentes et cohérentes tout en assurant le niveau choisi de protection requiert un processus de prise de décision structuré, fondé sur des données scientifiques et autres informations objectives détaillées. Les trois éléments de l'analyse du risque - évaluation du risque, choix de la stratégie de gestion du risque et communication du risque - fournissent une telle structure. Toute évaluation du risque devrait reposer sur le corpus existant de données scientifiques et statistiques. La plupart des décisions sont prises lorsqu'il existe suffisamment d'informations pour pouvoir prendre des mesures préventives appropriées mais, dans d'autres circonstances, certaines de ces données peuvent faire défaut. L'invocation ou non du principe de précaution est une décision prise lorsque les informations scientifiques sont incomplètes, peu concluantes ou incertaines et lorsque des indices donnent à penser que les effets possibles sur l'environnement ou la santé humaine, animale ou végétale pourraient être dangereux et incompatibles avec le niveau de protection choisi.

Objectifs de la présente communication

La présente communication a pour objet d'informer toutes les parties intéressées, en particulier le Parlement européen, le Conseil et les États membres, sur la manière dont la Commission applique ou entend appliquer le principe de précaution lorsqu'elle doit prendre des décisions concernant la maîtrise des risques. Toutefois, cette Communication de portée générale ne prétend pas mettre un point final à une discussion mais contribuer à alimenter la réflexion en cours, tant au niveau communautaire qu'international. La communication cherche à établir un accord sur les facteurs qui déclenchent le recours au principe de précaution et sur la place qu'occupe ce dernier dans le cadre de la prise de décision, ainsi qu'à énoncer des orientations pour l'application de ce principe, fondées sur des principes raisonnés et cohérents. Les lignes directrices qui figurent dans la présente Communication sont destinées seulement à servir de guide général et ne doivent en rien modifier ou affecter les dispositions du traité ou du droit dérivé de la Communauté. Un autre objectif est d'éviter tout recours injustifié au principe de précaution, lequel pourrait être utilisé, dans certains cas, pour justifier un protectionnisme déguisé. L'élaboration de lignes directrices internationales pourrait être utile à cette fin. La Commission veut également souligner dans la présente communication que, loin d'être un moyen de se soustraire aux obligations découlant des accords de l'OMC, l'usage envisagé du principe de précaution respecte ces obligations. Il est nécessaire également de dissiper une confusion qui existe entre l'utilisation du principe de précaution et la recherche d'un niveau zéro de risque qui, dans la réalité, n'existe que rarement. La recherche d'un niveau de protection élevé pour la santé, la sécurité, la protection de l'environnement et des consommateurs s'inscrit dans le cadre du marché intérieur, aspect fondamental de la Communauté. La Communauté a déjà eu recours au principe de précaution. Une expérience particulière a été acquise depuis longtemps en matière d'environnement pour lequel bien des mesures sont inspirées du principe de précaution, telles que celles prises pour la protection de la couche d'ozone ou en matière de changements climatiques.

Le principe de precaution dans l'union européenne

La Communauté a constamment poursuivi l'objectif d'une protection élevée, notamment en matière d'environnement et de santé humaine, animale ou végétale. Dans la plupart des cas, les mesures permettant d'atteindre ce haut niveau de protection peuvent être déterminées sur une base scientifique suffisante. Toutefois lorsqu'il y a des motifs raisonnables de s'inquiéter que des dangers potentiels pourraient affecter l'environnement, ou la santé humaine, animale ou végétale, mais que les données disponibles ne permettent pas une évaluation détaillée du risque, le principe de précaution a été politiquement accepté comme stratégie de gestion des risques dans plusieurs domaines. En vue de donner une image plus complète du recours au principe de précaution dans l'Union européenne, il importe d'examiner les textes législatifs, la jurisprudence développée par la Cour de justice ou le Tribunal de Première Instance, et les orientations politiques dégagées. Textes légaux Le point de départ de l'analyse réside dans les textes juridiques où figure une allusion explicite ou implicite au principe de précaution est effectuée. (Annexe I, Réf. 1). Au niveau communautaire, la seule référence expresse au principe de précaution est contenue dans le titre consacré à l'environnement du traité CE, et plus précisément à son article 174. Il ne faut pas pour autant en déduire que ce n'est qu'en matière d'environnement que ce principe est applicable. (Annexe I, Réf. 2 et 3). Bien que le principe soit mentionné dans le Traité, il n'y est pas défini. A l'instar d'autres notions générales contenues dans la législation, telles que la subsidiarité ou la proportionnalité, il appartient aux décideurs politiques, et en dernier ressort aux instances juridictionnelles, de préciser les contours de ce principe. En d'autres termes, la portée du principe de précaution est aussi liée à l'évolution jurisprudentielle, qui, d'une certaine manière, est influencée par les valeurs sociales et politiques prévalant dans une société. Il ne faudrait pas pour autant en conclure que l'absence de définition se traduit dans une insécurité juridique. La pratique acquise lors du recours au principe de précaution par les instances communautaires et le contrôle juridictionnel permettent, en effet, de donner une portée de plus en plus précise à la notion du principe de précaution. La jurisprudence La Cour de justice des Communautés européennes et le Tribunal de première instance ont déjà eu l'occasion de contrôler l'application du principe de précaution dans des affaires dont ils ont été saisis et, par ce biais, de commencer à développer une jurisprudence (voir Annexe I, réf 5, 6 et 7) Les orientations politiques Elles ont été dégagées par la Commission dans le livre vert sur les principes généraux de la législation alimentaire et dans la Communication du 30 avril 1997 sur la santé des consommateurs et la sûreté alimentaire, par le Parlement dans sa résolution du 10 mars 1998 concernant le Livre Vert, et par le Conseil dans sa résolution du 13 avril 1999 et par le comité parlementaire mixte de l'EEE (Espace économique européen) dans sa résolution du 16 mars 1999 (Annexe I, Réf. 8-12). La Commission considère donc que le principe de précaution est un principe d'application générale qui doit être notamment pris en compte dans les domaines de la protection de l'environnement et de la santé humaine, animale ou végétale. Bien que dans le Traité le principe de précaution ne soit expressément mentionné que dans le domaine de l'environnement, son champ d'application est beaucoup plus large. Il couvre les circonstances particulières où les données scientifiques sont insuffisantes, peu concluantes ou incertaines, mais où, selon des indications découlant d'une évaluation scientifique objective et préliminaire, il y a des motifs raisonnables de s'inquiéter que les effets potentiellement dangereux sur l'environnement et la santé humaine, animale ou végétale soient incompatibles avec le niveau choisi de protection.

Le Principe de Précaution en droit international

Au niveau international, la première reconnaissance du principe de précaution remonte à la Charte Mondiale de la Nature adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies en 1982. Il a ensuite été repris dans différentes conventions internationales sur la protection de l'environnement (cf. annexe II). Une consécration de ce principe est intervenue lors de la Conférence de Rio sur l'environnement et le développement au cours de laquelle a été adoptée la Déclaration de Rio, dont le principe 15 indique : "pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement". Par ailleurs, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et la Convention sur la diversité biologique, adoptées lors de cette même conférence, font toutes deux référence au principe de précaution. Dans le Protocole sur la Biosécurité, adopté à Montréal le 28 janvier 2000, la Conférence des Parties à la convention sur la diversité biologique a expressément reconnu dans son article 10 paragraphe 6 le recours au principe de précaution. (voir Annexe II). Il en découle que ce principe a connu une consolidation progressive en droit international de l'environnement qui en fait un véritable principe de droit international d'une portée générale. Les Accords de l'OMC confirment ce constat. Le préambule de l'Accord de l'OMC met en exergue les liens de plus en plus étroits entre le commerce international et la protection de l'environnement. [1] Une approche cohérente implique que le principe de précaution soit dûment pris en compte dans ces accords, et notamment dans l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) ainsi que dans l'Accord sur les obstacles techniques au commerce (TBT), afin d'assurer que ce principe à vocation générale reçoive une application adéquate dans cet ordre juridique. [1] -« Les Parties au présent accord, ... reconnaissant que leurs rapports dans le domaine commercial et économique devraient être orientés vers le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi, et d'un niveau élevé toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, et l'accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services, tout en permettant l'utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l'objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et de préserver l'environnement et de renforcer les moyens d'y parvenir d'une manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs à différents niveaux de développement économiques,... » Ainsi, au sein de l'OMC chaque Membre dispose du droit autonome de déterminer le niveau de protection de l'environnement ou de la santé qu'il juge approprié. Par conséquent, il peut appliquer des mesures, y compris des mesures fondées sur le principe de précaution, qui entraînent un niveau de protection plus élevé que celui qui serait fondé sur les normes ou recommandations internationales pertinentes. Les développements récents relatifs à certaines affaires au sein de l'OMC confirment ces considérations. L'Accord sur l'application de mesures sanitaires et phytosanitaires (accord SPS) autorise clairement l'utilisation du principe de précaution, même si ce terme n'est pas explicitement utilisé. Bien que la règle générale soit de fonder toute mesure sanitaire ou phytosanitaire sur des principes scientifiques et de ne pas les maintenir sans preuves scientifiques suffisantes, une dérogation à ces principes est prévue à l'article 5(7) qui stipule que: "Dans les cas où les preuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes, un Membre pourra provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisations internationales compétentes ainsi que ceux qui découlent des mesures sanitaires ou phytosanitaires appliquées par d'autres Membres. Dans de telles circonstances, les Membres s'efforceront d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque et examineront en conséquence la mesure sanitaire ou phytosanitaire dans un délai raisonnable". Par conséquent, selon l'accord SPS, les mesures adoptées en application du principe de précaution en cas d'insuffisance des données scientifiques sont provisoires et impliquent que des efforts aient lieu pour obtenir ou générer les données scientifiques nécessaires. Il est important de souligner que le caractère provisoire n'est pas lié à un délai mais à l'évolution des connaissances scientifiques. L'utilisation des termes "évaluation plus objective du risque" à l'article 5.7 infère qu'une mesure de précaution peut être fondée sur une appréciation moins objective mais doit néanmoins inclure une évaluation du risque. Le concept d'évaluation du risque utilisé dans l'accord SPS laisse une certaine liberté d'interprétation quant à ce qui pourrait servir de base pour une approche fondée sur le principe de précaution. L'évaluation du risque sur laquelle repose une mesure peut inclure des données non quantifiables de nature factuelle ou qualitative et ne se limite pas exclusivement à des données scientifiques purement quantitatives. Cette interprétation a été confirmée, dans l'affaire des hormones de croissance, par l'organe d'appel de l'OMC qui a rejeté l'interprétation initiale du groupe spécial, selon laquelle l'évaluation du risque devait être quantitative et établir un niveau de risque minimum. Les principes contenus dans l'article 5.7 du SPS doivent être respectés pour les mesures sanitaires ou phytosanitaires; toutefois, compte tenu de la spécificité d'autres domaines, tels que l'environnement, il se peut que des principes en partie différents soient à retenir. Des lignes directrices internationales sont envisagées en rapport avec l'application du principe de précaution dans le Codex Alimentarius. De telles recommandations, dans ce domaine ainsi que dans d'autres, pourraient ouvrir la voie à une approche harmonisée, de la part des membres de l'OMC, à l'égard de l'élaboration de mesures de protection de la santé ou de l'environnement tout en évitant l'abus du principe de précaution qui pourrait sans cela aboutir à des entraves injustifiables aux échanges. À la lumière de ces remarques, la Commission considère qu'à l'instar des autres Membres, la Communauté dispose du droit d'établir le niveau de protection, notamment en matière d'environnement et de santé humaine, animale ou végétale, qu'elle estime approprié. Dans ce contexte, la Communauté se doit de respecter les articles 6, 95, 152 et 174 du traité. À cet effet, le recours au principe de précaution constitue un élément essentiel de sa politique. Il est clair que les choix qu'elle aura effectués auront une répercussion sur les positions qu'elle soutiendra au niveau international, notamment multilatéral, quant au recours au principe de précaution. Compte tenu des origines mêmes du principe de précaution et de ses implications croissantes en droit international, et notamment dans les Accords de l'Organisation Mondiale du Commerce, au niveau international ce principe doit être dûment reflété dans les différents domaines où il est susceptible d'entrer en ligne de compte. La Commission considère qu'à l'instar des autres Membres de l'OMC, la Communauté dispose du droit d'établir le niveau de protection, notamment en matière de protection de l'environnement et de santé humaine, animale ou végétale qu'elle estime approprié. Le recours au principe de précaution constitue un élément essentiel de sa politique. Les choix effectués par la Communauté à cette fin ont et continueront d'avoir une répercussion sur les positions qu'elle soutiendra au niveau international, et notamment multilatéral, quant au recours au principe de précaution.

Le principe de précaution dans ses composantes

L'analyse du principe de précaution fait apparaître deux aspects, de par leur nature, distincts: (i) la décision politique d'agir ou de ne pas agir, liée aux facteurs déclenchant l'utilisation du principe de précaution; (ii) dans l'affirmative, comment agir, c'est-à-dire les mesures résultant d'une telle utilisation du principe de précaution. Il y a une controverse sur la prise en compte de l'incertitude scientifique dans l'analyse de risque, et notamment si cette prise en compte doit se faire dans l'évaluation de risque ou dans la gestion de risque. Cette controverse vient d'une confusion entre une approche de prudence et l'application du principe de précaution. Ces deux aspects sont complémentaires mais ne doivent pas être confondus. L'approche de prudence est inscrite dans la politique d'évaluation des risques qui est déterminée avant toute évaluation de risque et qui fait appel aux éléments décrits au 5.1.3. Elle fait donc intégralement partie de l'avis scientifique délivré par les évaluateurs du risque. L'application du principe de précaution appartient en revanche à la gestion du risque, lorsque l'incertitude scientifique ne permet pas une évaluation complète du risque et que les décideurs considèrent que le niveau choisi de protection de l'environnement ou de la santé humaine, animale ou végétale peut être menacé. La Commission estime que les mesures appliquant le principe de précaution s'inscrivent dans le cadre général de l'analyse de risque, et plus particulièrement dans la gestion du risque.

Les facteurs déclenchant le recours au principe de précaution

Le recours au principe de précaution n'intervient que dans une hypothèse de risque potentiel, même si ce risque ne peut être entièrement démontré, son ampleur quantifiée ou ses effets déterminés en raison de l'insuffisance ou du caractère non concluant des données scientifiques. Il convient toutefois de noter que le principe de précaution ne peut en aucun cas légitimer une prise de décision de nature arbitraire.

Identification d'effets potentiellement négatifs

Une évaluation des données scientifiques se rapportant aux risques est un préalable au recours au principe de précaution. Un élément précède néanmoins logiquement et chronologiquement cette évaluation, à savoir l'identification d'effets potentiellement négatifs découlant d'un phénomène. Pour avoir une meilleure perception de ces effets, il s'avère nécessaire de procéder à une évaluation scientifique. La décision de procéder à cette évaluation sans attendre de nouvelles informations est, liée à une perception moins théorique et plus concrète du risque.

Evaluation scientifique

Une évaluation scientifique des effets potentiellement négatifs devrait avoir lieu sur la base des données disponibles pour déterminer si des mesures sont nécessaires afin de protéger l'environnement ou la santé humaine, animale ou végétale. Une évaluation du risque devrait être envisagée, quand c'est possible, pour décider s'il y a lieu ou non d'invoquer le principe de précaution. Ceci nécessite des données scientifiques fiables et un raisonnement logique, débouchant sur une conclusion qui exprime la possibilité de survenance et la gravité de l'impact d'un danger sur l'environnement ou la santé d'une population donnée, y compris l'étendue des dégâts possibles, la persistance, la réversibilité et les effets tardifs. Bien qu'il ne soit pas possible de procéder à une évaluation de risque complète dans tous les cas, tous les efforts devraient être déployés pour évaluer les informations scientifiques disponibles. Lorsque c'est possible, il conviendrait de rédiger un rapport qui contient l'évaluation des connaissances existantes et des informations disponibles, en présentant les points de vue des scientifiques sur la fiabilité de l'évaluation ainsi que sur les incertitudes restantes. Le cas échéant, ce rapport devrait également cerner des questions devant faire l'objet de plus amples recherches scientifiques. L'évaluation de risque comporte quatre éléments, à savoir: l'identification du danger, la caractérisation du danger, l'évaluation de l'exposition et la caractérisation du risque (annexe III). Les limites des connaissances scientifiques peuvent affecter chacun de ces éléments, en se répercutant sur le niveau total d'incertitude et en influant finalement sur les bases d'une action de protection ou de prévention. Il convient de s'efforcer de mener à bien ces quatre étapes avant de décider d'intervenir.

Incertitude scientifique

L'incertitude scientifique résulte généralement de cinq caractéristiques de la méthode scientifique: la variable choisie, les mesures effectuées, les échantillons prélevés, les modèles utilisés et le lien de causalité employé. Elle peut également découler d'une controverse sur les données existantes ou de l'absence de certaines données pertinentes. Elle peut concerner des éléments tant qualitatifs que quantitatifs de l'analyse. Une approche plus abstraite et généralisée à laquelle certains scientifiques donnent la préférence consiste à ventiler toutes les incertitudes sur trois catégories, à savoir: biais, erreur aléatoire et variabilité réelle. Certains autres experts utilisent des catégories d'incertitude fondées sur l'estimation de l'intervalle de confiance concernant la probabilité de survenance et la gravité de l'impact du danger. Cette question est extrêmement complexe et la Commission a lancé un projet intitulé "Risques technologiques et gestion de l'incertitude", réalisé sous les auspices de l'Observatoire européen de la science et de la technologie. Les quatre rapports de l'observatoire seront publiés sous peu et présenteront une description détaillée de l'incertitude scientifique. Les évaluateurs du risque sont habitués à prendre en compte ces facteurs d'incertitude en utilisant des éléments de prudence tels que: _ se baser sur des modèles animaux pour établir les effets potentiels sur l'homme ; _ utiliser des échelles de poids corporel pour les comparaisons entre les espèces ; _ adopter un facteur de sécurité dans l'évaluation d'une dose journalière admissible pour tenir compte de la variabilité intra et inter spécifique; la valeur de ce facteur est variable en fonction du degré d'incertitude des données disponibles; _ ne pas déterminer de dose journalière admissible pour les substances reconnues génotoxiques carcinogènes; _ prendre pour base le niveau "ALARA" (as low as reasonably achievable) pour certains contaminants toxiques. Les gestionnaires du risque devraient avoir pleinement connaissance de ces facteurs d'incertitude lorsqu'ils adoptent des mesures en se fondant sur l'avis scientifique fourni par les évaluateurs. Cependant, il y a des situations où les données scientifiques sont largement insuffisantes pour pouvoir concrètement appliquer ces éléments de prudence, où l'absence de modélisation des paramètres ne permet aucune extrapolation et où les relations de causes à effets sont pressenties mais pas démontrées. C'est dans ces situations que les décideurs politiques sont placés devant le dilemme d'agir ou de ne pas agir. Le recours au principe de précaution présuppose : _ L'identification d'effets potentiellement négatifs découlant d'un phénomène, d'un produit ou d'un procédé; _ Une évaluation scientifique du risque qui, en raison de l'insuffisance des données, de leur caractère non concluant ou encore de leur imprécision, ne permet pas avec une incertitude suffisante le risque en question.

Les mesures résultant du recours au principe de précaution

La décision d'agir ou de ne pas agir

Face à la situation qui vient d'être décrite, parfois à la demande plus ou moins pressante d'une opinion publique inquiète, les décideurs politiques se doivent de donner des réponses. Donner des réponses ne signifie pas pour autant que des mesures doivent toujours être arrêtées. La décision de ne pas agir peut constituer, elle aussi, une réponse. Le choix de la réponse à donner face à une certaine situation résulte dès lors d'une décision éminemment politique, fonction du niveau de risque « acceptable » par la société devant supporter ce risque.

Nature de l'action éventuellement décidée

La nature de l'acte adopté a une influence sur le type de contrôle pouvant être exercé. En effet, le recours au principe de précaution ne se traduit pas nécessairement dans l'adoption d'actes finals visant à produire des effets juridiques, qui sont susceptibles d'un contrôle juridictionnel. Toute une palette d'actions est à la disposition des décideurs politiques lors du recours au principe de précaution. La décision de financer un programme de recherche ou encore la décision d'informer l'opinion publique quant aux possibles effets négatifs d'un produit ou d'un procédé peuvent, elles aussi, constituer des actes inspirés par le principe de précaution. La légalité de toute disposition prise par les institutions communautaires relève de la Cour de justice. Selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsque la Commission ou toute autre institution communautaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation, notamment quant à la nature et à l'étendue des mesures qu'elle adopte, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à examiner si l'exercice d'un tel pouvoir n'est pas entaché d'erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou encore si elle n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation. Les mesures ne doivent pas, dès lors, être fondées sur une base arbitraire. Le recours au principe de précaution ne se traduit pas nécessairement dans l'adoption d'actes finals visant à produire des effets juridiques, qui sont susceptibles d'un contrôle juridictionnel.

Lignes directrices pour le recours au principe de précaution

Mise en oeuvre

Lorsque les décideurs sont informés d'un risque pour l'environnement ou la santé humaine, animale ou végétale qui, en cas de non-intervention, pourrait avoir des conséquences graves, la question de mesures de protection appropriées se pose. Les décideurs doivent obtenir, par le biais d'une approche structurée, une évaluation scientifique aussi complète que possible du risque pour l'environnement ou la santé, afin de sélectionner les actions les plus appropriées à prendre. Pour déterminer les actions appropriées à prendre, y compris des mesures fondées sur le principe de précaution, il conviendrait tout d'abord de procéder à une évaluation scientifique et, si nécessaire, de donner mandat à des experts pour réaliser une évaluation scientifique aussi objective et complète que possible. Ceci afin de mettre en évidence les preuves objectives existantes, les lacunes au niveau des connaissances et les incertitudes scientifiques. La mise en oeuvre d'une approche fondée sur le principe de précaution devrait commencer par une évaluation scientifique qui soit aussi complète que possible et, lorsque faire se peut, déterminer à chaque étape le degré d'incertitude scientifique.

Le facteur déclenchant

Dès qu'elle a été réalisée de la meilleure manière possible, l'évaluation scientifique peut fournir une base pour déclencher la décision d'invoquer le principe de précaution. Les conclusions de cette évaluation devraient indiquer que le niveau souhaité de protection de l'environnement ou d'un groupe de population pourrait être mis en péril. Elles devraient inclure également une évaluation des incertitudes scientifiques et comporter une description des hypothèses utilisées pour compenser le manque de données scientifiques ou statistiques. Une évaluation des conséquences possibles de l'absence d'action devrait être envisagée et peut être utilisée comme argument par les décideurs. La décision d'attendre ou de ne pas attendre de nouvelles données scientifiques avant d'envisager d'éventuelles mesures devrait être prise par les décideurs avec un maximum de transparence. L'absence de preuve scientifique de l'existence d'une relation de cause à effet, d'une relation quantifiable dose/réaction ou d'une évaluation quantitative de la probabilité de survenance d'effets défavorables à la suite d'une exposition ne devrait pas être utilisée pour justifier l'absence d'action. Même si l'avis scientifique n'est soutenu que par une fraction minoritaire de la communauté scientifique, les avis exprimés devraient être pris en compte à condition que la crédibilité et la réputation de cette fraction soient reconnues [2]. [2] cf : Rapport de l'organe d'appel de l'OMC dans le cas des hormones, paragraphe 194 : «Parfois, l'existence même d'opinions divergentes exposées par des scientifiques compétents qui ont mené des recherches sur la question à l'examen peut être révélatrice d'une certaine incertitude dans la communauté scientifique". La Commission confirme sa volonté de suivre des procédures aussi transparentes que possible et d'impliquer, à un stade aussi précoce que possible, toutes les parties concernées. [3] Les décideurs seront ainsi aidés à prendre des mesures légitimes, susceptibles d'atteindre le niveau de santé ou de protection de l'environnement choisi par la société. [3] Un effort considérable a déjà été mis en oeuvre pour les aspects tenant notamment à la santé publique et à l'environnement. A ce dernier propos, par la signature de la Convention d'Aarhus de juin 1998 la Communauté et les Etats membres ont manifesté le rôle essentiel qu'ils attribuent à l'accès à l'information et à la justice. Les décideurs devraient envisager une évaluation des conséquences potentielles de l'absence d'action et des incertitudes de l'évaluation scientifique au moment de décider s'il convient d'engager une action fondée sur le principe de précaution. Toutes les parties intéressées devraient participer dans toute la mesure du possible à l'étude des diverses options qui peuvent être envisagées en matière de gestion du risque dès que les résultats de l'évaluation scientifique et/ou de l'évaluation du risque sont disponibles, et la procédure devrait être aussi transparente que possible.

Les principes généraux applicables

Ces principes ne sont pas limités à l'application du principe de précaution. Ils s'appliquent à toute mesure de gestion des risques, et il convient de souligner qu'une approche basée sur le principe de précaution ne dispense pas d'appliquer, dans la mesure du possible, ces critères généralement utilisés lorsqu'on peut disposer d'une évaluation complète du risque. Invoquer le principe de précaution ne permet donc pas de déroger aux principes généraux d'une bonne gestion des risques. Les principes généraux comportent: - la proportionnalité, - la non-discrimination, - la cohérence, - l'examen des avantages et des charges résultant de l'action ou de l'absence d'action, - l'examen de l'évolution scientifique.

La proportionnalité

Les mesures envisagées doivent permettre d'atteindre le niveau de protection approprié. Les mesures basées sur le principe de précaution ne devraient pas être disproportionnées par rapport au niveau de protection recherché et vouloir atteindre un niveau de risque zéro qui n'existe que rarement. Cependant, dans certains cas, une estimation incomplète du risque peut limiter considérablement le nombre d'options disponibles pour les gestionnaires du risque. Dans certains cas, une interdiction totale peut ne pas être une réponse proportionnelle à un risque potentiel. Dans d'autres cas, elle peut être la seule réponse possible à un risque donné. Des mesures de réduction du risque peuvent comporter des alternatives moins restrictives pour les échanges qui permettent d'atteindre un niveau de protection équivalent comme, par exemple, un traitement approprié, une réduction de l'exposition, un renforcement des contrôles, l'établissement de limites provisoires, des recommandations visant des populations à risque, etc. Il faudrait également tenir compte des possibilités de substitution des produits ou des procédés visés, par d'autres produits ou procédés présentant un risque moins important. La mesure de réduction des risques ne doit pas se limiter aux risques immédiats pour lesquels la proportionnalité de l'action est plus facile à évaluer. C'est dans les situations où les effets négatifs se font sentir très longtemps après l'exposition que les liens de cause à effet sont les plus difficiles à prouver scientifiquement et que, de ce fait, le principe de précaution doit souvent être utilisé. Dans ce cas, les effets potentiels à long terme doivent être pris en compte pour évaluer la proportionnalité des mesures qui consistent à mettre en place sans délai des actions susceptibles de limiter ou de supprimer un risque dont les effets ne seront apparents que dans dix ou vingt ans ou lors des générations futures. Ceci est tout particulièrement le cas pour les effets sur les écosystèmes. Le risque reporté dans l'avenir ne peut être éliminé ou réduit qu'au moment de l'exposition à ce risque, c'est à dire immédiatement. Les mesures devraient être proportionnées au niveau de protection recherché.

La non-discrimination

Le principe de non-discrimination veut que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu'un tel traitement soit objectivement justifié. Les mesures prises au titre de la précaution devraient s'appliquer de façon à atteindre un niveau de protection équivalent sans que l'origine géographique ou la nature d'une production ne puissent être invoquées pour appliquer de manière arbitraire des traitements différents. Les mesures ne devraient pas introduire de discrimination dans leur application.

La cohérence

Les mesures devraient être cohérentes avec les mesures déjà prises dans des situations similaires ou utilisant des approches similaires. Les évaluations de risques comportent une série d'éléments à prendre en compte pour une évaluation la plus complète possible. Ces éléments ont pour but d'identifier et de caractériser les dangers, notamment en établissant une relation entre la dose et l'effet, d'apprécier l'exposition de la population visée ou de l'environnement. Si l'absence de certaines données scientifiques ne permet pas de caractériser le risque compte tenu des incertitudes inhérentes à l'évaluation, les mesures prises au titre de la précaution devraient être d'une portée et d'une nature comparable avec les mesures déjà prises dans des domaines équivalents où toutes les données scientifiques sont disponibles. Les mesures devraient être cohérentes avec les mesures déjà prises dans des situations similaires ou utilisant des approches similaires.

L'examen des avantages et des charges résultant de l'action ou de l'absence d'action

Il faudrait établir une comparaison entre les conséquences positives ou négatives les plus probables de l'action envisagée et celles de l'inaction en termes de coût global pour la Communauté, tant à court terme qu'à long terme. Les mesures envisagées devraient être en mesure d'apporter un bénéfice global en matière de réduction du risque à un niveau acceptable. L'examen des avantages et des charges ne peut pas se réduire seulement à une analyse économique coût/bénéfices. Il est plus vaste dans sa portée, intégrant des considérations non-économiques. L'examen des avantages et des charges devrait cependant inclure une analyse économique coût/bénéfices lorsque cela est approprié et réalisable. Toutefois d'autres méthodes d'analyse, telles que celles tenant à l'efficacité des options possibles et à leur acceptabilité par la population, pourraient entrer en ligne de compte. En effet, il se peut qu'une société soit prête à payer un coût plus élevé afin de garantir un intérêt, tel que l'environnement ou la santé, reconnu par elle comme majeur. La Commission affirme que les exigences liées à la protection de la santé publique, conformément à la jurisprudence de la Cour, devraient incontestablement se voir reconnaître un caractère prépondérant par rapport aux considérations économiques. Les mesures adoptées présupposent l'examen des avantages et des charges résultant de l'action ou de l'absence d'action. Cet examen devrait inclure une analyse économique coût/bénéfices lorsque cela est approprié et réalisable. Toutefois, d'autres méthodes d'analyse, telles que celles tenant à l'efficacité et à l'impact socio-économique des options possibles, peuvent entrer en ligne de compte. Par ailleurs, le décideur peut aussi être guidé par des considérations non-économiques, telles que la protection de la santé.

L'examen de l'évolution scientifique

Les mesures doivent être maintenues tant que les données scientifiques demeurent insuffisantes, imprécises ou non concluantes et tant que le risque est réputé suffisamment élevé pour ne pas accepter de le faire supporter à la société. En raison de nouvelles données scientifiques, il se peut que les mesures soient à modifier, voire à supprimer, avant un délai précis. Cela n'est toutefois pas lié à un facteur temps, mais à l'évolution des connaissances scientifiques. Par ailleurs, des recherches scientifiques doivent être poursuivies, en vue de procéder à une évaluation scientifique plus avancée ou plus complète. Dans ce contexte, il importe aussi que les mesures soient soumises à un suivi (monitoring) scientifique régulier, permettant de réévaluer ces mesures au regard de nouvelles informations scientifiques. L'accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) prévoit que les mesures arrêtées dans un contexte de preuves scientifiques insuffisantes doivent respecter certaines conditions. Ces conditions ne concernent donc que le domaine d'application de l'accord SPS mais il se pourrait aussi qu'en raison des spécificités de secteurs tels que l'environnement, des principes en partie différents soient à retenir. L'article 5, paragraphe 7, de l'accord SPS comporte certaines règles spécifiques: - Les mesures doivent avoir un caractère provisoire dans l'attente de données scientifiques plus approfondies. Le caractère provisoire est toutefois lié à l'évolution des connaissances scientifiques plutôt qu'à un facteur temps. - Des recherches doivent être effectuées pour obtenir les données scientifiques additionnelles nécessaires à une évaluation plus objective du risque. - Les mesures doivent être réexaminées périodiquement pour tenir compte des nouvelles données scientifiques disponibles. Les résultats des recherches scientifiques devraient permettre de compléter l'évaluation de risque et, si nécessaire, de réviser les mesures en fonction des conclusions. - Le délai raisonnable envisagé dans l'accord SPS comprend donc, d'une part, le temps nécessaire pour que les travaux scientifiques pertinents soient réalisés, et, d'autre part, la réalisation d'une évaluation de risque qui prendra en compte les conclusions de ces travaux. Des contraintes budgétaires ou des priorités politiques ne devraient pas pouvoir être invoquées pour justifier des délais excessifs dans l'obtention des résultats, la réévaluation du risque et la modification des mesures provisoires. Des recherches pourraient également être menées afin d'améliorer les méthodologies et instruments d'évaluation du risque, y compris une plus grande intégration de tous les facteurs pertinents (par exemple: informations socio-économiques, perspectives technologiques). Bien que de nature provisoire, les mesures doivent être maintenues tant que les données scientifiques demeurent incomplètes, imprécises ou non concluantes et tant que le risque est réputé suffisamment important pour ne pas accepter de le faire supporter à la société. Leur maintien dépend de l'évolution des connaissances scientifiques, à la lumière de laquelle elles doivent être réévaluées. Ceci implique que les recherches scientifiques doivent être poursuivies dans le but de disposer de données plus complètes. Les mesures basées sur le principe de précaution doivent être réexaminées et, si nécessaire, modifiées en fonction des résultats de la recherche scientifique et du suivi de leur impact.

La charge de la preuve

- Les règles existantes dans la législation communautaire et de nombreux pays tiers appliquent le principe d'autorisation préalable (« liste positive ») avant la mise sur le marché de certains types de produits tels que les médicaments, les pesticides ou les additifs alimentaires. Ceci est déjà une manière d'appliquer le principe de précaution en déplaçant la responsabilité de la production des preuves scientifiques. C'est en particulier le cas pour des substances réputées a priori dangereuses ou pouvant être potentiellement dangereuses à un certain niveau d'absorption. Dans ce cas, le législateur, par précaution, a clairement renversé la charge de la preuve en établissant que ces substances sont considérées comme dangereuses tant que l'inverse n'est pas démontré. Il appartient, donc, aux entreprises de réaliser les travaux scientifiques nécessaires pour l'évaluation de risque. Tant que le niveau de risque pour la santé ou pour l'environnement ne peut être évalué avec suffisamment de certitude, le législateur n'est pas légalement fondé à autoriser l'utilisation de la substance, sauf exceptionnellement pour effectuer des essais. - Dans d'autres cas où il n'y a pas une telle procédure d'autorisation préalable, il peut appartenir à l'utilisateur, personne privée, association de consommateurs ou de citoyens ou à la puissance publique de démontrer la nature d'un danger et le niveau de risque d'un produit ou d'un procédé. Une action prise au titre du principe de précaution peut comporter dans certains cas une clause renversant la charge de la preuve sur le producteur, le fabricant ou l'importateur; mais une telle obligation ne peut pas systématiquement s'envisager en tant que principe général. Cette possibilité devrait être examinée au cas par cas, lorsqu'une mesure est adoptée au titre de la précaution dans l'attente des données scientifiques supplémentaires, pour donner aux professionnels ayant un intérêt économique dans la production et/ou la commercialisation du procédé ou du produit en question, la possibilité de financer les recherches scientifiques nécessaires, sur une base volontaire. Les mesures basées sur le principe de précaution peuvent établir une responsabilité en matière de production des preuves scientifiques nécessaires à une évaluation de risque complète.

Conclusion

Dans la présente communication d'une portée générale, la Commission a exprimé sa position concernant le recours au principe de précaution. Cette communication reflète sa volonté de transparence et de dialogue avec toutes les parties intéressées. En même temps, elle constitue un outil concret d'orientation pour toute mesure éventuelle appliquant le principe de précaution. La Commission veut réitérer l'importance majeure qu'elle attribue à la distinction entre la décision, de nature éminemment politique, d'agir ou de ne pas agir et les mesures résultant du recours au principe de précaution, qui doivent respecter les principes généraux applicables pour toute mesure de gestion des risques. La Commission considère également que toute décision doit être précédée par un examen de toutes les données scientifiques disponibles et, si possible, une évaluation du risque aussi objective et complète que possible. Décider d'avoir recours au principe de précaution ne signifie pas que les mesures seront fondées sur une base arbitraire ou discriminatoire. Cette communication peut aussi contribuer à réaffirmer la position de la Communauté au niveau international où la mention du principe de précaution devient de plus en plus fréquente. Toutefois, la Commission entend souligner que cette communication ne met pas un point final à la réflexion, mais que tout au contraire elle doit servir de point de départ à une étude plus large des conditions dans lesquelles les risques devraient être évalués, appréciés, gérés et communiqués.

ANNEXE I

Bases juridiques et autres des décisions communautaires concernant des mesures de precaution - Les textes législatifs Réf. 1 Le traité d'Amsterdam, reprenant les dispositions déjà introduites par le traité de Maastricht de 1992, et plus précisément à son article 174, indique: _ «2. La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur- payeur... _ 3. Dans l'élaboration de sa politique dans le domaine de l'environnement, la Communauté tient compte : _ des données scientifiques et techniques disponibles,... _ des avantages et des charges qui peuvent résulter de l'action ou de l'absence d'action.... » Réf. 2 L'article 6 du Traité CE prévoit que « les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et actions de la Communauté visées à l'article 3, et en particulier afin de promouvoir le développement durable ». Réf. 3 Ainsi, l'article 95, paragraphe 3, du Traité CE prévoit : « La Commission, dans ses propositions prévues au paragraphe 1er en matière de santé, de sécurité, de protection de l'environnement et de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques. Dans le cadre de leurs compétences respectives, le Parlement européen et le Conseil s'efforcent également d'atteindre cet objectif ». Réf. 4 L'article 152 du Traité CE prévoit dans son premier paragraphe: "Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assurée dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté". - La jurisprudence Réf.5 Dans son arrêt sur la validité de la décision de la Commission interdisant l'exportation de boeuf du Royaume-Uni pour limiter le risque de transmission de l'ESB (arrêts du 5 mai 1998, aff. C-157/96 et C-180/96), la Cour a précisé: «Or, il doit être admis que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l'existence ou à la portée des risques pour la santé des personnes, les institutions peuvent prendre des mesures sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées » (attendu 99). L'attendu suivant précise ultérieurement le raisonnement suivi par la Cour : « Cette approche est corroborée par l'article 130R, paragraphe 1er, du Traité CE, selon lequel la protection de la santé des personnes relève des objectifs de la politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement. Le paragraphe 2 du même article prévoit que cette politique, visant un niveau de protection élevé, se fonde notamment sur le principe de précaution et d'action préventive et que les exigences de protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en ouvre des autres politiques de la Communauté » (attendu 100). Réf. 6 Dans un autre arrêt relatif à la protection de la santé des consommateurs (arrêt du 16 juillet 1998, aff. T-199/96), le Tribunal de Première Instance reprend le passage utilisé dans l'arrêt relatif à l'ESB (voir attendus 66 et 67). Réf. 7 Dernièrement, dans l'ordonnance du 30 juin 1999 (aff. T-70/99), le Président du Tribunal de Première Instance confirme les positions exprimées dans les arrêts mentionnés. Il importe toutefois de souligner que dans cette décision juridictionnelle une allusion explicite au principe de précaution est effectuée et qu'il est réaffirmé que « les exigences liées à la protection de la santé publique doivent incontestablement se voir reconnaître un caractère prépondérant par rapport aux considérations économiques ». - Les orientations politiques Réf. 8 Dans sa Communication du 30 avril 1997 sur la santé des consommateurs et la sûreté alimentaire (COM(97) 183 final), la Commission indique : «La Commission sera guidée dans son analyse de risque par le principe de précaution dans les cas où les bases scientifiques sont insuffisantes ou lorsqu'il existe quelques incertitudes». Réf. 9 Dans son Livre vert « Les principes généraux de la législation alimentaire dans l'Union européenne » du 30 avril 1997 (COM(97) 176 final), la Commission réitère cette indication : « Le traité stipule que la Communauté contribue au maintien d'un niveau élevé de protection de la santé publique, de l'environnement et des consommateurs. Les mesures prises à cet effet doivent être basées sur une évaluation des risques tenant compte de tous les facteurs de risque pertinents, ainsi que des aspects technologiques, des meilleures preuves scientifiques disponibles et de l'existence de méthodes d'inspection, d'échantillonnage et d'essai. Lorsqu'une évaluation exhaustive des risques n'est pas réalisable, les mesures doivent être fondées sur le principe de précaution». Réf. 10 Dans sa résolution du 10 mars 1998 concernant ce Livre vert, le Parlement européen a constaté : « La législation alimentaire européenne se fonde sur le principe d'une protection préventive de la santé et des consommateurs, souligne que la politique menée dans ce domaine doit se fonder sur une analyse des risques reposant sur des bases scientifiques et complétée, au besoin, par une gestion appropriée des risques basée sur le principe de précaution et invite la Commission à anticiper sur les éventuelles mises en cause de la législation alimentaire communautaire par les instances de l'OMC en demandant à ses comités scientifiques de présenter un argumentaire complet basé sur le principe de précaution». Réf. 11 Le Comité parlementaire mixte de l'EEE (Espace économique européen) a adopté, le 16 mars 1999, une résolution relative à "la sécurité alimentaire dans l'EEE". À cet effet, d'une part, il "souligne l'importance que revêt l'application du principe de précaution" (point 5) et, d'autre part, "réaffirme l'impérieux besoin de développer une approche prudente au sein de l'EEE en ce qui concerne l'évaluation des demandes de mise sur le marché d'OGM destinés à entrer dans la chaîne alimentaire..." (point 13). Réf. 12 Le Conseil a adopté, le 13 avril 1999, une résolution demandant à la Commission, entre autres, «de se laisser, à l'avenir, guider davantage encore par le principe de précaution lors de l'élaboration de propositions de législation et dans le cadre de ses autres activités liées à la politique des consommateurs, et d'élaborer de manière prioritaire des lignes directrices claires et efficaces en vue de l'application de ce principe".

ANNEXE II

LE PRINCIPE DE PRECAUTION DANS LE DROIT INTERNATIONAL L'environnement Bien qu'ayant trouvé une application plus large, le principe de précaution a été développé avant tout dans le contexte de la politique de l'environnement. Ainsi, dans la déclaration ministérielle de la deuxième conférence internationale sur la protection de la mer du Nord (1987) il est précisé : « Une approche de précaution s'impose afin de protéger la mer du Nord des effets dommageables éventuels des substances les plus dangereuses. Elle peut requérir l'adoption de mesures de contrôle des émissions de ces substances avant même qu'un lien de cause à effet soit formellement établi sur le plan scientifique ». Lors de la troisième conférence internationale sur la protection de la mer du Nord (1990) une nouvelle déclaration ministérielle a été formulée. Elle précise la déclaration antérieure et est ainsi libellée « Les gouvernements signataires doivent appliquer le principe de précaution, c'est-à-dire prendre des mesures pour éviter les impacts potentiellement dommageables des substances (toxiques), même lorsqu'il n'existe pas de preuve scientifique de l'existence d'un lien de causalité entre les émissions et les effets ». Le principe de précaution a été explicitement reconnu au cours de la conférence des Nations-Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), qui s'est tenue à Rio de Janeiro en 1992, et figure dans la "Déclaration de Rio". Depuis lors, il a été mis en oeuvre dans divers textes concernant l'environnement, en particulier les changements climatiques au niveau planétaire, les substances qui appauvrissent la couche d'ozone et la préservation de la biodiversité. Le principe de précaution est répertorié comme principe n°15 de la Déclaration de Rio, parmi les droits et obligations de nature générale des instances nationales. "Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement". Ce principe n°15 est repris en des termes similaires: 1. dans le préambule de la convention sur la diversité biologique (1992): (...) Notant également que lorsqu'il existe une menace de réduction sensible ou de perte de la diversité biologique, l'absence de certitudes scientifiques totales ne doit pas être invoquée comme raison pour différer les mesures qui permettraient d'en éviter le danger ou d'en atténuer les effets (...) 2. à l'article 3 (principes) de la convention sur les changements climatiques (1992): (...) Il incombe aux Parties de prendre des mesures de précaution pour prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements climatiques et en limiter les effets néfastes. Quand il y a risque de perturbations graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour différer l'adoption de telles mesures, étant entendu que les politiques et mesures qu'appellent les changements climatiques requièrent un bon rapport coût-efficacité, de manière à garantir des avantages globaux au coût le plus bas possible. Pour atteindre ce but, il convient que ces politiques et mesures tiennent compte de la diversité des contextes socio-économiques, soient globales, s'étendent à toutes les sources et à tous les puits et réservoirs de gaz à effet de serre qu'il conviendra, comprennent des mesures d'adaptation et s'appliquent à tous les secteurs économiques. Les initiatives visant à faire face aux changements climatiques pourront faire l'objet d'une action concertée des Parties intéressées. Dans la convention de Paris pour la protection du milieu marin pour l'Atlantique du nord-est (septembre 1992) le principe de précaution est ainsi qualifié : « principe selon lequel les mesures de prévention doivent être prises lorsqu'il y a des motifs raisonnables de s'inquiéter du fait des substances ou de l'énergie introduites directement ou indirectement dans le milieu, qu'elles puissent entraîner des risques pour la santé de l'homme, nuire aux ressources biologiques ou aux écosystèmes, porter atteinte aux valeurs d'agrément ou entraver d'autres utilisations du milieu, même s'il n'y a pas de preuves concluantes d'un rapport de causalité entre les apports et les effets ». Dans le Protocole sur la Biosécurité, adopté à Montréal le 28 janvier 2000, la Conférence des Parties à la convention sur la diversité biologique a expressément reconnu dans son article 10 paragraphe 6 le recours au principe de précaution. Il est, en effet, indiqué : « L'absence de certitude scientifique due à l'insuffisance d'information et de connaissance scientifique pertinente en ce qui concerne les effets négatifs potentiels d'un organisme vivant modifié sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique dans la Partie importatrice, prenant également en compte les risques pour la santé humaine, n'empêche pas cette Partie de prendre une décision, si approprié , concernant l'importation de l'organisme vivant modifié en question, visé au paragraphe 3 ci-dessus, dans le but d'éviter ou de réduire de tels effets potentiellement négatifs » (traduction non officielle). Par ailleurs, le préambule de l'Accord de l'OMC souligne les liens de plus en plus étroits entre le commerce international et l'environnement. Accord SPS de l'OMC Bien que l'expression "principe de précaution" ne figure pas explicitement dans l'accord de l'OMC sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), le rapport de l'Organe d'appel sur des mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones) (AB-1997-4, paragraphe 124) affirme que ce principe est pris en compte à l'article 5:7 de l'accord. Le texte de cet article 5:7 est le suivant: "Dans les cas où les preuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes, un Membre pourra provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisations internationales compétentes ainsi que ceux qui découlent des mesures sanitaires ou phytosanitaires appliquées par d'autres Membres. Dans de telles circonstances, les Membres s'efforceront d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque et examineront en conséquence la mesure sanitaire ou phytosanitaire dans un délai raisonnable". Le rapport de l'Organe d'appel sur les hormones (paragraphe 124) reconnaît qu'il "n'est pas nécessaire de poser en principe que l'article 5:7 est exhaustif en ce qui concerne la pertinence du principe de précaution". En outre, les Membres ont "le droit d'établir leur propre niveau approprié de protection sanitaire, lequel peut être plus élevé (c'est-à-dire plus prudent) que celui qu'impliquent les normes, directives et recommandations internationales existantes". En outre, il accepte que "les gouvernements représentatifs et conscients de leurs responsabilités agissent en général avec prudence et précaution en ce qui concerne les risques de dommages irréversibles, voire mortels, pour la santé des personnes". Le rapport de l'Organe d'appel sur le "Japon - Mesures visant les produits agricoles" (AB-1998-8, paragraphe 89) énonce les quatre prescriptions auxquelles il convient de satisfaire pour pouvoir adopter et maintenir une mesure SPS provisoire. Un Membre peut provisoirement adopter une mesure SPS si cette mesure est: 1) imposée relativement à une situation dans laquelle "les informations scientifiques pertinentes sont insuffisantes"; et 2) adoptée "sur la base des renseignements pertinents disponibles". Une telle mesure provisoire ne peut être maintenue que si le Membre qui a adopté la mesure: 1) "s'efforce d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque"; et 2) "examine en conséquence la mesure ... dans un délai raisonnable". Ces quatre prescriptions sont de toute évidence cumulatives et sont d'importance égale aux fins de déterminer la compatibilité avec les dispositions de l'article 5:7. Chaque fois qu'il n'est pas satisfait à l'une de ces quatre prescriptions, la mesure en cause est incompatible avec l'article 5:7. Quant à ce qui constitue un "délai raisonnable" pour l'examen de la mesure, l'Organe d'appel explique (paragraphe 93) que ce point doit être établi au cas par cas et dépend des circonstances propres à chaque cas d'espèce, y compris la difficulté d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour l'examen et les caractéristiques de la mesure SPS provisoire.

ANNEXE III

LES QUATRE VOLETS DE L'ÉVALUATION DU RISQUE Avant de prendre des mesures, il conviendrait, autant que possible, de mettre en oeuvre ces quatre volets. - L'"identification du danger" consiste à déceler les agents biologiques, chimiques ou physiques susceptibles d'avoir des effets défavorables. Une nouvelle substance ou un nouvel agent biologique peut se révéler par ses effets sur la population (maladie ou décès) ou sur l'environnement et il peut être possible de décrire les effets réels ou potentiels sur la population ou l'environnement avant que la cause soit cernée d'une façon indubitable. - La "caractérisation du danger" consiste à déterminer, en termes quantitatifs et/ou qualitatifs, la nature et la gravité des effets défavorables liés aux agents ou à l'activité en cause. C'est à ce stade qu'il y a lieu d'établir une relation entre la quantité de la substance dangereuse et l'effet. Cependant, cette relation est parfois difficile ou impossible à prouver, par exemple parce que le lien de cause à effet n'a pas été établi d'une façon indubitable. - L'"évaluation de l'exposition" consiste en une évaluation quantitative ou qualitative de la probabilité d'exposition à l'agent étudié. En plus d'informations sur les agents eux-mêmes (source, distribution, concentrations, caractéristiques, etc.), il est nécessaire d'obtenir des données sur la probabilité de contamination ou d'exposition de la population ou de l'environnement au danger. - La "caractérisation du risque" correspond à l'estimation qualitative et/ou quantitative, tenant compte des incertitudes inhérentes à cet exercice, de la probabilité, de la fréquence et de la gravité des effets défavorables, potentiels ou connus, susceptibles de se produire pour l'environnement ou la santé. Elle est établie sur la base des trois volets qui précèdent et est étroitement liée aux incertitudes, variations, hypothèses de travail et conjectures faites à chaque phase du processus. Lorsque les données disponibles sont insuffisantes ou non concluantes, une approche prudente et précautionneuse de la protection de l'environnement, de la santé ou de la sécurité pourrait être d'opter pour l'hypothèse la plus pessimiste. L'accumulation de telles hypothèses débouchera sur une exagération du risque réel mais donne une certaine assurance que celui-ci ne sera pas sous-estimé.

Références Bibliographiques