Différenciation - inigalité

De Didaquest
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L’opposition entre une vision de l’école qui trie et sélectionne et celle d’une école qui enseigne et transmet est non seulement fausse, mais elle empêche aussi de saisir ce qui se construit comme inégalité sociale d’apprentissage dans les façons d’enseigner auxquelles les élèves sont confrontés. Grâce aux observations récurrentes qu’elles ont permises, deux recherches de type qualitatif nous conduisent à identifier des dispositifs pédagogiques que l’on peut penser caractéristiques de l’école contemporaine et à interroger leurs effets inégalitaires sur les acquis des élèves. En tant qu’échelle intermédiaire d’analyse, la focalisation de l’étude sur ces dispositifs permet d’identifier ce qu’ils cachent aux élèves, ce qu’ils empêchent, ce qu’ils leur donnent comme possibilités, qui peuvent être ouvertes ou faire l’objet d’un guidage pédagogique. Au-delà de ces matériaux empiriques, les exemples utilisés ici sont sans doute typiques des traits saillants des dispositifs pédagogiques de la scolarité unique 1. La fréquence de ces formes d’organisation du travail des élèves et de leurs effets permet ainsi la formulation de pistes de réflexion d’ordre plus général que les résultats de chaque enquête. La fabrication des inégalités peut être qualifiée de « passive » quand le dispositif pédagogique ne cadre pas l’activité de l’élève avec le cheminement intellectuel attendu pour s’approprier le savoir. Si le cadrage des tâches chronologiques par la fiche existe bien dans les exemples précédents, il laisse trop de liens sous silence ou compréhensibles seulement « à demi-mot ». L’élève doit avoir des « prédispositions » construites hors de la sphère scolaire (ou lors d’une étape antérieure de sa scolarité), puisque ce sont des dispositions que le dispositif ne transmet pas, ne donne pas à voir comme le résultat de constructions possibles dans l’activité et qui restent donc du domaine de l’« implicite » (Bourdieu & Passeron, 1964) ou de la « pédagogie invisible » (Bernstein, 2007b). Le cheminement intellectuel attendu révèle au fond une définition sociale latente de « l’enfant normal » et du raisonnement intellectuel « spontané ». L’« indifférence aux différences » (Bourdieu & Passeron, 1964) repose sur cette norme présentée comme universelle, mais qui est de fait calquée sur celle des élèves qui bénéficient d’une certaine connivence avec les évidences scolaires, auxquels il « suffit » donc de suggérer les choses pour qu’elles soient clairement comprises. La construction du constat de l’hétérogénéité 6En sciences et sociologie de l’éducation, la notion d’hétérogénéité se définit a minima en rapport aux écarts de niveaux scolaires au sein d’une classe, souvent attribués aux évolutions dues à la massification de l’enseignement, à la suppression de certains paliers d’orientation, à la disparition progressive du redoublement, au collège unique, etc. Au-delà de cette acception minimale, le terme se trouve employé aussi bien pour signifier la diversité des décisions et processus organisationnels générant, régulant ou prévenant cette hétérogénéité des groupes-classes (organisation par filières, taille des classes, composition des établissements, etc.) que pour rendre compte de la pluralité des profils des élèves. On parlera dans ce second cas autant de différences de « rythmes d’apprentissage » ou de « styles cognitifs » que d’appartenances sociales et ethniques distinctes par exemple. Benoît Galand (2009) indique en effet dans un travail de synthèse qu’« il existe un grand nombre de sources potentielles d’hétérogénéité au sein d’un groupe d’élèves : l’âge, le genre, le qi, le niveau scolaire global, les acquis dans une matière, l’origine sociale, l’origine ethnique, etc. » On retrouve dans l’ouvrage-manuel d’Halina Przesmycki (2000), intitulé La pédagogie différenciée, la même accumulation dans la définition qui est donnée de l’hétérogénéité scolaire. Celle-ci renverrait entre autres à « l’hétérogénéité de l’appartenance socio-économique », de « l’origine socioculturelle », « des cadres psychofamiliaux », à celle des « stratégies familiales » et des « cadres scolaires », ainsi qu’à « la diversité de la motivation des élèves à travailler et à apprendre », à celle des « rythmes », de la « gestion des représentations mentales » ou encore à « la diversité des modes de pensée et des stratégies d’appropriation ».