Différences entre versions de « Protectionnisme »
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Le protectionnisme est une politique économique selon laquelle l'État ou un groupe d'États interviennent dans l'économie pour protéger leurs entreprises et aider leurs produits, par la mise en place de politiques d'achats publics, de normes, de barrières douanières, de subventions à l'exportation, etc. On qualifie souvent des pratiques isolées sur un secteur particulier de protectionnistes sans que cela engage une politique générale.
Quelques types de protectionnisme
Une politique d'indépendance peut conduire dans certains cas à appliquer des mesures visant à «protéger» les industries stratégiques.
Les excès parfois constatés, qualifiés de protectionnisme, peuvent se manifester de plusieurs manières :
- soit instituer dans les politiques de passation des marchés publics une préférence pour les produits fabriqués à l'intérieur du pays,
- soit imposer des normes internationales qui prennent de court les autres pays,
- soit appliquer des droits de douane sur les produits importés,
- soit protéger les industries stratégiques contre les prises de participation en capital (OPA),
- soit verser des subventions et aides diverses aux producteurs locaux,
On peut citer encore la réciprocité commerciale, la balance du commerce.
Protectionnisme par zones
États-Unis
Marchés publics
Depuis les années 1930, les États-Unis adoptent une politique systématique consistant à interdire dans les marchés publics les produits qui ne sont pas fabriqués aux États-Unis. Il existe aussi des subventions. Les lois sont :
- Buy American Act de 1933
- Small Business Act de 1953 pour les petites entreprises (voir aussi pacte PME),
- Defense Federal Acquisition Regulations Supplement (DFARS)
- Exceptions sécurité nationale (ALENA, chapitre 10, partie D, article 1018)
- Amendement Berry (textiles, denrées alimentaires et vêtements non américains)
- Amendement Byrnes-Tollefson (bateaux non américains)
- Buy American - transports en commun (subventions de la Federal Transit Administration)
- Buy American - construction routière (subventions de la Federal Highway Administration)
- Buy American - aéroports (subventions de la Federal Aviation Administration)
En 1989, le groupe Bull a acheté le constructeur de micro-ordinateurs Zenith Data Systems, dans l'espoir d'acquérir le marché des micro-ordinateurs de l'administration américaine, méconnaissant totalement la législation américaine sur les achats publics. Le gouvernement fédéral américain a évidemment répliqué en faisant appel à un autre fournisseur. Cette erreur stratégique a entraîné de lourdes pertes financières pour Bull, qui ont dû être négociées par Bernard Pache auprès de l'Union européenne. Les subventions sont aujourd'hui interdites par l'Union européenne.
Les États-Unis se sont opposés au développement du supersonique Concorde en appliquant des normes sur le bruit (il est vrai que le Concorde était un avion très bruyant).
Advocacy policy
Depuis la fin des années 1980, les États-Unis ont élargi cette politique à des actions plus offensives de soutien cohérent des entreprises américaines à l'exportation. Cette politique est appelée "advocacy policy". Elle s'appuie sur une organisation dédiée, l'"advocacy center".
Voir : US Governement export portal - The advocacy center
Dans la vision des stratèges américains, le monde se répartit en trois zones : les États-Unis conçoivent, l'Asie produit, et l'Europe consomme.
Aujourd'hui les États-Unis cherchent à imposer des normes internationales dans le domaine des technologies de l'information.
Par exemple, la spécification technique ebXML tend à s'imposer dans le monde comme un standard de commerce électronique.
Mesures de rétorsion
La section 301 de la loi américaine générale de 1988 sur le commerce et la compétitivité permet à l'Administration américaine de prendre dans des délais très brefs toute mesure de rétorsion à l'égard des partenaires commerciaux dont les pratiques seraient jugées déloyales.
En 2000, le président George W. Bush a mis en place des mesures protectionnistes sur les importations d'acier pour satisfaire les demandes des grandes entreprises du secteur dont la productivité était insuffisante. Les effets a posteriori semblent avoir été négatifs puisque, si les mesures ont sauvé 3 500 emplois, elles en ont détruit entre 12 000 et 43 000 chez les entreprises qui consomment de l'acier[1].
Japon
L'un des tarifs douaniers les plus élevés du monde est celui que pratique le Japon sur le riz étranger, taxé à 900 %.
Union européenne
La politique agricole commune a longtemps consisté en versement de subventions agricoles. Cette politique a favorisé l'agriculture intensive, ce qui a eu des conséquences dommageables sur le plan du développement durable.
En France, on invoque quelquefois l'exception culturelle [2].
Les relations économiques entre l'Union européenne et les États-Unis ont fait l'objet d'un rapport d'information à l'Assemblée nationale en France en 1999.
Voir : Rapport d'information déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur les relations économiques entre l'Union européenne et les États-Unis.
Du protectionnisme européen
L'Europe économique issue des traités successifs depuis la création de la CEE à Rome en 1957 a permis de faire aujourd'hui de la zone des 27 un espace économiquement unifié, très intégré, reposant sur une libre circulation des capitaux, des biens et des personnes. La question est maintenant de savoir si un protectionnisme « extérieur » est possible, afin de protéger un marché intérieur de 450 millions de consommateurs. Les défenseurs de ce projet mettent en avant le taux d'ouverture de 12 % de la zone régionale (88 % du commerce européen se fait avec un membre de l'Union ), taux assez faible pour permettre des politiques économiques communes ainsi que des tarifs extérieurs plus protecteurs pour les secteurs en difficultés (délocalisations). Les États-Unis sont paradoxalement l'un des pays le plus protecteur du monde. Les adversaires d'un tel projet mettent en avant les méfaits du protectionnisme, la remise en cause de la concurrence, le risque de repli des États sur eux-mêmes. Ainsi les États-Unis ont accusé l'Union européenne de renier la signature qu'elle a donnée au General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) en créant un marché commun entre les États membres. Selon eux, le marché autoélimine les entreprises les moins rentables (cas du textile) qui se délocalisent vers des pays où la main-d'œuvre est moins chère ; les pays dits « développés » sont quant à eux voués à se spécialiser dans des secteurs innovants, à forte « matière grise », et non concurrençables - pour le moment - par les pays émergents. Le protectionnisme libéral de Friedrich List est lui aussi envisageable : le financement des projets de recherche ou la mise en place de branches considérées comme naissantes et donc fragiles pourrait être étudiés. Les secteurs clés (énergie, sécurité, agriculture, écologie) ne peuvent pas être considérés comme de simples secteurs vendables au plus offrant. Peut-être faudrait-il réinsérer l'idée de protection dans certains cas précis. Aujourd'hui, le mot protectionnisme fait peur et n'est plus en vogue. Il est opposé au libre échange et par extension au terme libéralisme.
Points de vue
Point de vue mercantiliste concernant le protectionnisme
Chez les mercantilistes le rôle du commerce extérieur est de permettre le gain monétaire, c'est-à-dire l'afflux d'or. Dans cette optique, les mercantilistes préconisent une politique volontariste de soutien aux exportations via la création de grandes compagnies de commerce ou de grandes manufactures. Au contraire l'État doit tenter de freiner les importations qui sont synonymes de sorties d'or.
Pour Jean-Baptiste Colbert, « les compagnies de commerce sont les armées du roi, et les manufactures sont ses réserves ». L’objectif de ses « armées » est de repousser les « armées » étrangères. Ainsi pour souligner cette haine du commerce étranger, Antoine de Montchrestien[3] déclare :
« Les marchands étrangers sont comme des pompes qui tirent hors du royaume […] la pure substance de nos peuples […] ; ce sont des sangsues qui s’attachent à ce grand corps de la France, tirent son meilleur sang et s’en gorgent »
La logique mercantiliste repose sur l'idée que la richesse n'est fondée que sur le volume détenu de métaux précieux, et que dès lors, ce volume étant défini, le commerce est un jeu à somme nulle. L'enrichissement d'un État par ses exportations ne peut se faire que par l'appauvrissement d'un autre par ses importations.
Point de vue libéral
Les économistes libéraux, depuis la Richesse des nations d'Adam Smith (1776), ont beaucoup critiqué les théories protectionnistes des mercantilistes. Selon les libéraux, le protectionnisme est une imposture intellectuelle qui ne sert qu'à favoriser des groupes d'intérêt aux dépens du plus grand nombre et du bien public. Lire par exemple les Sophismes économiques de Frédéric Bastiat (1845), dont le septième, la Pétition des fabricants de chandelles.
Le commerce international pouvant être vu dans la majorité des situations comme un accord Gagnant-gagnant, la mise en place de mesures protectionnistes diminuera le bien-être global. Par exemple, la majorité des historiens économiques considèrent que la Grande Dépression a été aggravée par les mesures protectionnistes mises en place dans les années 1930, comme la Loi Hawley-Smoot.
D'autres tel Friedrich List[4], considèrent le protectionnisme comme nécessaire à court terme pour amorcer le développement d'une économie. Le libre-échange ne serait alors juste qu'entre pays de puissance économique comparable. Un pays, ayant une fois rattrapé le niveau des autres, pourra passer à un système de libre-échange qui reste l'objectif de long terme. Il explique :
«Le protectionnisme est notre voie, le libre-échange est notre but.»
Le point de vue libéral fonde son analyse sur plusieurs arguments en faveur de l'insertion internationale dont la protection est bénéfique pour les industries naissantes. En effet, les industries dans l'enfance (industries naissantes) ne sont pas adaptées au marché international (accoutumance de la main d'œuvre, niveau de production optimal, tarification optimale...)Pour cela, elles bénéficient d'un "temps d'adaptation" qui vont leur permettre de développer leur compétitivité c’est-à-dire de passer d'un avantage comparatif potentiel à un avantage comparatif réel (au sens de David Ricardo).Les industries naissantes vont donc se protéger de la concurrence internationale afin de développer un système productif en corrélation avec le marché mondial compte tenu de la contrainte de prix et de production extérieure. Pour que la transition soit efficace plusieurs conditions doivent être réunies: le passage d'un avantage comparatif potentiel à un avantage comparatif réel doit être réalisé, la protection doit être temporaire et l'ouverture à la concurrence doit être réalisée au moment opportun c’est-à-dire quand la firme devient compétitive (quand le prix des biens qu'elle fourni sont supérieurs a ses couts de production =bénéfices). Ceci constitue un des arguments libéraux au niveau national.D'autres arguments comme celui de l'industrie déclinante, du revenu, de l'emploi ou encore des distorsions internes expliquent la pensée libérale en matière de protectionnisme.
Point de vue des altermondialistes
Selon certains altermondialistes reprenant les théories de l'économiste Friedrich List, les pays développés ont d'abord construit leur industrie en utilisant le protectionnisme, puis une fois leurs économies devenues largement supérieures à celles des pays du tiers monde, ils ont ouvert leurs frontières afin de bénéficier de la réciprocité, qui leur permet de prévenir l'émergence de concurrents et d'acquérir des matières premières à moindre coût. Puisque le tiers monde ne peut pas bénéficier du protectionnisme qui a permis l'émergence des économies puissantes, il est condamné à rester sous-développé.
Point de vue des nationalistes
D'autres, proche du nationalisme anti-mondialiste, avancent que les pays développés seraient menacés par les pays émergents et devraient s'en protéger vu que ceux-ci auraient de meilleurs coûts de production dans certains types d'activités. De fait ces mouvements sont l'expression d'un même mal généré par un libre-échangisme dérégulé, ou loi de la jungle, qui met en concurrence frontale, sans protection, les riches et les pauvres, les pays développés qui ont capitalisé une avance technologique et financière, les pays émergents qui profitent de l'ouverture des frontières pour envahir les marchés et plus discrètement les pays en situation de dépendance qui malgré un déficit de leurs échanges peuvent causer du mal à certaines branches agricoles notamment des premiers.
Bibliographie
- La Main Droite et la Main Gauche, Frédéric Bastiat
- Un chemin de fer négatif, Frédéric Bastiat
- (en) The working classes and the corn laws, Richard Cobden
- L'autre guerre des États-Unis, Économie : les secrets d'une machine de conquête, Eric Denécé et Claude Revel, Robert Laffont, 2005.
Liens externes
- ↑ Gary Hubauer & Ben Goodrich, Steel protection and Job Dislocation, Washington, Institute for International Economics, février 2003
- ↑ Alain Faujas, « Aide aux pays pauvres : la France est épinglée pour sa politique migratoire et ses ventes d'armes », dans Le Monde du 16/08/2006, [lire en ligne]
- ↑ Traité d'économie politique, 1615
- ↑ Système national d'économie politique, 1841