Différences entre versions de « Emergentisme »
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Conception : Clarification - Explicitation
- Émergence - Concept d'émergence
- L'émergentisme est un courant de pensée qui défend l'idée que le tout est plus que la somme des parties, que de tout système émerge du nouveau, de l'imprévu.
- Ce courant de pensée, de plus en plus partagé, s'accompagne néanmoins de polémiques et de désaccords profonds sur la signification de ce terme, désaccords qui, souvent, sont d'origine idéologique. Dans la mesure où les scientifiques ont été privés d'une culture philosophique cohérente, leur position philosophique est souvent implicite, au point parfois de refuser énergiquement de la reconnaître lorsqu'on la leur suggère. La dialectique matérialiste, fortement connotée politiquement, rencontre un réel déni idéologique parmi ceux-là même des scientifiques qui la pratiquent de façon spontanée. Un matérialisme non dialectique est aussi fort répandu parmi les scientifiques, ces choix et ses prises de positions impacte leur rapports au complexe. Actuellement, il est possible de distinguer schématiquement, quatre groupes de positions différentes concernant les réflexions et positions face à l'émergence, ou plus spécifiquement l'émergentisme.
Typologie détaillée
Emergentisme matérialiste dialectique
- => La position matérialiste dialectique considère que l'émergence correspond à l'apparition de propriétés globales nouvelles qui résultent d'interactions non-linéaires ou complexes entre les parties, qu'on les comprenne ou non, qu'on les prévoie ou non. Elle distingue ainsi une propriété collective (comme la pression d'un gaz), qui résulte de l'observation d'un phénomène collectif à une échelle globale, d'une émergence qui représente l'existence d'une propriété nouvelle à une échelle globale, propriété qui n'est pas présente dans les constituants puisqu'elle dépend de leur organisation, et qui n'apparaît en outre que dans certaines conditions. Pour ceux qui partagent cette conception, la mayonnaise qui prend (et dont on peut prévoir et expliquer l'apparition) est une émergence tout comme la vie qui n'est pas encore comprise. Les tenants de cette conception, qu'ils le sachent ou non, qu'ils l'acceptent ou non, sont non seulement matérialistes, mais aussi, dans une mesure plus ou moins grande, ils sont dialecticiens : ils considèrent les transformations comme des propriétés fondamentales de la matière, ils accordent plus d'importance aux interactions (rapports) qu'aux éléments isolés, ils étudient les comportements globaux dus aux interactions entre les éléments et, dans la mesure où l'émergence définit pour eux la complexité, la catégorie dialectique de saut qualitatif, même s'ils ne la connaissent pas formellement, leur est familière. Pour eux, l'émergence est indissociablement épistémique et ontologique.
Nous appelons émergence l'existence (et pas seulement l'apparition vue comme un processus temporel, ce que le vocable pourrait suggérer) de qualités singulières d'un système qui ne peuvent exister que dans certaines conditions. [1]
On trouve une définition convergente de l'émergence chez Maximilian Kistler :
La théorie des systèmes dynamiques contient des concepts qui permettent d'expliquer, au moins pour certains types de systèmes, pourquoi les interactions non additives donnent lieu à des propriétés qualitativement différentes des propriétés des parties. [2]
Emergentisme matérialiste non dialectique et les anti-émergentisme
Pour certains scientifiques et nombre de philosophes des sciences, il n'y a émergence que lorsque se produisent des processus inattendus, surprenants, imprévus. À y regarder de près, les tenants de cette acception se répartissent en 3 groupes.
Emergentisme ontologique
Pour certains émergentistes matérialistes non dialectique, l'émergence est ontologique : l'inattendu est une propriété fondamentale, qui caractérise notamment la vie. Soit l'émergence signifie que la vie possède un noyau inconnaissable, qu'on l'appelle l'élan vital ou l'intelligent design : c'est le vitalisme ; soit elle signifie que l'on ne peut pas comprendre un niveau d'organisation (un tout) en s'intéressant à ses parties (holisme), dans les deux cas l'émergence (le passage des parties au tout) est une propriété absolument inconnaissable. Il s'agit de positions clairement idéalistes.
Anti-émergentisme
Il y a ceux pour qui l'émergence n'existe pas. Ce terme désignerait seulement une ignorance et lorsque l'inattendu disparaîtra, il n'y aura plus d'émergence. Les plus radicaux dans cette position sont les réductionnistes durs pour qui le tout est égal à la somme des parties et qui sont convaincus que c'est le manque de connaissance des parties qui fait croire qu'il émerge quelque chose de nouveau et d'inattendu. Ceux-là, bien entendu, rejettent la révolution du complexe dans son ensemble au nom d'un matérialisme resté mécaniste (Matérialisme mécaniste, c'est-à-dire refusant les transformations.
Emergentisme épistémique
Certains émergentistes matérialistes non dialectique admettent l'émergence, mais seulement comme une propriété épistémique, liée à la considération de niveaux faite par l'observateur. Le réductionnisme faible [3] admet que le tout résulte non pas seulement de la somme, mais des interactions entre les parties et que, lorsque ces interactions ne sont pas linéaires, il peut y avoir des propriétés étonnantes. Mais en connaissant mieux ces interactions, l'inattendu, le non compris disparaissent et avec eux l'émergence, qui est donc une propriété purement épistémique. Corrélativement, ils n'acceptent donc pas d'appeler émergents les phénomènes (auto-organisation, bifurcations…) qu'étudie la physique des systèmes non-linéaires, dès lors qu'ils sont maintenant compris. On pourrait penser qu'il ne s'agit finalement que d'une question de définition de peu d'importance scientifique, même si l'idéologie sous-jacente, matérialiste mais ignorant les propriétés de transformations de la matière, est un matérialisme tout aussi réducteur que le réductionnisme dur. Mais le fait d'exclure les systèmes dynamiques non-linéaires notamment de l'émergence, conduit à une définition du complexe qui sous estime l'importance de la non-linéarité et prête ainsi le flanc à la confusion entre complexe et compliqué.
Typologie dichotomique
Certains chercheurs ou philosophes des sciences distinguent une émergence faible (ou épistémique) et une émergence forte (ou ontologique). Mais ces deux termes désignent des notions différentes selon les auteurs. Pour l'informaticien Hughes Bersini :
Le long de cet axe interprétatif, situant l'émergence quelque part entre un premier extrême, essentiellement épistémique, émergence n'existant que dans le regard et dans la tête de l'observateur humain, et l'autre extrême, essentiellement ontologique, émergence témoignant d'un phénomène réel, fondamentalement réel, autonome par rapport aux parties qui le constituent dans un sens qui reste à définir, et qui échappe à la science classique, les physiciens et les chimistes se concentrent tous sur l'extrémité épistémique de l'axe. [4]
Emergence épistémique
Elle reflète un émergentisme faible
Pour Hughes Bersini, l'émergence faible, celle que définissent les systèmes dynamiques non-linéaires notamment, est épistémique, car elle ne consiste qu'en un changement de niveau du regard de l'observateur depuis les parties vers le tout, changement seul à même de déceler des propriétés nouvelles qui n'existent donc pas en elles-mêmes.
Emergence ontologique
Elle reflète un émergentisme fort
Pour Hughes Bersini, l'émergence ontologique requiert toujours pour lui un observateur, qui ne peut être que la sélection naturelle.
Nous allons montrer par la suite qu'un phénomène émergera lorsqu'un ensemble d'objets en interaction propose une fonctionnalité collective nouvelle, aux « yeux » non plus uniquement d'un observateur humain, mais surtout et avant tout de la sélection naturelle, qui trouve dans ce phénomène de quoi doter l'organisme qui l'héberge d'une meilleure valeur adaptative. (2)
Il s'agit bien là d'une position philosophique qui, pour se vouloir matérialiste, ignore elle aussi la matérialité des transformations, donc la dialectique, et ne sait pas distinguer une propriété collective qui résume statistiquement des interactions et requiert un observateur (comme la pression d'un gaz) d'une propriété émergente qui fait apparaître des comportements globaux nouveaux « que nous en ayons conscience ou non ». De même Bersini réfute, au nom du matérialisme et pratiquement sans s'en expliquer la causalité descendante, ou action réciproque du tout sur les parties.
Cette influence du tout sur les parties est impossible si on choisit de s'en tenir à la vision des sciences de la nature endossée par l'essentiel des physiciens et des chimistes […] la causalité descendante serait, dans le rayon de la mauvaise science… (3)
Conceptions erronées et origines possibles
- Ne pas savoir reconnaître ou différentier les différentes formes d'énergences
- Confondre Holisme - Emergentisme:
- - La thèse émergentiste consiste à affirmer que le tout est plus que la somme de ses parties ; alors que le holisme affirme que le tout est plus que chacune de ses parties.
- - Croire que l'antireductionnisme de l'émergentisme est similaire à celui du Holisme (Réductionnisme - Holisme versus Réductionnisme - Emergentisme
- - Pensée que le holisme s'accompagne toujours d'émergence
Conceptions: Origines possibles
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Conceptions liées - Typologie
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Références
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Bibliographie
Pour citer cette page: ([26])
ABROUGUI, M & al, 2020. Emergentisme. In Didaquest [en ligne]. <http:www.didaquest.org/wiki/Emergentisme>, consulté le 21, novembre, 2024
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- ↑ Janine Guespin-Michel et Camille Ripoll in Lucien Sève et alii, 2005, op.cit.
- ↑ KIM00 : Maximilian Kistler, « La réduction, l'émergence, l'unité de la science et les niveaux de réalité » dans Matériaux philosophiques et scientifiques pour un matérialisme contemporain, Éditions Matériologiques, 2013, ISBN : 978-2-919694-51-8
- ↑ Janine Guespin-Michel et Annick Jacq, Le vivant entre science et marché, Syllepse, 2006, ISBN : 2-84950-109-3, chapitre V, Janine Guespin-Michel et John Stewart, p. 155.
- ↑ Hugues Bersini, Qu'est-ce que l'émergence ?, Ellipses, 2007, ISBN : 978-2-7298-3442-5, p. 76.