Pourquoi les femmes ont-elles des menstruations ?
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Eléments de réponse
Pourquoi les femmes ont-elles des menstruations ? Les cellules mésenchymateuses de l’endomètre de l’utérus peuvent se transformer sous l’action de stimulus mécaniques ou de la progestérone en cellules déciduales arrondies, à aspect épithélial, productrices d’hormones (prolactine) et d’une protéine de liaison du facteur de croissance insulinique (IGF, insulin growth factor). Cette transformation qui survient notamment lors de la nidation de l’oeuf fécondé est appelée décidualisation. L’endomètre devient alors la décidue. Tous les mammifères préparent une membrane spécialisée pour l'implantation de l'embryon, la différence est que la plupart des mammifères manifestent une décidualisation déclenchée, où l'oeuf fécondé lui-même est l'instigateur de cet épaississement, alors que de nombreux primates ont une décidualisation spontanée (DS), qui se produit même en l'absence d'oeuf fécondé. On peut, par exemple, induire une menstruation chez la souris. En frottant l'endomètre de la souris, elle vivra une pseudo-grossesse et fabriquera une muqueuse endométriale épaissie qui partira quand le niveau de progestérone diminuera. Donc la raison pour laquelle les souris n'ont pas de menstruation n'est pas dû au manque d'un mécanisme d'élimination de la muqueuse endométriale...c'est qu'elles le fabriquent d'abord à moins d'en avoir besoin réellement. La question est donc, pourquoi les humain(e)s ont-ils (elles) une décidualisation spontanée ? La réponse suggérée par Emera est entièrement évolutionniste, et implique un conflit mère-foetus. La mère et le fœtus ont une relation contradictoire : l'intérêt majeur de la mère est de survivre à sa grossesse pour porter à nouveau des enfants et son corps essaie donc de conserver des ressources pour le long terme. Le fœtus, d'un autre côté, bénéficie autant qu'il peut de son accaparement à sa mère, parfois au détriment de la mère. Le fœtus, par exemple, manipule les hormones maternelles pour abaisser la réponse d'insuline, donc moins de sucre est récupéré par les cellules de la mère, le rendant plus disponible au fœtus. La menstruation est la conséquence d'une auto-défense. Les femelles fabriquent cette muqueuse utérine épaissie pour se protéger et s'isoler d'un embryon gourmand et de son placenta égoïste. Pour les espèces aux embryons spécialement invasifs, il est trop tard pour attendre le moment de l'implantation – elles fabriquent donc préventivement un mur, auparavant et en cas de fécondation. Puis, si la fécondation ne se fait pas, le processus universel de réponse au déclin des niveaux de progestérone survient avec l'élimination de la muqueuse. Bonus ! Un autre processus se poursuit, la muqueuse de l'utérus est aussi un détecteur de qualité du fœtus, qui capte les anomalies chromosomiques et leur permet un avortement spontané précoce. Il y a des preuves pour cela : les femmes ont des degrés de décidualisation variables et les femmes avec une décidualisation réduite se retrouvent plus souvent enceintes, mais ont donc aussi plus souvent des fausse-couches. Avoir un utérus préparé est non seulement une aide pour repousser des fœtus trop agressifs, mais il permet aussi à la mère une meilleure capacité dans le choix de porter ou non à terme le fœtus. Les auteurs proposent aussi un mécanisme sur la manière dont la menstruation a pu évoluer, et cela implique une assimilation génétique. Une assimilation génétique est un processus qui commence par un phénotype* induit par l'environnement (dans ce cas, la décidualisation en réponse à une implantation), qui est ensuite renforcé par des mutations génétiques qui stabilisent le phénotype – le phénotype d'abord, suivi par une sélection dans les mutations qui renforce le phénotype. Phénotype : Ensemble des caractères observables d'un individu. Le phénotype correspond à la réalisation du génotype (expression des gènes) mais aussi des effets du milieu, de l'environnement. Emera écrit : « Les résultats d'expériences comme celles décrites au-dessus élucideront le chemin évolutionniste entre une décidualisation spontanée et celle qui est induite, nous autorisant à répondre à des questions restées longtemps sans réponse concernant la signification évolutionniste de la menstruation. Elles donneront en outre un aperçu mécaniste qui pourrait être utile dans le traitement de maladies courantes de la reproduction, comme l'endométrios, le cancer de l'endomètre, la prééclampsie et les fausses-couches récurrentes. Ces maladies impliquent des réponses dysfonctionnelles de l'endomètre pendant le cycle menstruel et la grossesse. Clarifier ainsi les mécanismes d'une réponse endométriale normale aux hormones maternelles, c'est à dire la DS, aidera à identifier les gènes fonctionnant anormalement chez les femmes ayant ces maladies. Une analyse de la manière dont est apparue la DS dans l'évolution peut aider à identifier ces mécanismes moléculaires critiques. » Évolution, assimilation génétique, prédiction à partir d'une hypothèse évolutionniste et des applications biomédicales intéressantes...
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