Nature - Ethique écocentrée

De Didaquest
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Pour trouver une solution à l’écueil du biocentrisme sans pour autant retomber dans une éthique anthropocentrée, laquelle semble exclure la possibilité même d’une fin en soi dans la nature, certaines approches contemporaines proposent un dépassement de l’opposition traditionnelle entre nature et culture par la fondation d’une véritable éthique environnementale : l’homme profite des services rendus par la nature, ses productions peuvent et doivent s’intégrer à la régénération des milieux naturels, à l’entretien de la biodiversité. On renoue ainsi avec des visions holistes d’une nature qui englobe la culture et qui constitue son cadre d’existence. Il s’agit donc de penser l’homme dans la nature, en admettant à la fois ses besoins, son action prédatrice – à l’image du fonctionnement même de la nature – et de la possibilité d’une forme de respect envers une valeur intrinsèque de la nature.

  • La solution proposée par J. Baird Callicott et analysée par Catherine Larrère pour doter la nature d’une valeur intrinsèque compatible avec l’existence humaine s’appuie sur deux arguments : il s’agit tout d’abord de proposer non un respect de chaque élément, mais un respect des ensembles composant la nature : un respect de la forêt plus que de l’arbre, un respect des espèces vivantes plus que des individus.

La valeur intrinsèque conférée à la nature porte donc sur le tout, et non sur chaque partie. Le fait de tuer un animal, qui plus est à des fins utilitaires, par exemple pour s’alimenter, et en conscience de l’état général de l’espèce, ne remet ainsi pas en cause le respect que l’on peut avoir du vouloir être collectif de cette espèce ni l’attention, voire l’aide, que l’on peut porter par ailleurs { sa perpétuation.

  • Le second argument vient expliquer comment conférer une valeur intrinsèque à la nature, c’est à dire à un ensemble plutôt qu’{ chaque individu. S’il semble impossible de considérer chaque être vivant dans la nature comme une fin en soi, il n’est guère plus évident de considérer une espèce entière possédant sa propre valeur intrinsèque. C’est encore moins évident pour les éléments abiotiques comme l’air, l’eau, les minéraux… : il n’y a pas de «vouloir vivre» des pierres ou de l’eau.

Une solution est alors apportée : la nature n’a pas véritablement une valeur en soi, mais c’est l’homme qui projette en elle une valeur intrinsèque, à l’image de celle qu’il reconnait en chacun de ses pairs. Cette projection n’est pas de l’ordre de la raison, comme voulait le faire le biocentrisme ; elle est au contraire de l’ordre du sentiment moral. L’éthique environnementale écocentré est donc une extension de l’éthique qui se fonde sur l’attirance qu’ont les hommes envers la nature. L’émotion éprouvée face à la contemplation des éléments naturels, la fascination envers la compléxité des stratégies du vivant suffit à justifier un respect moral envers la nature à doter d’une sorte de valeur en soi. C’est ainsi grâce aux progrès de la connaissance sur les objets de la nature ou sur le vivant, grâce à une proximité croissante des hommes avec les mécanismes et les processus observés dans la nature, que s’instaure un cercle vertueux : connaître la nature entraîne une passion pour l’objet d’étude, une affection sensible, bref, une forme de sentiment amoureux qui se traduit, au final, par un respect moral au quotidien.

Que cette éthique repose sur un lien affectif avec la nature explique un certain nombre de courants artistiques naturalistes et se rapproche du rapport au monde des civilisations extra européennes, qu’il s’agisse de la lecture des paysages dans la tradition chinoise (feng shui), ou des approches totémiques et animistes (croyance selon laquelle toute chose à une âme), capables de dépasser la dichotomie européenne entre nature et culture (P. Descola 2005). Il existe un lien fort avec les éléments qui fondent le cadre de vie et organisent le rapport de l’individu { son environnement.

Dans l’éthique écocentrée, le respect de la nature est intrinsèquement lié à la connaissance fine du vivant et à la re-connaissance d’une qualité esthétique de la nature. Ce respect intellectuel, esthétique et affectif est la source du sentiment d’appartenance symbiotique de l’individu et des productions humaines à une communauté morale du vivant. On doit par conséquent être prudent: l’idée même de protéger la nature se réfère à des conceptions multiples de ce qu’est la « nature ». Le premier but évident, de tout espace protégé porte généralement sur la dimension matérielle et objective de la nature : il faut préserver la fonction écologique ou la rareté de tel ou tel élément soumis à protection. Cependant, derrière ce message s’expriment plusieurs conceptions possibles de la valeur éthique de la nature, lesquelles vont alors orienter sensiblement les buts et modalités pratique de la protection.