Dénotation - Connotation

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En linguistique le sens ou signifié dénotatif, la dénotation, s'oppose au sens ou signifié connotatif, la connotation. La dénotation désigne ce à quoi le signe fait référence. La connotation désigne tous les éléments de sens qui peuvent s'ajouter à cette référence. Le champ de la connotation est difficile à définir car il recouvre tous les sens indirects, subjectifs, culturels, implicites et autres qui font que le sens d'un signe se réduit rarement à ce à quoi il fait référence. Définir la connotation est si difficile qu'on en arrive parfois à la définir comme tout ce qui dans le sens d'un mot ne relève pas de la dénotation.

Par exemple, si on s'intéresse au mot flic, le sens dénotatif est le même que celui de policier. Mais à ce sens s'ajoutent des connotations péjoratives et familières. Un même mot pourra donc avoir des connotations différentes en fonction du contexte dans lequel il est utilisé. Ainsi la couleur blanche connote la pureté et le mariage pour un Européen, le deuil pour un Extrême-Oriental.

Attention à ne pas confondre l'opposition entre dénotation et connotation avec l'opposition entre sens propre et sens figuré qui relève d'un phénomène de polysémie et non d'une complexification du sens d'un même mot dans un même emploi.

Histoire de la notion de connotation

Cette notion est utilisée par la grammaire de Port-Royal. Elle sert à désigner le fonctionnement de l'adjectif par opposition au fonctionnement du substantif. En effet la grammaire de Port Royal oppose les substantifs qui renvoient à des substances identifiables et les adjectifs qui renvoient à des propriétés. Mais elle se heurte à des mots comme humain ou blancheur dont la catégorie grammaticale ne recoupe pas le fonctionnement sémantique. Elle explique donc que l'adjectif connote l'existence d'individus indéterminés auxquels la propriété pourrait convenir. L'adjectif humain connoterait donc l'existence d'hommes tel que l'entend le substantif homme[1].

En fait, les termes connotation et dénotation ont d'abord été utilisés en logique (par Stuart Mill par exemple) comme synonymes de compréhension et extension au sens mathématique du terme (c'est-à-dire pour désigner les propriétés communes aux éléments d'un ensemble d'une part et la liste de tous ces éléments de l'autre).

C'est Louis Hjelmslev qui va infléchir le sens de ces deux termes en les employant, l'un comme synonyme de signification (dénotation) et l'autre pour dédigner ce qui se passe quand un langage reçoit un signification seconde (connotation). Ainsi, pour reprendre un exemple de Gérard Genette, le terme "bignole" peut être utilisé pour désigner une concierge (on dit qu'il la dénote), mais l'usage de ce terme particulier plutôt que "concierge" signifie également quelque chose : que le locuteur use du langage familier (on dit qu'il connote ce langage).

Ainsi compris, la notion de connotation ne s'applique strictement parlant qu'aux phénomènes de niveaux de langue ou de régionalismes. C'est à Roland Barthes (dans S/Z) que revient le soin d'élargir la notion jusqu'à son sens actuel, en faisant de la connotation une sorte de sens affectif, une valeur communément ajoutée à un mot par les locuteurs. Pour lui cependant, la connotation n'existait que si elle était exploitée par le texte, une condition dont les auteurs suivants se sont affranchis. Ainsi, on dira couramment que "blanc" connote la pureté, la virginité, même si l'auteur n'exploite pas cette symbolique.connatation exprime une valeur symbolique pour les auteurs comme chateaubriand (levee vous orage desirée)

Fonctionnement de la connotation en analyse sémique

En sémantique, on appelle sèmes les divers éléments qui composent le sens d'un mot. On distingue parfois les sèmes dénotatifs des sèmes connotatifs. Les sèmes dénotatifs renvoient alors aux éléments de définition partagés par tous les locuteurs alors que les sèmes connotatifs pourront être différents pour un même mot suivant le contexte et l'identité du locuteur. Ainsi gueule appliqué à un humain a le sème dénotatif « orifice » et le sème connotatif « populaire ».[2]

Causes possibles du processus connotatif

Le phénomène de connotation ne vient pas nécessairement du signe lui-même. Il peut naitre de la manière dont se signe est utilisé. On peut ainsi distinguer plusieurs facteurs à l'origine d'une connotation[3] :

  • Le jeu sur les sons : la connotation peut naitre de la manière de prononcer (accents etc.) ou de phénomènes sonores comme la rime ou la paronomase.
  • Phénomènes prosodiques : ryhtme, intonation, débit etc. Ils permettent de mettre en valeur certains mots, d'en souligner tel ou tel aspect.
  • La construction syntaxique : telle ou telle structure de phrase peut ainsi évoquer un niveau de langue ou même un contexte culturel particulier.
  • Les connotations intrinsèques au signifiant lui-même : certains mots portent en eux une valeur axiologique intrinsèque : ils indiquent obligatoirement le point de vue du locuteur. C'est le cas pour les mots péjoratifs et mélioratifs, par exemple. Les connotations de stupide, par exemple, ne peuvent être que négatives mais elles renvoient à la même notion qu'inintelligent, qui se montre plus neutre.
  • Les associations d'idées : pour des raison culturelles ou simplement psychologiques, un signe peut se charger pour certaines personnes de connotations qu'il n'aura pas pour d'autres.

Types d'information que peuvent ajouter les connotations

Les sèmes connotatifs ajoutent au sens dénotatif des informations de nature diverse :

  • Ils permettent d'identifier dans quelle sous-langue on se situe : informations concernant la région du locuteur, le niveau de langue qu'il adopte, l'époque à laquelle il écrit etc.
  • Ils permettent d'identifier dans quel contexte idéologique on se situe : identification des présupposés d'un discours, vocabulaire marqué par une idéologie particulière etc.

« Connotation » : un exemple d’analyse sémique

(Cette section est destinée à clarifier la notion de connotation, en vue d'une refonte ultérieure de l'article).

À partir d’une analyse componentielle d’un article de Jean Molino sur la connotation, paru dans la Revue Linguistique (PUF, 1971, fascicule I, pp 5-30), Roger Mucchielli [4] dégage nettement quatre conceptions distinctes du terme (à rapprocher de l'histoire du terme, voir plus haut) :

  1. la conception « logico-linguistique » [5], ou « compréhension » (l’ensemble de ce qu’on peut dire en vérité de la réalité désignée par un mot, soit par perception directe, soit par le savoir) - c'est la première conception, historiquement parlant ;
  2. la conception « psychologique », ou « association d’impressions personnelles (l’ensemble des impressions, jugements affectifs etc. associés subjectivement par un individu singulier au sens intellectuel d’un mot) - c'est la conception dominante aujourd'hui, à la suite de Roland Barthes ;
  3. la conception « situationnelle-linguistique », ou « signification subculturelle et situationnelle » (le sens particulier d’un mot lorsqu’il est employé par un sous-groupe dans certaines circonstances). Cet usage signale l’appartenance du locuteur à ce sous-groupe - c'était ainsi que la voyait Louis Hjelmslev ;
  4. la conception « sociopolitique », ou « valeurs sociopolitiques de référence » (le second sens caché d’un mot utilisant le sens intellectuel premier pour faire passer une idéologie, des intérêts historiques de classe, des valeurs politiques ou des mythes du groupe auquel appartient le locuteur).

Bibliographie

  • Philippe Dubois, article « Connotation » dans L'Encyclopædia universalis.
  • Catherine Kerbrat-Orecchioni, La Connotation, P.U.L., Lyon, 1977.
  • Roger Mucchielli, L’analyse de contenu, Éd. ESF, 2006 (ISBN 2-7101-1764-9).


Liens externes

  1. Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Oswald Ducrot et Jean-Marie Schaeffer, Points, essais, 1999, p. 446
  2. L'ensemble des sèmes connotatifs correspond à ce que B. Pottier appelle le virtuème d'après Introduction à la lexicologie de Alice Lehmann et Françoise Martin-Berthet.
  3. Voir l'article « Connotation » dans Encyclopædia universalirs
  4. Roger Mucchielli, L’analyse de contenu, Éd. ESF, 2006 (ISBN 2-7101-1764-9)
  5. Muchielli présente cette conception comme « soutenue historiquement par la scolastique, la grammaire de Port-Royal, Jacques Maritain, etc. ».