Différences entre versions de « Grottes et paysages souterrains »

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Les grottes pouvaient également être utilisées comme bains : au Palais Te, le Casino della Grotta comporte une loggetta (petite loggia) et une suite de pièces entourant une grotte. Les convives pouvaient s'y changer, avant d'aller se baigner sous la petite cascade tombant sur un sol de galets et de coquillages maçonnés à même le sol et les parois.
 
Les grottes pouvaient également être utilisées comme bains : au Palais Te, le Casino della Grotta comporte une loggetta (petite loggia) et une suite de pièces entourant une grotte. Les convives pouvaient s'y changer, avant d'aller se baigner sous la petite cascade tombant sur un sol de galets et de coquillages maçonnés à même le sol et les parois.
 
Les grottes artificielles étaient des lieux de recueillement privilégiés ; elles ont servi de chapelles ou, comme à la Villa Farnèse de Caprarola, de petit théâtre au décor grotesque. Elles étaient souvent associées à des fontaines en cascade dans les jardins de la Renaissance.
 
Les grottes artificielles étaient des lieux de recueillement privilégiés ; elles ont servi de chapelles ou, comme à la Villa Farnèse de Caprarola, de petit théâtre au décor grotesque. Elles étaient souvent associées à des fontaines en cascade dans les jardins de la Renaissance.
La grotte des Pins, construite vers 1543 sous la conduite de Sebastiano Serlio ou de Primatice au château de Fontainebleau, est l’une des premières grottes artificielles de France. La grotte ou salle des rocailles de la Bastie d’Urfé, qui existe toujours, fut bâtie vers 1550. Le château de Meudon eut son « palais de la Grotte » conçu par Primatice à partir de 1559, à la voûte peinte et ornée de rocailles. On en possède des descriptions et représentations. Catherine de Médicis fit créer au moins deux grottes, l’une par Philibert Delorme, en 1557-1558, pour le château de Montceaux ; l’autre, édifiée à partir de 1566, dans le jardin des Tuileries, par Bernard Palissy, fut célèbre en son temps. Palissy a laissé une description très précise de son projet (« …je feray plusieurs bosses à mon rocher, le long dudit fossé, sur lesquelles bosses je mettray plusieurs grenouilles, tortues, chancres, escreuisses, et un grand nombre de coquilles de toutes especes, à fin de mieux imiter les rochers.»10). Il y a aussi des grottes dans les jardins d’André Le Nôtre à Versailles. La grotte du château des Gondi à Noisy-le-Roi (bâtie à partir de 1582) nous est connue notamment par une gravure de Jean Marot (1654). Elle était ornée de « congélations » (stalagmites ou stalactites) et de coquillages. Construite à la fin du xviie siècle, la grotte de la nymphée de Viry-Chatillon, au décor de rocailles et coquillages, est toujours visitable (21, rue Maurice-Sabatier ).
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La grotte des Pins, construite vers 1543 sous la conduite de Sebastiano Serlio ou de Primatice au château de Fontainebleau, est l’une des premières grottes artificielles de France. La grotte ou salle des rocailles de la Bastie d’Urfé, qui existe toujours, fut bâtie vers 1550. Le château de Meudon eut son « palais de la Grotte » conçu par Primatice à partir de 1559, à la voûte peinte et ornée de rocailles. On en possède des descriptions et représentations. Catherine de Médicis fit créer au moins deux grottes, l’une par Philibert Delorme, en 1557-1558, pour le château de Montceaux ; l’autre, édifiée à partir de 1566, dans le jardin des Tuileries, par Bernard Palissy, fut célèbre en son temps. Palissy a laissé une description très précise de son projet (« …je feray plusieurs bosses à mon rocher, le long dudit fossé, sur lesquelles bosses je mettray plusieurs grenouilles, tortues, chancres, escreuisses, et un grand nombre de coquilles de toutes especes, à fin de mieux imiter les rochers.). Il y a aussi des grottes dans les jardins d’André Le Nôtre à Versailles. La grotte du château des Gondi à Noisy-le-Roi (bâtie à partir de 1582) nous est connue notamment par une gravure de Jean Marot (1654). Elle était ornée de « congélations » (stalagmites ou stalactites) et de coquillages. Construite à la fin du xviie siècle, la grotte de la nymphée de Viry-Chatillon, au décor de rocailles et coquillages, est toujours visitable (21, rue Maurice-Sabatier ).
Les Nymphées étaient aussi souvent ornés de rocailles et de coquillages : on peut mentionner ceux du Château de Gerbéviller, du Séminaire Saint-Sulpice (1609-15)11 ; de la Villa Giulia (ainsi que du Parc de Reynerie et de la Villa d'Este). La Grotte-Nymphée de Villa Nichesola-Conforti (Ponton de Sant'Ambrogio di Valpolicella, Vérone) reprend l'idée ancienne de nymphée et présente des ornements à la fresque et une mosaïque au sol.
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Les Nymphées étaient aussi souvent ornés de rocailles et de coquillages : on peut mentionner ceux du Château de Gerbéviller, du Séminaire Saint-Sulpice (1609-15 ; de la Villa Giulia (ainsi que du Parc de Reynerie et de la Villa d'Este). La Grotte-Nymphée de Villa Nichesola-Conforti (Ponton de Sant'Ambrogio di Valpolicella, Vérone) reprend l'idée ancienne de nymphée et présente des ornements à la fresque et une mosaïque au sol.
 
En Angleterre, l’une des plus anciennes grottes artificielles est celle de Wilton House, construite dans les années 1630, sans doute par Isaac de Caus.
 
En Angleterre, l’une des plus anciennes grottes artificielles est celle de Wilton House, construite dans les années 1630, sans doute par Isaac de Caus.
 
Construite fin xviie siècle, la grotte du Palazzo Corsini (Via del Parione, Florence) (en) fut confiée à Antonio Maria Ferri et décorée par Carlo Marcellini (stucs et incrustations) et les peintres Rinaldo Botti et Alessandro Gherardini.
 
Construite fin xviie siècle, la grotte du Palazzo Corsini (Via del Parione, Florence) (en) fut confiée à Antonio Maria Ferri et décorée par Carlo Marcellini (stucs et incrustations) et les peintres Rinaldo Botti et Alessandro Gherardini.
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= Formation des grottes =
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Une grotte, c'est d'abord une salle souterraine naturelle qui possède au moins un accès. Il ne sagit pas d'un endroit totalement fermé mais confiné. C'est également une vraie usine chimique. En effet, la température ne varie quasiment jamais, le pourcentage d'humidité dans l'air avoisine les 100 % et le taux de gaz carbonique y est très élevé. Ces conditions sont radicalement différentes de celles rencontrées sur terre, et leur équilibre est fragile.
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'''Une histoire d'eau'''
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Elles ne se forment pas du jour au lendemain. Il s'agit d'un processus très long, reposant sur une simple question d'infiltration. En fait, les eaux de pluie ou de fonte des neiges (acides et riches en minéraux) vont réussir à pénétrer les failles existantes des roches ou les attaquer superficiellement. Ce phénomène est appelé corrosion.
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Précisons que les grottes ne peuvent pas se former partout. Elle ne peuvent être creusées que dans des sols particuliers : les calcaires (roches dites tendres) qui ne vont pas résister à l'action chimique de l'eau.
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Au fil des années, l'eau va dissoudre et attaquer la roche , la fragiliser, l'user jusqu'à l'apparition d'une grande zone de vide. L'eau sculpte la grotte dans le calcaire et évacue les débris vers l'extérieur.
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L'eau dissout le calcaire et au fur et à mesure se forme une grotte.
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'''Les grottes et leur décor naturel'''
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L'eau crée la grotte et assure son bon maintient. Elle est aussi responsable de son décor naturel. Même si l'on ne parvient jamais à se souvenir que c'est le stalactite qui tombe et le stalagmite qui monte, nous les connaissons au moins de vue car on en observe pratiquement dans toutes les grottes.
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Leur apparition est aussi due à l'eau, sous forme de gouttes cette fois. Les grottes sont extrêmement humides donc l'eau suinte toujours, au plafond comme au sol. Une goutte d'eau va perdre sa partie calcaire avant de tomber, la laissant au plafond sous la forme d'un micro-anneau. L'accumulation de ces anneaux va former un stalactite. Les stalagmites se forment de la même manière, mais depuis le sol. Ces formations forment une colonne stalagmitique lorsqu'elles se rejoignent.
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Le karst est le nom de la structure formée par l'érosion hydrochimique et hydraulique des roches. Principalement observée sur les roches friables comme le calcaire, l'érosion karstique permet de mieux comprendre le processus de formation de certaines grottes.
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Le système karstique provient en effet d'une structuration spatiale et temporelle d'un ensemble de vides creusés au détriment de discontinuités dans une masse rocheuse grâce à une dissipation d'énergie (Y. Quinif, 1998)
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Cette dissipation d'énergie résulte de la transformation de trois types d'énergie :
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La transformation de l'énergie chimique. Elle est la dissolution de la roche avec production d'ions Ca++, Mg++, HCO3-... et de solides : argiles, grains divers. L'intensité de la transformation dépend de la concentration de CO2 et d'autres acides.
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La transformation de l'énergie potentielle. Elle comprend l'évacuation des produits ainsi qu'une production de chaleur par la viscosité du liquide soumises à deux paramètres : différence d'altitude entre l'entrée et la sortie et débit d'eau.
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La transformation de l'énergie mécanique. Elle cause la fracturation du massif, et la surrection du massif (si elle a lieu) accroît l'énergie potentielle : il faut de l'altitude pour un karst ! L'ensemble des discontinuités permet le transit des eaux par voie souterraine : joints, fentes de tension, diaclases, failles. Seules certaines discontinuités sont karstifiées à cause de l'anisotropie des contraintes qui s'exercent sur le massif. Thermodynamiquement, le système est ouvert et l'entropie du système décroît au cours du temps.
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== L'érosion par dissolution du calcaire ==
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L'altération chimique joue un grand rôle car elle est à la base du départ de matière hors du système (D. Ford et P. Williams, 1989). Le départ de matière par action mécanique est mineur et n'agit que si la karstification est assez développée pour permettre une circulation torrentielle de l'eau au sein du système.
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Les zones où affleure le calcaire (constitué principalement de calcite) ont une morphologie si particulière que l'on peut les identifier directement sur une carte : réseau hydrographique lâche, cours d'eau assez importants au fond de canions, les sources sont souvent grosses, les cours d'eau disparaissent brusquement, la surface est désordonnée, les dépressions sont irrégulières et souvent fermées. Un autre aspect est important même s'il n'est pas visible directement sur la carte c'est le nombre de gouffres et de conduits souterrains. Ce paysage est tellement typique qu'il a ses propres noms : leisines dans le Jura, causses dans le Languedoc, karst en ex-Yougoslavie...
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Outre les innombrables diaclases et fissures du calcaire qui donnent à la roche une « perméabilité de fissures » il y a les phénomènes de dissolution (corrosion du calcaire).
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L'eau pure ne peut renfermer que 15 mg de calcaire par litre, c'est très peu et le calcaire est considéré comme peu soluble en chimie ! Mais si la pluie acquiert du CO2 en traversant l'atmosphère, elle peut dissoudre jusqu'à 60 à 80 mg de calcaire, cette concentration étant très inférieure à celle des sources qui dépasse souvent 200 mg. Ceci signifie que l'eau s'enrichit en gaz carbonique dans le sol dont l'atmosphère peut contenir jusqu'à 10 % de CO2 à cause de l'activité biologique ! N'oublions pas non plus que le CO2 est plus soluble dans l'eau froide.
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== Une sursaturation en calcaire ==
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Les réactions sont lentes, le système n'est donc jamais en équilibre chimique et les cas de sursaturation sont fréquents. Les facteurs de la corrosion sont : le climat, de préférence pluvieux tempéré froid (comme dans le Jura), la fissuration de la roche, la présence de sol, l'érosion biologique (racines). Ces phénomènes, apparemment lents, quand on essaie de quantifier les choses, donnent des chiffres ahurissants. Des géochimistes ont étudié la géologie du Jura et estiment que l'abaissement de la chaîne de montagne, dû à la karstification, est de 500 m depuis son érection ! Soit 0,1 mm/an en ablation totale et 0,5 mm/an en ablation superficielle.
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== La crypto-altération de la roche ==
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La '''crypto-altération''' est l'altération de la roche au contact d'une autre formation perméable non karstifiable de couverture. Ce processus se produit généralement lorsqu'une formation sableuse repose sur le substratum karstifiable. La disparition de matière par dissolution du carbonate entraîne un enfouissement progressif de la couverture non karstifiable avec formation de morphologies de type marais. Il n'y a pas de vide résultant de ce processus.
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Une '''sédimentation''' continentale particulière voit l'apparition de tourbe ou lignite formant les tourbières. Une géochimie particulière en est une conséquence importante, où la silice et l'alumine peuvent être solubilisées dans des milieux à pH très faibles avec des néogenèses de type halloysite, phosphates, oxydes et hydroxydes complexes d'aluminium et de fer. Ces cryptokarsts peuvent renfermer d'importants gisements de fer...
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La '''fantômisation''', de son côté, est l'altération isovolumique. La roche est devenue non cohérente, très poreuse, par disparition d'éléments solubles et conservation in situ des éléments moins solubles. Les vides souterrains résultants sont des pores et non des conduits. La fantômisation se déroule à partir de la surface per descensum. Plus bas, ces structures se prolongent sous la forme de galeries colmatées. Mais ici, le colmatage est le résidu in situ de l'altération car cette structure n'a jamais été vide.
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Image:Comment se déroule la formation des grottes .JPEG.jpg| Comment se déroule la formation des grottes
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'''Des lieux privilégiés mais ...'''
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Un monde souterrain où tous nos repères s'effacent, la grotte a toujours été un endroit privilégié. Abris naturels, elles hébergent parfois des groupes animaux ou humains. Vers la fin des temps préhistoriques, et encore aujourd'hui dans certaines régions, elles ont été les supports naturels de peintures et de gravures (grottes de Lascaux, de Chauvet et Cosquer, pour ne citer que quelques exemples français).
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Préservées pendant des millénaires, certaines sont menacées de disparaître. En effet, leur découverte et leur ouverture au public ont entraîné de lourds bouleversements dans leur équilibre chimique. Les taux de gaz carbonique augmentent, l'humidité baisse etc. Cela entraine la prolifération de bactéries et de champignons susceptibles de détruire les peintures.
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Si l'eau continue à s'infiltrer encore après sa formation, la grotte est dite active. De nouvelles salles peuvent se créer, plafond et parois peuvent s'effondrer, les grottes sont des lieux en constante évolution.
  
  

Version du 3 janvier 2021 à 04:04


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