Différences entre versions de « Normes et principes - Yvon Pesqueux »

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« naturels » et à celle de la loi « positive », alliance d’une référence à des principes et à
 
« naturels » et à celle de la loi « positive », alliance d’une référence à des principes et à
 
des visées pratiques.
 
des visées pratiques.
 +
  
 
Si l’un des principes de la loi est son caractère universel (application à tous dans les
 
Si l’un des principes de la loi est son caractère universel (application à tous dans les
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La question de l’adaptation territoriale de la loi conduit à accepter l’idée de réponse
 
La question de l’adaptation territoriale de la loi conduit à accepter l’idée de réponse
 
spécifique suivant la nature des enjeux et des situations locales compte tenu de la
 
spécifique suivant la nature des enjeux et des situations locales compte tenu de la
légitimité néo-libérale accordée à la notion d’autonomie qui reconnaît l’existence  
+
légitimité néo-libérale accordée à la notion d’autonomie qui reconnaît l’existence éventuelle d’une évolution plus rapide aux sous-ensembles constitutifs de la société
 +
comparativement au cadre collectif public sans pour autant passer aux logiques de
 +
normes.
 +
 
 +
 
 +
Les débats qui viennent d’être évoqués peuvent être considérés comme étant constitutifs
 +
de ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler de la hard law (framework, cadre) qui,
 +
indépendamment de la substance juridique de la loi (qu’il s’agisse des pays de droit écrit
 +
dans la tradition qualifiée de « napoléonienne » ou de pays de droit coutumier dans la
 +
tradition qualifiée d’« anglo-américaine ») se distingue aujourd’hui de la soft law, même
 +
si une analyse un peu hâtive tend à ramener la soft law aux régimes juridique angloaméricains. Si elle en est redevable parce qu’elle s’y est développée, il faut en effet la
 +
situer sur un autre plan. La puissance de la soft law est en effet plus redevable des
 +
catégories du « moment libéral » et de leur américanité que de leur lien avec un système
 +
juridique donné. La soft law apparaît en effet au-delà des obligations légales, sur la base
 +
d’initiatives au départ purement volontaires, en liaison avec le thème du lobby. Il en va
 +
ainsi, par exemple, de la très curieuse substance juridique de la Corporate Governance
 +
alors même que tous les attributs de la juridiction des sociétés anonymes en permettaient
 +
le fonctionnement dans le cadre de la hard law. A ce titre, la Corporate Governance
 +
constitue, en quelque sorte, la soft law de la hard law qui est celle qui régit le statut
 +
juridique des sociétés de capitaux. Mais la soft law est aussi autre chose qu’une forme
 +
de codification d’un jeu social puisque le substantif de law tend à lui conférer des
 +
attributs juridiques. La soft law se caractérise par des sources d’inspiration extrajuridiques (éthiques, par exemple) et une « codification – normalisation » qui vient lui
 +
donner une coloration juridique. Les sources d’inspirations se réfèrent souvent à des
 +
intérêts (prévenir le risque d’une crise de réputation par exemple). A défaut d’une
 +
réputation qu’elle peuvent légitimer, avec la Corporate Governance, les entreprises
 +
comme territoire institutionnel construisent les critères de légitimation de leur
 +
réputation.
 +
 
 +
 
 +
C’est d’ailleurs à partir de cette dualité que s’est ancrée, depuis 2004, la thématique du
 +
Doing Business (et du Creating Jobs) de la Banque Mondiale2
 +
qui fait entrer la
 +
perspective de l’efficacité économique du droit dans celle de la privatisation, visant là une des institutions centrales de toute société sur la base d’une perspective normative (le
 +
droit doit servir d’abord les intérêts des investisseurs, le marché étant considéré comme
 +
ayant valeur normative). Le Doing Business a tendu à générer une classification des
 +
droits sur la base du critère d’efficacité économique mesuré de façon empirique,
 +
ajoutant ainsi un critère supplémentaire (qu’elle suggère de rendre premier) aux
 +
distinctions culturalistes classiques (Common Law, droit « napoléonien », droit
 +
germanique, droit scandinave, etc.). On parlera alors d’investment-friendly environment,
 +
d’international best practices… et de productivité « agressive » du système juridique.
 +
Cette perspective est bien en relation avec des traits du « moment libéral » soulignés
 +
plus haut : utilitarisme, pragmatisme, positivisme. Le reproche générique adressé à cette
 +
perspective est d’être un processus d’auto-validation d’hypothèses normatives sousjacentes dans une logique économique prescriptive. Au nom de cet économisme, le droit
 +
peut être considéré dans les catégories d’un système de production qui est considéré
 +
comme favorable à partir du moment où il maximise la richesse créée. Les études de cas
 +
et les analyses chiffrées prennent le pas sur toute autre considération, leur aspect
 +
apparemment « objectif » tenant lieu d’objectivité, le tout dans la logique non discutable
 +
du benchmarking entre des régimes juridiques. L’opportunisme est à la base de la
 +
conception de l’individu ainsi considéré, dans le droit fil d’un individualisme
 +
méthodologique réduit, les régimes juridiques étant considérés comme ayant pour
 +
objectif de réduire quatre types de coûts : celui du fonctionnement du système juridique,
 +
celui de l’imprévisibilité en matière de décisions juridiques, celui l’efficacité des
 +
ressources investies pour tromper le tribunal, celui de l’inefficacité de son adéquation
 +
aux changements économiques.
 +
 
 +
 
 +
Différents arguments permettent en effet de critiquer cette perspective du Doing
 +
Business :
 +
:- C’est au nom de l’efficacité attendue du droit dans sa capacité à développer les
 +
affaires que, dans le droit-fil de l’Etat minimal, la Banque Mondiale fonde
 +
l’injonction à la simplification à la fois des procédures et du droit. Le droit s’inscrit
 +
dans la rationalité compte tenu des détours liés à la société, à la religion, à la culture,
 +
devenus « opiums » du peuple. Le droit y est finalement perçu comme une contrainte
 +
négative venant peser sur l’activité économique alors mise au centre de toutes les
 +
attentions. A l’inverse, un faible degré de réglementation est a priori considéré
 +
comme favorable au déploiement de l’efficience. « Common Law countries regulate
 +
the least. Countries in the French Civil Law tradition the most ». La Common Law
 +
se trouve implicitement dispensée de faire ses preuves dans la mesure où ce régime constitue le référentiel implicite alors que le French Civil Law le doit. Par
 +
conséquent, le « juge – fonctionnaire » se trouve stigmatisé.
 +
- Cette conception contribue aussi au simplisme qui tend aujourd’hui, au nom du
 +
pragmatisme, à devenir une source majeure de légitimité.
 +
- C’est la figure de l’investisseur qui se trouve représentée comme essentielle,
 +
conduisant à une normativité restrictive du droit mais dans une idéologie sécuritaire
 +
(des investissements !). Cette position se situe dans le droit fil des travaux de
 +
certains économistes cherchant à fonder l’existence d’une corrélation positive entre
 +
variable juridiques et variables économiques (sous le postulat de la supériorité du
 +
régime de Common Law)
 +
4
 +
.
 +
- Dans la tradition de la conception libérale anglaise du XVIII° siècle, tradition
 +
corrigée des aspects de la discrimination positive de la pensée néo-libérale
 +
américaine de la fin du XX° siècle (avec les théories de l’équité), la perspective du
 +
droit est aussi d’en faire un droit éducateur des pauvres à accepter d’entrer dans la
 +
vie économique comme salariés ou comme entrepreneurs au nom de la valorisation
 +
de leurs intérêts et de leur propriété… dans le droit fil de l’idéologie propriétariste.
 +
La primauté accordée à l’individualisme prend le pas sur tout le reste.
 +
- En cohérence avec l’acception dogmatique de la mondialisation, cette perspective
 +
devrait favoriser une convergence des droits. Mais elle acte aussi la supériorité de la
 +
place financière américaine et de ses catégories juridiques. Elle contribue donc à sa
 +
promotion.
 +
- En favorisant les affaires, il s’agit de mettre en oeuvre la vulgate par laquelle la
 +
richesse des entreprises fait la richesse des nations. Le droit s’inscrit dans la logique
 +
du bénéfice qu’il devrait apporter aux individus.
 +
- Compte tenu de cela, il est également mis en avant le respect du principe de liberté
 +
des Etats dans leur vocation à introduire une telle réforme du droit dans une logique
 +
où le changement institutionnel est considéré comme du changement
 +
organisationnel. Le document « éducateur » de la Banque Mondiale parle d’ailleurs
 +
de pays « clients » et fonde une sorte de concurrence entre les pays dans leur
 +
capacité à attirer les investisseurs, faisant du droit un instrument de puissance.
 +
La perspective du Doing Business se trouve très en porte-à-faux avec la conception
 +
française du droit qui en fait l’expression de la volonté générale dans le but de stabiliser
 +
les rapports entre citoyens au regard de concepts tels que le contrat, l’obligation, la société…5
 +
, concepts de légitimation plus qu’instruments de coopération entre les
 +
individus, instruments construits dans la logique de l’efficacité dans une sorte
 +
d’apologie de la flexibilité. Par la métrique qui est la sienne, le Doing Business aplatit
 +
les différences entre les systèmes juridiques et tend à considérer le droit, non comme
 +
une institution mais comme une accumulation de mesures éparses dans le projet de sa
 +
désinstitutionnalisation. M.-A. Frison-Roche souligne que « la présentation ainsi faite
 +
du droit négligerait ce qui est sa raison d’être, à savoir l’institution de la personne,
 +
comme ce qui est à la fois commun à tous les êtres humains et incommensurable à
 +
chacun. Or, l’analyse économique du droit, et la théorie de la régulation qui en est
 +
proche, se passe de cette notion et en cela réduit l’être humain à sa naturalité, sa
 +
personnalité mise à nu, favorisant ainsi une emprise sans limite »
 +
6
 +
. Une telle conception
 +
du droit ne se réfère pas à des valeurs autres qu’économiques et son aspect concret ne
 +
signifie pas qu’il prend en compte les situations concrètes. La représentation utilitariste
 +
du droit en fonde une « pseudo » neutralité. Elle favorise les régimes juridiques dans
 +
lesquels ce sont les parties qui assignent les témoins, contrôlent la procédure sur ceux où
 +
ce sont les juges qui jouent ce rôle au nom d’une supposée supériorité, au nom de
 +
l’efficacité et de la production décentralisée du droit. Les régimes de Common Law
 +
pourraient ainsi mieux répondre à la nécessaire incomplétude du droit.
 +
Sa genèse relève d’une sorte de « calcul » dont les jalons peuvent être résumés de la
 +
manière suivante, ces jalons n’étant pas forcément formalisés dans l’ordre qui est
 +
présenté ici :
 +
- évaluation de l’enjeu,
 +
- évaluation de la zone de tolérance
 +
- élaboration d’un premier type de réponse en termes de contrôle,
 +
- formalisation de « l’esprit des lois » lié aux outils définis,
 +
- mise en place d’un système de pilotage associé,
 +
- ouverture sur la société civile, notamment aujourd’hui par la référence à des
 +
« parties prenantes », et non par référence au « Bien Commun »,
 +
- communication des motivations éthiques, formulation qui est le plus souvent
 +
effectuée dans le cadre d’éthiques appliquées,
 +
- canalisation de la communication par des dispositifs légaux sur les modalités de la
 +
communication (advertising law),
 +
- canalisation de la communication par des dispositifs légaux applicables aux
 +
informations à communiquer (disclosure law),mise en place de système de couplage « communication – mise en œuvre ».
 +
Normes
 +
Les normes sont des instruments de gouvernement « dépolitisés », dont la prolifération
 +
actuelle marque le mouvement de re-régulation libérale (recherche d’un agonisme) et
 +
qui constituent le centre des politiques décisionnelles privées et publiques. Ces normeslà servent à produire de l’information qualifiante (des certifications, accréditations,
 +
évaluations) dans la perspective de fonder une régulation (cf. pas une réglementation),
 +
c’est-à-dire des modalités de fonctionnement non « réglées ». La conséquence en est le
 +
développement de liaisons dangereuses entre normes et règles car des règles (au sens
 +
strict de règlement) se réfèrent à des normes qui visent, pour leur part, à fonder la
 +
dynamique d’une régulation. C’est d’ailleurs ce qui conduit à la question de savoir si
 +
une norme peut être considérée comme fondatrice de la technocratie comme régime
 +
politique du « moment libéral ».
 +
La référence à des normes indique l’importance de la normalisation aujourd’hui avec :
 +
:- Des lieux d’institutionnalisation (mais sans contrôle démocratique ou à contrôle
 +
démocratique « affaissé ») : AFNOR, UE, etc.
 +
:- Le problème du poids majeur des parties intéressées dans la fixation des normes (au
 +
regard, en particulier, de l’absence de la prise en compte d’une volonté générale et
 +
de toute preuve de leur représentativité),
 +
:- Le problème de leur information et de leur expertise (importance des données
 +
scientifiques et techniques comme critère de rationalité dans la fixation de la
 +
norme),
 +
:- Le consensus comme principe politique de construction de la norme,
 +
:- L’application « volontaire » et contrôlée par un tiers auditeur omniscient.
 +
La normalisation se réfère à un contexte professionnel sur la base de deux moments :
 +
:- Le moment de la production auto-centrée de la norme qui repose sur des modèles de
 +
connaissance et de reconnaissance sur la base de la rationalisation d’une imagination
 +
pragmatique. La rationalité contextualisée est mise en avant ainsi que la référence à
 +
l’expérience.
 +
:- Le moment où la norme est rendue publique, la référence étant celle de la
 +
communication d’une vision professionnelle structurée dans un cadre discursif qui
 +
permette le transfert du fait de la construction d’une objectivité par référence, là
 +
aussi, à l’expérience. C’est en cela qu’il est question, avec la norme, de la création d’une connaissance organisationnelle. La rationalité dont il est question ici est
 +
pourtant a-contextualisée puisqu’il s’agit de communiquer.
 +
Une norme est aujourd’hui « un document déterminant des spécificités techniques de
 +
biens, de services ou de processus qui ont vocation à être accessibles au public,
 +
résultent d’un choix collectif entre les parties intéressées à sa création et servent de
 +
base pour la solution de problèmes répétitifs »
 +
7
 +
. L’ISO définit la norme comme un
 +
« document établi par un consensus et approuvé par un organisme reconnu, qui fournit,
 +
pour des usages communs et repérés, des règles, des lignes directrices ou des
 +
caractéristiques, pour des activités ou leurs résultats, garantissant un niveau d’ordre
 +
optimal dans un contexte donné ». La norme concrétise la volonté d’un groupe de
 +
définir un référentiel commun, public et reconnu et, pour ce qui concerne le monde
 +
économique, de faciliter les relations « clients – fournisseurs ». C’est donc un mode de
 +
publicité (au sens de « rendre public »). La norme pose le problème de sa mise en
 +
œuvre, mais elle fournit une référence commune destinées à faciliter le processus de
 +
communication (cf. J. Habermas8).
 +
Le terme de standard est commun à la norme et au standard en anglais alors que l’on
 +
distingue les deux notions en français. Un standard résulte d’un acte unilatéral et émerge
 +
« au travers de la médiation des processus de marché : c’est la dynamique d’adoption
 +
des acheteurs sur un marché qui aboutit finalement à sélectionner, parmi la diversité
 +
des alternatives technologiques possibles, un ou plusieurs standards qui subsisteront ».
 +
Le standard est plus assimilé à un processus réactif de consensus du monde économique
 +
ou du monde technique. Il répond, non seulement à des impératifs de communication
 +
mais également à des impératifs de vitesse. Le dictionnaire Larousse définit le standard
 +
comme un modèle, un type, une norme de fabrication, de production. Il recouvre un
 +
ensemble de recommandations développées et préconisées par un groupe d’utilisateurs.
 +
La notion de « standard ouvert » recouvre l’idée de communication.
 +
Il est par contre difficile de traiter du standard ainsi compris sans se référer à un type de
 +
standard très particulier avec la notion de best practice, référence courante aujourd’hui.
 +
Il faut d’abord remarquer que la notion se réfère à un jugement de valeur qui permette
 +
de distinguer les best practices de celles qui le seraient moins, voire carrément des bad
 +
practices. Le référentiel de la best practice, c’est-à-dire ce qui fonde le jugement de
 +
valeur, est le plus souvent ambigu. Il se réfère à la fois à des référentiels « externes » à l’organisation (un corpus normatif) et à un référentiel « interne » issu du jugement de la
 +
direction générale. La notion de best practice est donc soumise à un double jugement de
 +
valeur, la référence « externe » étant considérée comme plus « éloignée » que la
 +
référence interne. Le versant practice de la best practice vise un projet de routinisation
 +
de ladite pratique sans pour autant que la notion de soit réellement définie si ce n’est au
 +
travers de l’idée d’un état de l’art (standard) à la fois « en situation » et « hors
 +
situation ». La best practice se repère en effet « en situation », donne lieu à codification
 +
et jugement « hors situation » pour être re-socialisée « en situation » sur la base d’un
 +
double exercice : une promotion de la best practice et un dispositif de persuasion dans le
 +
but d’en faciliter l’adoption. Ces deux actes sont alors très proches de l’idéologie
 +
comme « passage en force », passage en force qui repose sur la simplification et
 +
l’incantation10. En effet, c’est par référence au volontarisme managérial et au jugement
 +
établi d’« en haut » qu’il est question de best practice, l’initiative volontaire étant, par
 +
exemple, une des modalités de création de ces best practices. Il faut noter le substitut
 +
que la notion de best practice propose à la plus transgressive innovation.
 +
Le projet de l’adoption best practice est celui des isomorphismes (coercitif, mimétique
 +
et normatif) pour reprendre la classification de P. J. DiMaggio & W. W. Powell11
 +
par
 +
exercice d’un volontarisme managérial contribuant d’autant mieux à la légitimation du
 +
despotisme éclairé de la direction. La notion de best practice est supposée être fondée en
 +
raison par stimulation d’une xénomanie (la bad practice étant, pour sa part, et toujours
 +
en raison, rejetée par xénophobie). Avec la best practice, il est donc question d’un
 +
« atavisme » organisationnel de type « réflexe » pour le moins ambigü. Comme avec la
 +
norme, il est toujours question de rendre publique (à l’intérieur de l’organisation) une
 +
norme privée (celle de la direction) avec l’ambiguïté d’une stimulation « réflexe » en
 +
raison puisqu’il ne saurait être question de faire autrement tant cela est évident. Avec la
 +
best practice, on retrouve donc la tension « hétéronomie – autonomie ». Mais une autre
 +
dimension interfère avec celle-ci, celle du jeu « allomorphisme – isomorphisme » qui
 +
repose, pour ce qui est de l’allomorphisme, à un référentiel « externe » et, pour ce qui
 +
est de l’isomorphisme, sur cet « atavisme » organisationnel dont il était question plus
 +
haut.
 +
 
 +
Le label est au plan commercial ce que le standard est à l’organisation. En créant la
 +
distinction, le label est un moyen de construction des barrières à l’entrée. Il est toutefois important de souligner l’imprécision des référentiels normatifs éventuels
 +
dont les catégories « pures », celles de la normalité fonctionnelle, celles de la normalité
 +
statistique et celles de la normalité sociale et culturelle ont tendance à se mélanger.
 +
Pour leur part, H. Savall & V. Zardet12 proposent une classification des logiques de
 +
normalisation sur la base de ce qu’ils qualifient de « tétra normalisation » qui désigne
 +
les quatre grands pôles de normes correspondant aux grands enjeux, souvent
 +
contradictoires que constituent les échanges commerciaux (OMC, etc.), les conditions
 +
sociales (BIT, etc.), la sécurité comptable et financière (IASB, IFRS, etc.), la qualité et
 +
l’environnement (ISO, etc.). Les auteurs proposent deux hypothèses pour expliquer la
 +
dynamique de ces normes, celles des fonds de commerce liés à chacune de ces logiques
 +
normatives et celle de la responsabilité sociale des entreprises. Ils partent également de
 +
l’idée de l’accélération de la péremption des normes internationales pour expliquer
 +
l’élargissement de la référence à des normes du fait, par exemple, des manœuvres
 +
institutionnelles et concurrentielles pour défendre les positions nationales et pour
 +
rétablir la confiance (scandales comptables et financiers), de la péremption (exemples de
 +
l’ISO 9000 et des politiques de qualité totale et multiplication des autres normes ISO à
 +
la fois complémentaires et concurrentes, comme l’ISO 14 000), de la volonté des
 +
dirigeants des entreprises multinationales de faire de leurs normes privées des normes
 +
publiques, etc. Ces aspects conduisent à la prolifération des normes, institutions et
 +
organismes, à des conflits, concurrences et hiérarchies des normes, à leur application
 +
partielle et discordante, à des infractions, des pratiques frauduleuses et détournements
 +
des normes, à des sanctions financières ou pénales irrégulières et inéquitables. La notion
 +
de « tétra normalisation » prend également en compte les deux pôles « baladeurs », celui
 +
des normes sanitaires et scientifiques, d’où le désengagement des Etats par création
 +
d’institutions de proximité et de partenariats « public – privé » afin de participer au
 +
processus de normalisation. Le développement de marchés de la normalisation et le
 +
mimétisme dans l’application des normes offrent la possibilité de construire des
 +
barrières à l’entrée. Il se produit d’ailleurs une forme de contagion normative. La norme
 +
peut alors être considérée comme un « méta » produit, enjeu de dynamiques
 +
concurrentielles et d’incompatibilités momentanées (exemple de l’ISO 9000 et de
 +
l’EFQM). Elle devient à la fois règle du jeu et produit conçu et vendu par des agents
 +
économiques dont elle constitue le fonds de commerce (exemple de l’audit comptable,
 +
de l’audit social, de l’assistance aux pays en développement, des organismes
 +
certificateurs et auditeurs qualité & environnement, etc.). La norme sert de base à une labellisation foisonnante : label de garantie des produits non fabriqués par des enfants,
 +
prix, qualité, labels sectoriels, professionnels, TOEFL pour l’anglais, etc. Elle tend aussi
 +
à polluer l’univers décisionnaire en influençant en termes d’objectifs et de contraintes la
 +
réflexion stratégique et le pilotage opérationnel des organisations. Elle est souvent
 +
« parachutée » sans accueil organisationnel d’où l’ambiguïté voulue de son contexte
 +
d’application, une consommation de valeur, des coûts cachés, la création de risques. La
 +
norme devient aussi un instrument d’ingérence chez les fournisseurs et sous-traitants, en
 +
permettant la mise en œuvre d’une véritable surveillance technologique,
 +
organisationnelle et économique et constituant la base de revenus récurrents pour
 +
l’audit. Elle développe la suspicion des agents organisationnels et, en même temps, la
 +
surabondance des pratiques dérogatoires. La conformité attendue est aussi souvent très
 +
proche du conformisme, conduisant alors à réduire l’innovation, voire à un véritable
 +
désarroi des agents organisationnels. Dans le cas d’une hétéronomie rigoureuse
 +
introduite par la norme (et les protocoles qui y sont associés, comme c’est parfois le cas
 +
avec la norme ISO 9000) on peut même être amené à parler de guidance, notion tirée du
 +
champ lexical de la religion.
 +
 
 +
L’environnement institutionnel s’en trouve affecté avec :
 +
- La propension des institutions, administrations et organismes publics à externaliser
 +
la construction des normes à des groupes d’experts (les agences, par exemple) et
 +
donc, par là même, de mettre en question leur dimension institutionnelle
 +
(omniscience) et / ou de son application (audit),
 +
:- La configuration de territoires institutionnels trans-nationaux,
 +
:- L’éclosion de sources hybrides (du public et du privé) comme sources de
 +
normalisation (alors plus aisément manipulables, en particulier par les lobbys qui y
 +
sont présents),
 +
:- La floraison d’organismes d’accréditation, de certification, de qualification des
 +
produits ou des compétences,
 +
:- La multiplication des agences de notation financière, sociale, sécurité,
 +
environnement,
 +
:- La prolifération des organismes de contrôle privés et publics,`
 +
bref, la construction d’une idéologie du contrôle et de la compétition construite au
 +
regard des normes qui lui servent de référence, conduisant en outre à laminer la mise en
 +
œuvre des politiques publiques (exemple des « contre » études médiatisées, etc.) par
 +
exacerbation des dilemmes du type « développement économique – protection de
 +
l’environnement » du fait de conflits de hiérarchie entre les normes (internationales,
 +
sectorielles, nationales, etc.). Mais le processus de légitimation de la norme est également important suivant qu’il est
 +
construit sur des modalités « ouvertes » (démocratie délibérative et / ou argument de la
 +
participation) ou bien sur des modalités « fermées » (club d’experts et argument de
 +
l’expertise).
 +
C’est donc la référence à la norme qui conduit à la tension entre conformité et
 +
transgression, voire déviance.
  
 
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<!-- ******** Fin Résumé ***************************** -->

Version du 12 mai 2021 à 16:36

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