Différences entre versions de « Normes et principes - Yvon Pesqueux »

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participation) ou bien sur des modalités « fermées » (club d’experts et argument de
 
participation) ou bien sur des modalités « fermées » (club d’experts et argument de
 
l’expertise).
 
l’expertise).
C’est donc la référence à la norme qui conduit à la tension entre conformité et
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C’est donc la référence à la norme qui conduit à la tension entre conformité et transgression, voire déviance.
transgression, voire déviance.
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=== Règle ===
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L’idée de règle renvoie à celle de conscience car une règle n’est que règle consciente. Ce
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qui distingue la règle de l’habitude c’est qu’il est nécessaire de connaître les règles pour
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s’y conformer. A la frontière entre les deux notions de règle et d’habitude, quand on
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parle de règles de bienséance, il est implicitement fait référence au fait que les membres
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du groupe les perçoivent et se sentent obligés de s’y conformer. Une règle « oblige » en
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effet l’agent à s’y conformer et se distingue, à cet égard, de l’axiome et du postulat qui
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relèvent plutôt des prémisses du raisonnement.
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La règle indique aussi le comportement à avoir dans des circonstances précises et n’a
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pas de valeur universelle. Il n’y a donc pas de règle générale au sens strict du terme
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mais, pour ce qui concerne le domaine de l’éthique, des lois morales dans ce cas-là. La
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règle s’applique dans les limites d’une situation, mais dont la circonstancialité se trouve
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être relativement stable. A la limite de la circonstancialité de la règle, se trouve la
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convention. La règle va donc osciller entre la convention aux fondements purement
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formels et la référence aux situations. Elle possède à la fois la fonction arbitraire d’une
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règle du jeu et celle, rationnelle, de porter du sens.
 +
Mais il faut néanmoins souligner l’existence de règles qui régissent les comportements
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de façon normative (l’exemple de la prohibition de l’inceste, qui joue un rôle si
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important dans le caractère universel du concept ethnologique de culture en est un
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exemple). Elles régissent le comportement de façon normative et sont essentielles dans
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la définition des faits institutionnels. Mais le concept de règle comporte aussi l’idée de
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l’imitation, légitime et inviolable, dont l’impact dans l’univers esthétique est très
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important (être artiste est ainsi en quelque sorte faire comme cela doit être fait). C’est
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aussi plus généralement la référence légitime à l’état de l’art. Enfin, sur le plan
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 +
linguistique, le statut de la règle est tout aussi intéressant à mettre en évidence dans la
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mesure où il ne pourrait y avoir de langue sans règle.
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Se référer à la règle, c’est donc se poser la question de ce qui est régulier et irrégulier. Il
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est à ce titre important de distinguer le malsain de l’irrégulier. Chez E. [[Durkheim]],
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l’anomie apparaît quand la transgression perd de vue la règle, comme s’il y avait
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absence de règle. La désobéissance à la règle se distingue également du désordre (qui
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s’oppose à l’« ordre ») et dont l’issue de revenir à un ordre.
 +
 
 +
=== Conformité, conformisme, déviance et transgression ===
 +
Il est important de mettre au regard de la norme et de la règle, aussi bien le processus
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d’adhésion (dans sa version standard – la conformité tout comme dans version intégriste
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– le conformisme) que le processus de déviance au travers de l’acte de transgression. La
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conformité est en effet ce qui va fonder l’acte de ressemblance, et donc quelque part les
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perspectives de l’institutionnalisation de même qu’inversement, l’acte de dissemblance
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et les perspectives de la déviance, compte tenu (ou non) les logiques de récompense (au
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nom de la conformité) et de sanction (au nom de la transgression). Il est important de
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souligner l’impact de ces aspects (conformité, conformisme, déviance, transgression)
 +
dans le processus d’identification de l’individu au groupe. C’est aussi la référence à ces
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deux aspects qui fonde les tensions « contrôle – discipline » et « coopération –
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contrainte » dont l’issue ne va pas de soi. En effet, comme le souligne F. Bourricaud14 :
 +
« la conformité n'est donc pas assurée par l'application mécanique de la contrainte et
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elle ne résulte pas infailliblement d'un calcul sur le résultat duquel des individus, pesant
 +
chacun son intérêt, se seraient mis d'accord ». Avec cet ensemble de notions, il est
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important d’ajouter l’intercession des convictions et la référence à une autorité
 +
d’arbitrage.
 +
La déviance se définit rapidement comme un écart à la norme mais laisse ouverte la
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question de ses fondements. Il en va ainsi de l’escapisme qui peut se définir comme « la
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décision de se soustraire à une société, tenue pour illégitime et pourtant trop forte pour
 +
qu'on lui résiste, est susceptible de prendre des formes différentes. Il peut être
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strictement individuel (« pour vivre heureux, vivons cachés »), ou au contraire s'étendre
 +
au comportement d'un groupe tout entier, qui cherche avec plus ou moins de bonheur à
 +
se soustraire aux pressions d'un milieu hostile, par exemple en s'y fondant au moins en apparence »
 +
15. Il en va également du coming out par exemple, mais on entre alors là
 +
dans une perspective communautarienne voire communautariste. Mais la déviance se
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fonde aussi au regard de la figure du rebelle qui s'en prend au système de normes et / ou
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au système de valeurs, ces deux aspects permettant de distinguer le révolté du
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révolutionnaire. Le révolté, tout comme le rebelle, se confronte séparément des autres à
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des normes ou à des valeurs sans établir de liens entre elles tandis que le révolutionnaire
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s’attaque, entre autres, aux principes réunissant normes et valeurs de façon globale. Le
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délinquant s’écarte volontairement des normes pour les contourner à son strict profit.
 +
Mais la déviance naît aussi de l’ambiguïté des normes qui ouvre alors le champ des
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interprétations (et donc des comportements) possibles. La notion est contiguë à celle de
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marginalité et peut déboucher sur la délinquance. C’est avec cette acception que l’accent
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est mis sur l’importance du « milieu ». Son origine peut être considérée comme relative
 +
à une initiative individuelle (du fait de l’exercice de la volonté), à l’impossibilité
 +
individuelle à ce conformer à la norme (pour des raisons cliniques) mais aussi fonction
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du regard porté par le groupe « conforme ». Dans ce dernier cas, la déviance peut être
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considérée comme une diversion par rapport à la conformité. Comme le souligne J.
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Selosse16
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, « aucune conduite n’est déviante en soi, c’est la signification qu’on lui prête
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en fonction de critères normatifs individuels et sociaux qui lui confère ce caractère ».
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Le déviant est donc perçu en tant que tel et rejeté par les groupes sociaux dominants,
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quitte à rejoindre le groupe des déviants, groupes à forte cohésion. Pour sa part, L.
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Sfez17 distingue la déviance « normale » ou fausse déviance (individus membres d’un
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sous-système 2 prétendument déviant au regard des catégories d’un sous-système 1 tout
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en lui étant indispensable – la prostitution, par exemple) des déviances partielles (de
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type 1 par remise en cause d’un ou de plusieurs sous-systèmes sans remise en cause des
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rapports dominants et de type 2 qui remet en cause les rapports de production) de la
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déviance totale où la distance est insurmontable). G. Lapassade18 situe la déviance en
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tension avec la pression vers l’uniformité et signale l’ambiguïté du rapport à la déviance
 +
qui oscille entre le rejet et le regret des apports que le déviant pour effectuer au groupe
 +
qui le rejette.
 +
La transgression, pour sa part, peut être assimilée au processus de déviance, mais ne
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prend sens qu’au regard des autres termes possédant le suffixe « -gression » : la
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régression qui est un retour en arrière, la progression, qui est un mouvement en avant, la digression, qui marque l’éloignement de la norme, sans jugement de valeur et
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l’agression qui est une manière violente d’imposer sa norme (ou de réagir au fait que
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l’Autre tente de vous imposer la sienne). La transgression est marquée par le jugement
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normatif sur le dépassement des limites au regard de la dualité « permis – interdit » dans
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la perspective de déplacer ces limites. Elle contient donc l’idée de dépassement.
 +
La conformité passe par l’intériorisation de la norme là où le conformisme passe par la
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dépendance et, dans les deux cas, il est bien question d’identification. La conformité à la
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norme pose la question de la transgression acceptée : la dérogation. Et à la boulimie des
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normes du « moment libéral » correspond la boulimie des demandes de dérogation. A.
 +
Orléan19 met l’accent sur le mimétisme comme levier du conformisme. Il distingue trois
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types de mimétismes : le mimétisme normatif qui a pour but de ménager la
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désapprobation du groupe, le mimétisme auto-référentiel qui est de nature plus
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identitaire ou alors de nature mécanique (préjugé) et le mimétisme informationnel qui se
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réfère à l’action des autres comme étant de valeur supérieure.
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=== Le « principe » de transparence… et autres « principes » ===
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Soulignons d’abord la prolifération épidémique des principes à épithète, tous ces
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principes étant plus ou moins reliés les uns aux autres…
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La référence à des principes vient, dans l’univers de la gouvernance, se combiner à la
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logique des lois et des normes. Avec la référence à des « principes », il faut souligner
 +
que, pour partie, il s’agit d’un abus de langage, « principe » étant substitué à
 +
« convention » ou même « habitude ». Or si un principe est peu discutable, il n’en va pas
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du tout de la convention et encore moins de l’habitude ! A ce titre, il y a très souvent
 +
usage abusif du terme de « principe » venant en fait masquer celui de préjugé. Par
 +
ailleurs, avec l’usage qui va être fait de la notion de principe, il est plus question de
 +
valeurs pouvant servir de base à un jugement. Il y a alors une sorte de confusion entre
 +
les deux notions de « principe » et de « valeur », un tel principe se rapprochant alors
 +
beaucoup plus d’un slogan. Mais cette confusion sert aussi à attribuer une valeur
 +
symbolique au principe alors que sa transcription ne se fera jamais qu’en termes de
 +
procédures et la conformité au principe en termes de vérification. Le principe sert à
 +
transférer de l’omniscience, à en faire un objet inconditionné, alors que l’omniscience
 +
était traditionnellement celle des Pouvoirs Publics et des fonctionnaires publics de l’Etat-administratif. Au nom du « principe », l’omniscience est déléguée à un tiers
 +
auditeur. Un tel objet inconditionné ainsi vérifié s’en trouve d’autant plus débonnaire
 +
pour les plus puissants des agents de la société qu’ils sont ceux qui peuvent et savent
 +
jouer avec, voire en fixer les modalités et qu’ils sont aussi ceux qui payent le mieux les
 +
tiers auditeurs. Pour les autres, c’est tant pis !
 +
Au sens strict du terme, un principe est ce qui se situe à l’origine des choses, mais c’est
 +
aussi un mode d’action s’appuyant sur un jugement de valeur prédéfini, les deux aspects
 +
étant indissociablement liés pour ce qui nous concerne ici. Le principe va alors, de façon
 +
chronolgique, relier l’a priori avec l’a posteriori. Il va avoir force de loi, mais de loi
 +
déterritorialisée, d’où sa retérritorialisation sur la base de la primauté accordée à la
 +
rationalité procédurale (où l’on revient aussi à la vérification qui est inhérente à ce type
 +
de rationalité).
 +
En corrélation avec le « moment libéral », on observe la référence croissante à des
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principes à épithète comme fondement à l’expression d’une soft law. Ils concourent à la
 +
mise en exergue d’une impossible responsabilité dans le cadre, pour prendre la
 +
métaphore de M. Foucault, d’un tribunal permanent qui finalement ne juge jamais. Par
 +
ailleurs, ces principes « font système ».
 +
L’ensemble de ces principes tend à « faire système », conduisant ainsi à fonder le
 +
système de valeur de la vie en société du « moment libéral ». Une des caractéristiques
 +
saillantes en est que le fait de « rendre public » serait constitutif du « Bien Commun ».
 +
Le « rendre public » fonde une délibération sans fin, les efforts déployés pour rendre
 +
public laissant peu d’énergie disponible ensuite pour statuer en termes de « Bien
 +
Commun ». La délibération s’exonère ainsi de la fin de la délibération. Or le public
 +
« éclairé » par le de jeu de ces principes ne peut constituer comme cela un fondement du
 +
« Bien Commun » par addition simple des opinions éclairées. Il s’agit d’une forme de
 +
théorie informationnelle du « Bien Commun ».
 +
 
 +
De plus, il faut souligner la médiation de l’audit comme tiers omniscient dans ce
 +
processus d’éclaircissement et rappeler, avec M. Power, « l’obscurité essentielle de l’audit ». En effet, on ne peut mesurer la qualité d'un audit ou la qualité d'une certification. On ne connaît ni la fonction de production de l'audit, ni les auditeurs et c’est de là que naît l’obscurité quant aux certitudes de l'audit. Face à cette obscurité, les cabinets d’audit opposent leur réputation : la qualité de jugement d'un auditeur se mesurerait avec le temps, d’où l'importance de faire confiance aux « professionnels – experts », ce qui est d’ailleurs « tout bénéfice » pour eux qui sont facturés au temps passés. Mais c’est aussi la réputation qui rend le marché de l'audit impénétrable par des « non auditeurs » et qui leur confère un si obscur pouvoir.
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Version du 12 mai 2021 à 17:24

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