Trois paradigmes pour les recherches en didactique

De Didaquest
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== Trois paradigmes pour les recherches en didactique ==
= Jean Pierre Astolfi =
= Résumé =

Les recherches en didactique (y compris celles de didactique des sciences) appartiennent au champ des sciences humaines. Les méthodologies qu'elles mettent en œuvre se doivent d'être adaptées à cette situation et ne peuvent s'organiser autour de la seule administration de la preuve. Mieux vaux, en effet, s'efforcer de distinguer des types pluriels de recherches possibles, en définissant précisément dans chaque cas la nature de leurs « objets trouvés ". Cet article caractérise ainsi trois paradigmes contrastés, respectivement dits" pragmatique" (organisé autour du possible), " herméneutique" (organisé autour du sens) et " nomothétique " (organisé autour de la preuve), sans prétendre à l'exhaustivité. Ces paradigmes n'ont pas vocation classificatoire mais fonctionnent plutôt comme grilles d'analyse; on propose ici de les appliquer à l'évolution des recherches en didactique des sciences, conduites à l'INRP.

Q uel que soit le type de recherche que l'on conduit, il est primordial de s'interroger sur la nature des résultats fiables qu'elle peut produire, sur le genre d'« objets trouvés)) auxquels elle peut parvenir. La didactique n'échappe pas à cette question. Or, ce problème est trop souvent pensé sur le seul mode de l'administration de la preuve, ce qui conduit à des distorsions assez négatives. L'une d'elles consiste à « habiller ,> en ces termes des recherches qui n'en relèvent pas vraiment, pour tirer bénéfice de la légitimité que cela produit « spontanément ». Une variante conduit à un appui mutuel, pour les recherches participatives, entre recherche et formation: la recherche se trouverait validée par le fait qu'il donne lieu à expérimentation dans des classes réelles (comme si c'était cela qui lui conférait sa valeur théorique), et symétriquement, une innovation ou une action de formation se trouverait légitimée par le seul fait d'être conduite dans un cadre de recherche (comme si c'était de cela que résultait son efficacité pratique). Plutôt que de rechercher ainsi la légitimité d'un unique paradigme, mieux vaut examiner la diversité d'acceptions que peut recouvrir cette idée de résultats «fiables» de recherches. Au lieu de l'exigence implicite: « la preuve... sinon rien ", il nous semble opportun, en effet, de multiplier les références disponibles et de rechercher une diversité de rigueurs, chacune adaptée au mieux à son objet spécifique.

SUR LES TYPOLOGIES DE RECHERCHE EN ÉDUCATION

Pour ce faire, nous avons plus particulièrement pris appui sur les distinctions notamment proposées par Gilbert de Landsheere, Jean Cardlnet, Liliane Sprenger-Charolles et al. Et nous les avons reconstruites dans notre perspective propre: avec un souci de spécification aux recherches didactiques, alors que ces typologies visent a ~.ne classification plus générale des sciences de l'éducation. Nous prendrons appui, pour illustrer ce Point de vue, sur les exemples de recherches en didactique des sciences que conduit l'INRP depuis les années 70 (1).

Recherches nomothétiques, recherches historiques

De Landsheere distingue deux types principaux de recherches qu'il traite de façon dissymétrique dans son Introduction à la recherche en éducation, ne cachant guère où vont ses préférences. Aux recherches nomothétiques, centrées sur l'établissement d'invariants, de règles, et qui occupent une large part de l'ouvrage, il oppose les recherches dites historiques, qu'il reconnaît et auxquelles il accorde aussi valeur, mais dont il souligne très fortement les risques. « En fait, dit-il pour cette seconde famille, il semble que la recherche pédagogique quitte ainsi peu à peu le scientisme, caractéristique des sciences peu évoluées, pour entrer dans l'ère du relativisme. Mais le danger est évident: en ouvrant de nouveau largement la porte à la subjectivité, on favorise l'essor du verbalisme, sinon de l'imposture. Aussi s'impose une vigilance de tous les instants, en particulier dans la vérification de l'accord entre les divers observateurs qui se livrent à l'évaluation qualitative" (De Landsheere, 1982, p. 54). Cardinet, cité par De Landsheere pour sa contribution positive au développement de ces secondes recherches, distingue pour sa part deux versants de la science: le versant nomothétique déjà évoqué, et le versant herméneutique (terme que nous préférons à celui d'« historique» de l'auteur précédent), plus qualitatif, centré sur l'interprétation et la recherche de significations. Chacun de ces deux versants pouvant, selon Cardinet (1977), être mis au service d'un but spéculatif (connaître) ou praxéologique (agir), suivant le tableau suivant (Cf. Tableau 1), repris de Delorme (1982).