Addiction
Définition
Toxicomanie - Addictions : L'addiction est un terme qui remplace la toxicomanie
- Le terme d’addiction, qui s’est progressivement substitué à celui de toxicomanies, est d’étymologie latine, ad-dicere « dire à », et exprime une appartenance en terme d’esclavage.
Etre addicté était ainsi, au Moyen-âge, une ordonnance d’un tribunal obligeant le débiteur, qui ne pouvait rembourser sa dette autrement, à payer son créancier par son travail.
- Par la suite, dans la langue anglaise dès le XIVème siècle, le terme addiction a pu désigner la relation contractuelle de soumission d’un apprenti à son maître, puis se rapprocher peu à peu du sens moderne, en désignant des passions nourries et moralement répréhensibles. Toujours en langue anglaise, le mot addiction est totalement intégré dans le langage populaire pour désigner toutes les passions dévorantes et les dépendances.
C'est donc dans son étymologie que se définit le mieux l'addiction : elle comporte la notion de contrainte du corps.
De nos jours, ce terme est employé pour décrire un état du corps en situation de besoin par rapport à un produit addictif. On parle d'addiction quand la personne apparaît particulièrement vulnérable et qu'elle se comporte de façon compulsive en vue d'atteindre du plaisir.
Le terme d’addiction présente l’avantage de proposer un déplacement du toxique, c'est-à-dire du produit consommé, vers le comportement lui-même, qu’il s’agisse d’un comportement de consommation de substance psychoactive (produit agissant sur le psychisme, en modifiant l’activité mentale, les sensations ou le comportement) ou d’une addiction comportementale.
- Les addictions à une substance psychoactive concernent les substances licites (tabac, alcool, médicaments psychotropes) ainsi que les substances illicites (cannabis, opiacés, cocaïne, amphétamines, etc).
- Les addictions comportementales désignent quant à elles certains troubles du comportement alimentaire, le jeu pathologique, les achats compulsifs, l’utilisation problématique d’Internet ou des jeux vidéo, le surentraînement sportif, les addictions sexuelles ou au travail, etc
Enfin, on parle d'addiction quand une personne est sujette à la rechute, à cause de la "marque" des produits addictifs dans certains neurones du cerveau.
- - Etre "addict" à un produit signifie donc que l'on est esclave de ce produit.
Aujourd'hui, le phénomène de l'addiction est considéré comme un état pathologique, c'est à dire maladif : il se réalise dans les neurones, dans le cerveau. En effet, si le système de récompense, circuit du cerveau stimulé dans le phénomène addictif, est perturbé ou fait état d'un dysfonctionnement, la personne addicte perd le contrôle d'elle-même et ne peut se passer de consommer son produit addictif.
l’addiction est la consommation excessive d’une substance, en dépit des conséquences néfastes. Toutefois, seule «une personne sur cinq est vulnérable à l’addiction». Les autres peuvent prendre ces produits sans pour autant devenir accros.
Présentation générale
L’addiction se caractérise par :
- l’impossibilité répétée de contrôler un comportement visant à produire du plaisir ou à écarter une sensation de malaise interne
- la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives
- On parle d’addiction :
- lorsque le besoin l’emporte sur le désir
- lorsque la sensation remplace l’émotion et la relation
- lorsqu’un produit ou un comportement envahit le champ des plaisirs possibles et devient prioritaire et impérieux pour obtenir du plaisir ou apaiser une tension
- lorsque la passion l’emporte sur la raison
Comment s’installe l’addiction ?
- les substances induisent un changement majeur des synapses excitatrices et inhibitrices, ce qui modifie ensuite l’activité de certaines populations de neurones. C’est cela qui crée le comportement pathologique. Dans un premier temps, le processus a lieu dans les parties profondes du cerveau et ce n’est que par la suite que le cortex –l’écorce cérébrale– intervient aussi.
- Les cellules nerveuses se connectent entre elles au niveau des synapses. Dans ces zones de jonction, elles se transmettent l’information par l’intermédiaire de messagers chimiques, les neurotransmetteurs. Parmi ceux-ci figure le glutamate, «le plus excitateur chez les mammifères».
Comment l'addiction modifie le cerveau ?
En travaillant sur des souris, un neuroscientifique californien avait observé qu’une seule injection de cocaïne changeait la transmission du glutamate dans l’aire tegmentale ventrale – une région du cerveau impliquée dans le circuit de la récompense – et induisait des transformations qui provoquaient une addiction pendant une semaine.
- Renouvelant l’expérience, une équipe genevoise a constaté, «qu’en quelques heures, le nombre des synapses glutaminergiques augmentait leur efficacité dans cette aire». Et cela, en réponse à la libération excessive, provoquée par la cocaïne, d’un autre neurotransmetteur, la dopamine, qui intervient aussi dans le processus d’apprentissage lié à l’obtention d’une récompense. «En modifiant la malléabilité de certaines synapses, la cocaïne stimule de façon anormale ce processus d’apprentissage que la personne ne contrôle plus. Cela la pousse à consommer la substance». Au fil de ses recherches, le scientifique a précisé les rouages moléculaires des mécanismes de l’addiction, non seulement à la cocaïne, mais aussi aux autres drogues.
Comment savoir s'il y a addiction ?
Selon les experts du DSM (Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders, dont la 5e édition date de 2013), une personne souffre d'une addiction s'il présente ou a présenté au cours de l'année passée au moins deux des 11 critères suivants :
- Un besoin impérieux et irrépressible de consommer ou de jouer ;
- Une perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié à la consommation ;
- Le temps (important) consacré à la recherche de la substance ;
- L'augmentation de la tolérance au produit ;
- La présence d'un syndrome de sevrage ;
- Le fait d'être incapable de remplir certaines obligations importantes ;
- Un usage même lorsqu'il y a un risque physique avéré ;
- Des problèmes personnels ou sociaux ;
- Un désir persistant de réduire les doses ou l'activité ;
- Des activités annexes réduites au profit de l'addiction ;
- Le fait de poursuivre la consommation même lorsqu'on a pris conscience des dégâts physiques ou psychologiques.
- Si le DSM ne reconnaît comme addition « authentique » que les dépendances aux substances ou au jeu d'argent, (les autres addictions, sexe, jeux-vidéos, smartphone... ne disposant pas de données scientifiques suffisantes).
- Il existe plusieurs stades à l'addiction.
- Addiction faible : Si le sujet remplit 2 à 3 des critères précédents;
- Addiction faible : Si le sujet remplit 4 à 5 critères;
- Addiction sévère : Si le sujet remplit au-delà de 6 critères.
- Gravité de l'addiction : ADDICTIONS / Mesurez leur gravité en 11 questions
- URL: https://www.addictaide.fr/parcours/gravite
Addiction et Dépendance
Dans un objectif de simplification du vocabulaire il n'y à pas de distinctions significatives entre ces deux termes: L'addiction est simplement la traduction de l'expression en anglais de l'addiction. Néanmoins, la différenciation de ces deux termes permet de mieux comprendre les dimensions psychiques et physiques qui leur sont liés:
- On parle de dépendance lorsqu’on souffre du syndrome de sevrage à l’arrêt brusque de la consommation. la dépendance vient marquer la perte de la liberté de s’abstenir de consommer.
- Longtemps, le concept de dépendance a été assimilé à celui de dépendance physique, en référence à la pharmacodépendance (ensemble de mécanismes physiologiques de neuro-adaptation). Aujourd'hui l’idée que l’on puisse disjoindre dépendance physique et psychique est totalement artificielle et a sans doute conduit à des représentations inexactes de la dépendance. La pierre angulaire de la dépendance est bien la perte de contrôle d’un comportement et la notion de compulsion et de craving.
Les définitions médicales
On distingue classiquement deux types de dépendance :
- Une dépendance psychique et une dépendance physique. Les symptômes en sont différents, et les traitements qui doivent être mis en place pour les soigner peuvent aussi varier.
« L’impossibilité de s’abstenir de consommer » Pierre Fouquet
La dépendance, qui se confond avec l’addiction, se traduit essentiellement par la dépendance psychique, plus cruciale que la dépendance physique : elle pousse à consommer à nouveau et mène à la rechute.
- Il est commun de distinguer :
la dépendance psychique définie par le besoin de maintenir ou de retrouver les sensations de plaisir, de bien-être, la satisfaction, la stimulation que la substance apporte au consommateur, mais aussi d’éviter la sensation de malaise psychique qui survient lorsque le sujet n’a plus son produit (le sevrage « psychique »). Cette dépendance psychique a pour traduction principale le craving ou recherche compulsive de la substance, contre la raison et la volonté, expression d’un besoin majeur et incontrôlable que l’on pourrait traduire familièrement par « j’en crève d’envie ».
la dépendance physique définie par un besoin irrépressible, obligeant le sujet à la consommation de la substance pour éviter le syndrome de manque lié à la privation du produit. Elle se caractérise par l’existence d’un syndrome de sevrage (apparition de symptômes physiques en cas de manque) et l’apparition d’une tolérance(consommation quotidienne nettement augmentée).
Les classifications internationales actuelles insistent sur l’approche dimensionnelle de l’addiction (DSM5) : le sujet présente une addiction plus ou moins grave, selon le nombre de symptômes présentés dans une liste de 11 items regroupant l’abus et la dépendance.
Les schémas ci-dessus illustrent le passage d’une classification en catégories d’usage (abus/usage nocif et dépendance) à une classification par gravité progressive (de modérée à sévère)
Un test a été mis en place, à partie de ces critères, pour évaluer la gravité de l’addiction.
Cette nouvelle approche, dimensionnelle, permet de justifier l’utilité d’interventions et de programmes de soins gradués, allant de la simple intervention brève à la prise en charge globale médicopsychosociale. Elle justifie également les stratégies thérapeutiques allant de la simple réduction de consommation à l’abstinence.
Quelles conséquences à ces addictions ?
Malheureusement, aucune addiction n'est sans conséquence, et celles-ci sont parfois tragique. L'issue peut parfois être directement liée à un usage excessif, comme lors d'une overdose ou d'un coma éthylique, ou liée aux effets secondaires sur le long terme, comme les nombreux cancers attribués au tabagisme ou à l'alcoolisme, les troubles psychiatriques et neurologiques attribués à la drogue, sans oublier les risques de contamination par le VIH, la perte de tous liens sociaux et professionnels...
Facteurs de risques
Nous ne sommes pas égaux face aux addictions. le risque d’en développer une est lié à une combinaison de facteurs sociaux et individuels, associés aux risques propres du produit. L’addiction est donc toujours une interaction entre les facteurs liés aux produits, à l’individu et à l’environnement.
Voir notre schéma interactif sur les facteurs de risques des addictions.
- Interactions = Produit (P) x Individu (I) x Environnement (E)
Facteurs de risque liés au produit
Classement des différentes substances, selon leur potentiel toxique, leur potentiel de modification psychique et leur potentiel addictif :
- Le potentiel toxique, c’est-à-dire la capacité à provoquer des atteintes physiologiques
- Le potentiel de modification psychique, c’est-à-dire la faculté de perturber les perceptions, les cognitions, l’humeur, la motivation, etc. ;
- Le potentiel addictif, c’est-à-dire la capacité à créer une dépendance qui dépend de l’impact de la substance sur le système intracérébral de récompense.
Cette représentation dans un cube en trois axes permet d’y placer chaque substance en fonction de ses niveaux de dangerosité propre. Par exemple : le tabac et l’héroïne sont à des niveau x très élevés sur l’axe du potentiel addictif ; mais l’héroïne est très haut sur l’échelle de l’action psycho modificatrice et très bas sur le potentiel de toxicité somatique ; alors que le tabac est en position inverse, car peu psycho modificateur, mais fortement somatotoxique.
De ces trois axes de dangerosité pharmacologique découlent trois types de complications :
- Les complications somatiques ;
- Les complications psychopathologiques ;
- La dépendance.
Facteurs-individuels
La génétique
Les gènes expliqueraient 40 à 80 % de la variance inter-individuelle des addictions aux différentes substances. La part génétique est plus importante dans les formes d’addictions plus intenses, à dépendance plus marquée ou plus persistantes.
L’âge de début
Plus une consommation de substances psychoactives démarre tôt dans la vie, plus le risque d’apparition d’abus et/ou d’installation d’une dépendance est élevé. Cette règle est applicable à toutes les substances (tabac, alcool, médicaments psychotropes, substances illicites), surtout, bien entendu, si l’usage se répète.
Traits de caractère
La clinique et l’épidémiologie ont permis de mettre en évidence des caractéristiques de personnalité qui prédisposent aux addictions comportementales ou aux produits. On peut les regrouper en deux grands groupes :
Les traits qui traduisent une particulière sensibilité aux effets « plaisirs », renforçant des produits ou des comportements : la recherche de sensations, le faible évitement du danger, la recherche de nouveauté. Les traits qui traduisent une particulière sensibilité aux effets « apaisants » des produits ou des comportements permettant d’éviter ou de limiter la souffrance : la faible estime de soi, les réactions émotionnelles excessives, les difficultés dans la gestion des relations.
Des troubles de l’attachement
On retrouve chez les sujets addicts des troubles de l’attachement : les 2/3 d’entre eux ont un attachement insécure (anxieux-évitant, anxieux-ambivalent ou désorganisé).
Troubles psychiatriques
- L’association de troubles psychopathologiques aux conduites addictives est soulignée par de nombreuses études. Néanmoins, les liens qui les unissent restent complexes (facteurs favorisants, conséquences, simples co-occurrences).
Retentissement des événements de vie sur le fonctionnement psychique
Les événements de vie font le lien entre des facteurs liés à l’environnement et une vulnérabilité du fonctionnement psychique. Il convient de rappeler que les événements traumatisants familiaux, psychiques, sexuels, physiques, notamment répétés, participent à l’organisation des personnalités limites et que les perturbations des relations précoces induisent les différents types d’attachement insécures.
Facteurs environnementaux
Il existe plusieurs types de facteurs environnementaux :
Facteurs culturels et sociaux
Entendons l’exposition à un produit dans une société ou une microsociété donnée. Ce facteur d’exposition peut s’évaluer à partir des quantités consommées d’un produit donné dans une société donnée, par exemple en France. Ces données peuvent être affinées par âge, sexe, groupe social, etc. Nous vivons dans une société addictogène, qui pousse à la consommation, du « tout tout de suite » et à la recherche du plaisir immédiat. A l’inverse, elle ne favorise pas l’établissement de liens de longue durée, l’investissement dans les actions de groupe puisqu’elle privilégie l’individuel sur le collectif.
Facteurs familiaux
Ils concernent la consommation du produit (habitudes de consommation ou non-consommation, acceptation ou rejet, interdits religieux…) et le fonctionnement familial : conflits, événements vitaux, etc…
Rôle des copains
Il est incontestable que le groupe des pairs, soit par l’usage au sein du groupe, soit par la grande tolérance du groupe aux substances, joue un rôle majeur dans l’initiation à la consommation d’alcool et de drogue à l’adolescence. Cette influence est renforcée par la suite par le choix du groupe de pairs dans lequel circulent des substances.
Certains auteurs soulignent l’absence de supervision parentale comme responsable de la consommation de substances à travers son impact sur la composition du groupe de pairs. L’influence du groupe s’exercerait selon un double processus, d’une part, de modelage et, d’autre part, de coercition, où le refus de consommer provoque la désapprobation et le rejet.
Les interactions produit-individu : la métaphore de l’ornière
Cette métaphore, qui nous paraît très illustrative, a été développée par Zullino. Elle compare l’effet des drogues sur un individu aux passages répétés d’un véhicule sur une route. Elle rapproche la vulnérabilité individuelle de la résistance du sol, la fréquence des consommations de la fréquence des passages et la puissance addictive du produit au poids du véhicule.
Comprendre les mécanismes neurobiologiques
L’addiction a les caractéristiques d’une pathologie chronique, d’installation progressive, avec une évolution émaillée de rechutes, et dont la survenue est déterminée par des facteurs de vulnérabilité.
Dans le processus addictif, les modifications progressives du comportement de consommation s’inscrivent progressivement dans le temps :
- Initialisation à travers l’impact hédonique positif, le plaisir pris à la consommation (récompense, « liking »)
- Poursuite des comportements de consommation par les habitudes s’appuyant sur des automatismes mentaux (apprentissage, conditionnement, « learning »)
- Consommation pour éviter les conséquences émotionnelles négatives, plutôt que pour la recherche vaine de l’effet plaisir initial (survalorisation cérébrale de la consommation, « wanting »)
- Perte de contrôle de la consommation avec besoin compulsif de consommer (« craving »)
Installation de l’addiction
De l’usage simple et festif à l’addiction
- L’addiction a les caractéristiques d’une pathologie chronique, d’installation progressive, avec une évolution émaillée de rechutes, et dont la survenue est déterminée par des facteurs de vulnérabilité.
Dans le processus addictif, les modifications progressives du comportement de consommation s’inscrivent dans une temporalité :
- Une initialisation à travers l’impact hédonique positif (récompense, « liking »)
- La poursuite des comportements via les automatismes (apprentissage, conditionnement, « learning »)
- Les conséquences émotionnelles négatives plus que par la recherche vaine de l’effet initial (saillance incitative, « wanting »)
- La perte de contrôle de la consommation
On peut donc considérer schématiquement, avec P-V. Piazza, que ce processus se déroule en trois étapes :
- => La première étape est une phase non pathologique de prise de drogue où l’individu fait un usage récréatif de la drogue. Cette phase correspond au moment où la prise de produit est, pour l’individu, une activité récréative parmi d’autres. La consommation n’occupe qu’une faible part de son répertoire comportemental. Ceci peut être considéré comme un comportement « normal » qui existe dans une large proportion de la population humaine, et ce qu’ils s’agissent des drogues légales ou illégales.
- => La seconde étape, l’usage intensif, soutenu et en augmentation commence par une augmentation de la fréquence, de la quantité de drogue consommée, ainsi que de la motivation pour cette dernière. La prise de drogue s’intensifie et devient soutenue. De plus, des problèmes liés à l’usage apparaissent mais ne sont pas suffisamment importants pour toujours susciter des tentatives d’abstinence. Cette seconde étape est la première phase pathologique modérée, au cours de laquelle l’individu consomme trop de drogue, mais son comportement reste organisé et il est généralement bien intégré dans la société. Tous les patients ayant un usage intensif n’évolueront pas vers la dépendance comme viennent le confirmer diverses études de suivi. Pour les patients qui deviendront dépendants, il convient de s’interroger sur les conditions de l’installation de cette dépendance : il existe, pour les sujets qui deviendront dépendants une installation progressive et de plus en plus impérieuse de la dépendance psychique, du craving. Il y a donc bien une zone de transition (ou de passage progressif) et donc d’imprécision entre usage nocif et dépendance.
- De façon schématique, on pourrait ainsi considérer qu’il existe, à cette phase, deux grands sous-groupes de patients : – un premier groupe dans lequel on retrouve des facteurs de risque d’évolution vers la dépendance; dans ce groupe, la consommation intensive et répétée correspond à une phase préliminaire, souvent courte, de la dépendance qui en constitue l’évolution logique – un second groupe dans lequel les facteurs de vulnérabilité à la dépendance sont peu nombreux ; mais, à l’inverse, les facteurs d’environnement, d’entraînement sont présents. Dans ce groupe, le retour à une consommation contrôlée est beaucoup plus fréquent, notamment lorsque la pression à la consommation décroît (avancée en âge, installation en couple…) ou qu’une démarche de soin est entreprise (une plus grande efficience des interventions brèves dans ce sous-groupe est vraisemblable)
- => La troisième et dernière étape de ce processus amène à l’état pathologique le plus grave. Dans ce cas, l’individu perd largement le contrôle de sa consommation de drogue et devient dépendant (ou présentant pleinement une addiction sévère pour le DSM V). Lors de cette phase, la prise de produit devient l’activité principale de l’individu, envahissant la quasi-totalité de l’espace normalement occupé par d’autres composantes de son répertoire comportemental. La dégradation de sa vie sociale devient alors inévitable et les rechutes, même après une période d’abstinence prolongée, deviennent malheureusement la règle.
Comment la recherche de plaisir se transforme en besoin
La consommation répétée entraîne des modifications cérébrales fonctionnelles et structurelles de plusieurs neurocircuits, dont ceux de la récompense mais surtout ceux impliqués dans la gestion des émotions, de l’humeur, de la motivation et des apprentissages pouvant affecter les habitudes comportementales et les capacités d’adaptation. Petit à petit, ces modifications changent les propriétés motivationnelles des produits : s’ils ont été pris initialement par plaisir, ils le sont ensuite essentiellement par besoin, avec d’importantes routines comportementales liées à des conditionnements, des automatisations et une perte de flexibilité cognitive.
Les résultats sur le cerveau et sur les modes de consommation
Le nouveau répertoire comportemental est alors dominé par une perte progressive du contrôle, les consommations devenant fréquentes avec une incapacité à les limiter. Il s’y associe des pensées obsédantes vis à vis du produit, une recherche et une consommation compulsive avec un besoin impérieux (craving) de reproduire la sensation plaisante initiale mais surtout d’apaiser un mal être, la nécessité d’augmenter les doses pour retrouver l’effet initial, et la poursuite de cette consommation quelles que soient les conséquences sous peine d’une souffrance psychique voire physique. Ces modifications persistent même après un arrêt de longue durée, elles sont à l’origine des rechutes fréquentes et impliquent des processus relevant de perturbations de la mémoire.
Les différents mécanismes neurobiologiques qui mènent à l’addiction
Pour expliquer cette installation progressive de l’addiction, quatre grands mécanismes complémentaires, qui se déroulent et se renforcent parallèlement, sont nécessaires :
- La sensibilisation motivationnelle : la saillance de la récompense (augmentation progressive de la motivation à consommer)
- L’apprentissage des habitudes : comportement automatique non lié à un effet recherché mais qui passe en mode stimulus-réponse
- l’allostasie hédonique : état émotionnel négatif lié à un déficit d’activation du circuit de la récompense, avec augmentation du seuil
- Le déficit de contrôle inhibiteur (atteinte des fonctions exécutives) : perte du contrôle intellectuel « raisonnable », effectué par le Cortex Pré-Frontal
Fonctionnement du cerveau d’un addict
Chez le sujet addict, il y a une survalorisation de l’objet du désir. Sa valeur « récompensant » le souvenir de celle-ci entraîne une motivation majeure : le simple désir est devenu besoin. Le contrôle cortical, raisonnable, est trop limité pour tenir compte du contexte et des conséquences.
Ces quatre grands mécanismes complémentaires s’appuient sur quatre circuits qui interagissent et sont interconnectés :
- Le circuit de la récompense (reward)
- Le circuit de la motivation : la saillance
- Les voies de la mémoire et des habitudes conditionnelles
- Le contrôle par le cortex pré-frontal, intellectuel et exécutif
Auxquels viennent s’ajouter, au fur et à mesure que la dépendance s’installe :
- La perception des états internes analysant le besoin et qui va jusqu’au craving (besoin compulsif de consommer) : insula
- Le circuit de l’évitement et de l’angoisse : l’habenula et l’amygdala
En situation normale, l’équilibre entre ces quatre circuits aboutit aux actions adaptées à notre situation émotionnelle ou de besoin. Le circuit de la récompense donne la valeur d’un besoin, celui de la motivation donne la valeur d’un besoin et répond aux états internes, celui de la mémoire met en jeu les associations apprises et celui du contrôle permet de résoudre les conflits. Chez le sujet normal, la décision d’entreprendre une action vers un but désiré tient compte de l’importance de la motivation pour cet objet, fonction de sa valeur de récompense, elle-même liée au souvenir du plaisir qu’il a entraîné précédemment. Mais, en fin de compte, c’est le contrôle cortical, préfrontal qui évaluera, en fonction du contexte et du désir anticipé et mémorisé, s’il convient d’agir ou de différer l’action.
En cas d’addiction, on assiste à un renforcement de la valeur du produit, aussi bien par la survalorisation du besoin (la saillance) que dans la motivation à s’en procurer, et à l’envahissement des circuits de mémoire avec déconnexion au moins partielle du circuit de contrôle inhibiteur exercé au niveau du cortex préfrontal par les associations corticales. Cela permet de mieux comprendre les attitudes psycho comportementales des sujets dépendants : le cerveau devient hypersensibilisé à la drogue et aux stimuli environnementaux qui lui sont associés, accorde beaucoup moins d’importance aux autres intérêts, objectifs et motivations devenus secondaires par rapport au besoin obsédant du produit.
Les informations qu’envoie tout le cerveau, valeur majeure de la récompense (nucleus accumbens), saillance majeure et donc motivation majeure (cortex cingulaire et cortex orbito frontal), mémoire exacerbée du plaisir (hippocampe) auquel se surajoute le craving (insula), sont devenues impérieuses, correspondant à un besoin perçu comme nécessaire, absolu et vital.
Tout le cerveau est désormais programmé pour reconnaître ce besoin comme primordial. Le contrôle « raisonnable » n’arrive plus à s’exercer, à contrebalancer ces informations de besoin majeur exigeant une action immédiate du cortex préfrontal pour le satisfaire.
Fonctionnement d’un cerveau non-addict (à gauche) et addict (à droite) :
⇒ Le cerveau addict n’est plus en mesure de choisir de consommer ou non le produit.
Comment sortir d'une addiction ?
Pour se libérer d'une addiction, il faut tout d'abord en avoir conscience et être prêt à s'en sortir. De nombreuses structures et associations existent pour accompagner les personnes victimes d'addiction. Parmi elles, on retrouve des services d'info (Drogues, Tabac, Alcool, Joueurs,..), des sites mis en place par les gouvernements qui accompagnent et dirigent vers des associations d'aide. Il existe aussi des annuaires d'associations utiles.