Prof « pygmalion » ou prof pédagogue

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Prof « pygmalion » ou prof pédagogue ?

Martine Fournier

« En français, je me mettais toujours au premier rang pour admirer ma prof et attirer son attention », « cet enseignant m'a donné la passion de l'histoire », « avec cette prof de math, je comprends tout, par contre j'ai décroché en anglais car la prof ne m'aimait pas », « celui-ci m'endort, celle-ci m'agace »... A écouter les élèves parler de leurs échecs et de leurs réussites, on se retrouve bientôt devant un inventaire à la Prévert, un peu déroutant, explique Pierre Merle, sociologue à l'IUFM de Bretagne, qui ne s'est pas laissé dérouté pour autant. Poursuivant ses recherches sur les causes de la mobilisation versus démobilisation scolaire (voir Sciences Humaines, n° 164) auprès de centaines de collégiens et d'étudiants en IUFM, P. Merle met en évidence deux facettes de ce que les sociologues ont appelé l'« effet-maître ».

Autrement dit, un enseignant peut être apprécié (et du coup faire réussir les élèves) soit pour ses aptitudes relationnelles, soit pour sa compétence didactique, la réunion des deux étant le nec plus ultra !

Le professeur « pygmalion », conformément au mythe bien connu de ce roi grec qui avait donné vie une statue de pierre par son regard amoureux (avec l'aide d'Aphrodite certes), est celui qui transforme l'élève. Admiré, il « donne envie d'apprendre et de connaître beaucoup de choses » ; on en parle alors en terme de passion, on loue son charisme, son dynamisme ou son charme... On le cite comme un modèle ou un référent. Son efficacité semble alors provenir de ses qualités de compréhension, voire d'une relation chaleureuse ou séductrice. Pour d'autres élèves, c'est plutôt la compétence didactique qui constitue la première explication de leur réussite : avec des cours « vivants et clairs », le prof jugé intéressant est parfois considéré comme capable d'accomplir des miracles. Si les collégiens ont du mal à expliciter les arcanes de ce savoir-faire professoral, certains évoquent les méthodes employées : leur implication dans un travail de groupe, dans un projet construit au cours de l'année (voyage à Madrid), la construction d'un cours d'anglais autour de projections cinématographiques de films américains...

Ces travaux sur l'expérience subjective des élèves mettent l'accent également sur les pratiques (relationnelles ou didactiques, explicites ou implicites) propres à engendrer découragement et démobilisation. Longtemps laissé de côté par une sociologie macro axée essentiellement sur la reproduction et les inégalités sociales, l'effet maître a longtemps été ignoré par les chercheurs. Il n'est pas autre chose, en fait, que l'équivalent « scientifique » de ces jugements portés couramment dans toutes les familles ? sur le « bon maître » ou le « bon professeur ». Aujourd'hui pourtant, il émerge au centre de nombreuses recherches européennes ou nord-américaines : les sociologues seraient-ils en train de s'attaquer à une question longtemps restée taboue ?

REFERENCES

  • P. Merle, « Mobilisation et découragement scolaires : l'expérience subjective des élèves », Éducation et société, n° 13, 2004.