Adaptationnisme

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  • La vision adaptationniste de l'évolution est l'objet d'intenses controverses scientifiques en particulier dans des domaines comme la psychologie évolutionniste. Elle est notamment critiquée par des biologistes comme Stephen Jay Gould et Richard C. Lewontin qui soulignent l'importance des contraintes développementales dans la formation des traits biologiques1. Selon leur article considéré comme un des plus célèbres de la biologie, « l'adaptationnisme procède en deux étapes : 1) l'atomisation de l'organisme en traits, chacun d'eux étant décrit comme une structure conçue de manière optimale, par la sélection naturelle, pour remplir sa « fonction » ; 2) chaque trait n'apparaissant pas, en fait, comme parfaitement adapté à sa fonction, l'adaptationniste explique que tout organisme est le meilleur compromis possible entre les différentes exigences environnementales auxquelles il est soumis2. »

Mais les tenants du paradigme adaptationniste mettent en avant certains phénomènes comme les convergences évolutives ou les coévolutions adaptatives pour minorer l'importance de ces contraintes ou le rôle du hasard face à la force de la sélection naturelle.

  • Histoire du concept

Jusqu'au XIXe siècle, les naturalistes n'employaient pas le terme d'adaptation ; ils lui préféraient les mots de "convenance" et d'"harmonie". Ce dernier reflète les idées finalistes qui, alors étaient très majoritaires.

Bernardin de Saint-Pierre est certainement celui qui a exprimé de la manière la plus naïve et caricaturale le finalisme anthropocentrique qui serait, selon lui, à l'œuvre dans la nature :

« Il n’y a pas moins de convenance dans les formes et les grosseurs des fruits. Il y en a beaucoup qui sont taillés pour la bouche de l'homme, comme les cerises et les prunes ; d’autres pour sa main, comme les poires et les pommes ; d’autres beaucoup plus gros comme les melons, sont divisés par côtes et semblent destinés à être mangés en famille : il y en a même aux Indes, comme le jacq, et chez nous, la citrouille qu’on pourrait partager avec ses voisins. La nature paraît avoir suivi les mêmes proportions dans les diverses grosseurs des fruits destinés à nourrir l'homme, que dans la grandeur des feuilles qui devaient lui donner de l’ombre dans les pays chauds ; car elle y en a taillé pour abriter une seule personne, une famille entière, et tous les habitants du même hameau. » (Études de la nature, ch. XI, sec. Harmonies végétales des plantes avec l'homme, 1784). Et de fait, c'est pour échapper à la téléologie voyant une finalité (divine ou non) dans la nature que la notion d'adaptation a été développé portant le débat aux frontières de la métaphysique.

C'est pourquoi Cuénot, un des premiers darwinien français écrivait en ouverture de son ouvrage L'Adaptation (1925) :

« L'adaptation est une effrayante question. […] Une adaptation est en réalité la solution d'un problème, exactement comme une machine ou un outil fabriqués par l'homme. […] Reconnaître les adaptations en tant que faits n'est pas très difficile : c'est question de critique, d'observations ou d'expériences bien conduites ; mais ensuite l'esprit demande impérieusement à comprendre le mécanisme par lequel les êtres vivants ont été pourvus de ces adaptations. Depuis les premiers philosophes grecs les explications se sont succédé, causes finales de l'école aristotélienne, réaction utile de l'être au milieu de Lamarck, sélection naturelle de Darwin, etc. ; assurément, tout le monde est d'accord, maintenant, pour rechercher aux adaptations une explication causale, dans le domaine de l'investigation scientifique, mais même si nous connaissions une loi générale qui en rendît un compte satisfaisant, comme on l'a cru longtemps pour la théorie darwinienne, il se poserait encore une question suprême, que l'Homme ne peut éluder. Pourquoi cette loi générale ? pourquoi tout se passe-t-il comme si la Nature voulait la perpétuation de la Vie ? pourquoi cette finalité spéciale que la Vie impose à la Matière ? Par ces questions, nous entrons dans le domaine de la métaphysique. » pp. 3-4. Cuénot n'a pas prétendu apporter une réponse à cette épineuse question, il se contente de signaler son existence. Toutefois, l'école néo-darwinienne se défend d'être finaliste et assure que l'adaptation, bien qu'elle ressemble à un phénomène dirigé, est exempte de toute téléologie. Le jeu des forces naturelles qui interviennent dans la sélection naturelle suffit à en rendre un compte exact et précis.

Évidemment, quand un être vit, prospère et se perpétue dans un milieu donné, sa structure et ses fonctions sont telles qu'elles permettent la vie ; autrement dit, il n'existe pas de désaccord entre elles et le milieu extérieur. Cette approximation autorise, à elle seule, à affirmer qu'il existe un minimum d'adaptation entre l'être organisé et son milieu. Considérons la faune d'un biotope limité, une mare, une plage marine, etc., nous voyons que les animaux qui la composent appartiennent à des types d'organisation très variés. Des solutions tout à fait différentes permettent donc l'ajustement de l'être vivant à son milieu et l'épanouissement de la vie. L'adaptation est rarement une notion ayant une valeur absolue ; elle présente toujours un caractère relatif.

Cuénot distingue trois types d'adaptations successives :

l'accommodation ou adaptation ponctuelle de l'individu à un milieu, l'acclimatation ou adaptation d'un groupe établi de manière durable dans un milieu, la naturalisation ou l'adaptation de l'espèce à un milieu où elle s'est établie de manière définitive. En outre, il considère aussi l'adaptation statistique ou adaptation physiologique et éthologique qui se traduit par une convergence des formes (par exemple, le requin et le dauphin) des organismes vivant dans des milieux semblables ou des organes (par exemple, l'œil chez la pieuvre et chez les mammifères) ayant en charge de remplir la même fonction, mais appartenant à des lignées différentes.

Il met aussi en évidence les Limites de l'adaptation, notamment à travers les Organes inutiles, les Organes utilisés mais non nécessaires, ou encore les Organes mal faits et les fonctions nuisibles que sont par exemples les Organes hypertéliques, c'est-à-dire démesurés et encombrants. Le grand Cerf Mégaloceros du Quaternaire d'Irlande développa ainsi des bois surdimensionnés atteignant 2,50 mètres d'envergure, mais en fait conformes au développement de la taille de son corps.

Au sujet des limites de la notion d'adaptation, Cuénot conclu ainsi :

« Dans une machine industrielle bien étudiée, il n'y a pas de rouage indifférent ; chaque écrou a son rôle éventuel ; la courbure des pièces, leur poids, leur épaisseur, ont été l'objet de recherches bannissant tout ce qui est inutile ; il n'y a pas d'organes rudimentaires, à moins qu'on ne se soit servi de vieilles pièces provenant d'autres machines, et gardant la trace de leur fonctionnement primitif ; il n'y a pas non plus de superflu, à moins que l'artisan, voulant rendre son œuvre plus agréable, n'y ait ajouté des ornements, des sculptures, comme dans les outils d'autrefois. La machine vivante, au contraire, a un passé où elle était autre qu'actuellement, et qui a laissé des traces ; la Nature ne lui demande que de vivre et de durer, tant bien que mal, et il lui importe peu que son fonctionnement soit économique. La position des biologistes modernes vis-à-vis la question de l'adaptation est donc, je pense à juste titre, tout autre que celle des naturalistes qui les ont précédés, de Bernardin de Saint-Pierre à Weismann : ces derniers, pour des raisons sans doute différentes mais qui aboutissaient au même résultat, étaient persuadés que tout était adapté, que chaque détail des organismes devait avoir une signification utile, un rôle à jouer : sans doute cette conviction a priori du cause-finalier ou du sélectionniste a souvent amené les physiologistes à des découvertes capitales, en les incitant à rechercher avec persévérance la fonction de petits organes jugés d'abord insignifiants, tels que le corps thyroïde, l'hypophyse, le thymus, les capsules surrénales, le corps jaune ovarien, les îlots de Langerhans du pancréas, etc., qui en effet ont un rôle important dans la coordination de l'organisme. […] Mais la médaille a un revers : cette conviction a amené bien souvent les naturalistes à rechercher et à attribuer des significations utiles à des structures qui n'en ont probablement aucune, et à errer grandement au sujet des adaptations. » pp. 52-53. En effet, la notion d'adaptation est devenue en quelque sorte la tarte à la crème de la biologie évolutive, elle est systématiquement convoquée, conjointement à la sélection naturelle, pour expliquer les particularités des êtres vivants, alors les études éthologiques qui pourraient en confirmer la pertinence sont inexistantes ou impossibles à mener (cas des fossiles).

Étienne Rabaud est un des biologistes qui ont critiqué la notion d'adaptation (et à travers elle le mécanisme de la sélection naturelle) de la manière la plus radicale:

"L'hypothèse [darwinienne] ne résiste pas à la critique la plus élémentaire. Ne suffit-il pas de constater que l'appréciation d'un avantage tourne dans un cercle vicieux ? Quand un organisme persiste, nous décidons qu'il possède une disposition avantageuse, et nous déclarons avantageuse une disposition quelconque, précisément parce que l'organisme persiste." [1] Rabaud remarque également que les explications concernent souvent des organes isolés, alors que l'organisme forme un tout, et que plus rarement encore des comparaisons sont faites entre les êtres vivants ayant des dispositions analogues, afin de déterminer la réalité de l'avantage ou du rôle que joue l'organe pour les êtres vivants concernés. Il constate également que les interprétations mises en avant pour justifier l’existence d’une particularité chez une espèce ne tiennent généralement pas compte du fait que d’autres espèces vivant dans le même milieu n’ont pas cette disposition supposée avantageuse, voire ont la disposition opposée et ne s’en portent pas plus mal.

Il en conclu que la notion d'adaptation est trompeuse et qu'elle est un obstacle à l'étude plus fine et plus précise des rapports effectifs des êtres vivants entre eux et avec leur milieu. Pour lui, la notion d'adaptation induit à prendre les conséquences pour les causes et inversement : ce n'est pas parce que l'être vit dans un milieu qu'il y est adapté, mais c'est plutôt parce qu'il y trouve de quoi vivre, qu'il est en adéquation avec les conditions, qu'il habite dans ce milieu.

Pour Rabaud, l'environnement n'est pas uniquement une contrainte qui s'impose à l'organisme, c'est aussi et avant tout l'espace où peut se déploier son activité autonome : l'être vivant n'est pas adapté au milieu ; c'est le contraire, il trouve dans le milieu les éléments spécifiques qui lui permettent d'assurer sa subsistance. L'analogie du vivant avec une machine induit à négliger et tend à faire oublier le caractère actif des êtres vivants dans la quête de leurs subsistances (particulièrement évidente chez les animaux), c'est-à-dire l'autonomie du vivant par rapport à son milieu.


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  • l’adaptationnisme se résume à raconter des « histoires » sans fondement solide et se suffit à lui-même. Si un scénario adaptatif est rejeté, un autre prend le relais, et comme « l’étendue des histoires adaptatives est aussi grande que nos esprits sont fertiles », il n’y a aucune limite au renouvellement des scénarios. Gould et Lewontin (1979) accusaient leurs collègues non seulement d’avoir une imagination foisonnante, mais également de ne pas faire leur travail, quand ils écrivaient : « Souvent, les évolutionnistes utilisent la cohérence avec la sélection naturelle comme seul critère et considèrent leur travail fini quand ils concoctent une histoire plausible. La clé de la recherche historique réside dans l’élaboration d’un critère d’identification des explications correctes parmi une collection substantielle de chemins possibles, pour n’importe quel résultat moderne ». Ils posaient crûment le problème de la sélection naturelle optimisant les adaptations comme seule hypothèse de travail, et les risques encourus à oublier les autres aspects pouvant intervenir dans l’évolution des caractéristiques des organismes pour expliquer la diversité du vivant.
  • selon eux, un ensemble d’alternatives ne sont pas considérées par l’adaptationnisme. On peut notamment lister ces cas selon les catégories ci-dessous (Gould et Lewontin 1979) :

- ni sélection ni adaptation (par simple dérive génétique, des mutations défavorables peuvent être fixées en dépit de la sélection naturelle, ou au contraire des mutations favorables peuvent être perdues par dérive) - ni adaptation ni sélection sur le caractère considéré, mais la morphologie est la simple conséquence d’une sélection sur un autre caractère (cas d’allométrie ou encore de pléiotropie) - découplage entre sélection et adaptation (tout ce qui est sélectionné n’est pas forcément adaptatif) - adaptation et sélection, mais pas de base sélective pour expliquer le choix entre adaptations similaires : cette situation se produit si un même type d’adaptation peut s’obtenir en suivant des voies différentes (par convergence), comme c’est le cas, par exemple, pour la morphologie de la coquille chez les escargots du genre Cerion - adaptation et sélection, mais l’adaptation en question est secondaire (postérieure) vis-à-vis de l’origine de la structure : Gould et Vrba (1982) reprendront cette distinction sous le terme d’exaptation (concept développé plus en détail ci-après) L’argumentation de Gould et Lewontin (1979) s’articule autour d’arguments à la limite d’une caricature plutôt grossière de l’adaptationnisme. Ceci eut pour effet de provoquer de vives réactions en retour, et continue aujourd’hui encore à faire couler de l’encre (parfois jusque dans des détails du jargon architectural, par exemple : Houston 1997). L’impact du débat soulevé reste encore à évaluer, mais il est certain qu’il a contribué à revoir l’idée d’une prépondérance de la sélection et de l’adaptation dans l’évolution


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