Erreurs de raisonnement

De Didaquest
Aller à la navigationAller à la recherche

En dialectique (l’art de raisonner par le dialogue), il arrive souvent que l’un ou l’autre des deux interlocuteurs essaie de prendre le dessus en utilisant une illusion logique. Le raisonnement semble correct, mais il est faux. Par exemple : “Il est borgne, donc c’est un bandit”.

Lorsque cette erreur de raisonnement est utilisée intentionnellement comme un stratagème pour prouver qu’on a raison, on appelle cela un sophisme. Mais on peut aussi le nommer paralogisme si c’est involontaire.

Dans la liste qui suit, nous allons voir quelques erreurs de raisonnement parmi les plus courantes. On pourra ainsi plus facilement repérer les incohérences dans les contenus ou dans les discours (politiques, publicitaires, discussions, débats,...):


L’appel à l’autorité

L’appel à l’autorité est un stratagème où l’on utilise une autorité pour prouver que ce que l’on dit est vrai. Tel professeur ou tel chercheur a dit cela, donc étant donnée son expérience, il doit avoir raison. Seulement l’argument n’est légitime que dans les conditions suivantes :

  • On parle bien d’un des domaines de compétence de la personne
  • La personne est suffisamment expérimentée dans le sujet en question
  • Les experts du domaine s’accordent sur le sujet (ce n’est pas un sujet qui divise la communauté)
  • La personne n’est pas dépendante d’une influence externe (pas de conflit d’intérêt)
  • Le domaine de compétence est légitime (les prophéties d’une voyante n’ont jamais rien prouvé)
  • La personne est clairement identifiée (on ne peut pas accorder de crédit à une affirmation vague telle que : “les experts sont unanimes“)

On notera cependant que même si toutes ces conditions sont réunies, la parole d’un expert reste toujours soumise à l’erreur humaine.

  • Exemples :
    • Le régime minceur 804 est très efficace. Il a été conçu par un phytonutritiologue.
    • Ca c’est un trèfle à quatre feuilles magique : le Dalaï Lama l’a béni de ses propres mains.
    • Sir Arthur Conan Doyle croyait aux fées, tu vois bien qu’elles existent!


L’appel à la popularité

L’appel à la popularité consiste à affirmer que quelque chose est vrai simplement parce que beaucoup de gens le croient. Pourtant l’Histoire nous montre que l’humanité s’est maintes et maintes fois trompée. On croyait autrefois que la Terre est plate, que le Soleil tourne autour de nous, ou que nous ne supporterions pas de nous déplacer à plus de 40 kilomètres à l’heure.

Ce type de “raisonnement” est souvent convainquant à cause de notre instinct grégaire. En tant qu’animaux sociaux, la plupart des hommes tendent à suivre la masse comme des moutons de Panurge.

  • Exemples :
    • 85% de la population mondiale croit à l’existence d’un être supérieur omniscient, cela prouve bien que Dieu existe!
    • Tout le monde utilise le produit X, il est donc indéniable que le produit X est le meilleur du marché.

La généralisation hâtive

La généralisation hâtive consiste à déduire une vérité à partir des propriétés d’un échantillon trop petit pour être représentatif de l’ensemble des cas.

Beaucoup de gens la commettent parce qu’ils sont trop feignants pour trouver un échantillon représentatif, ou bien parce qu’ils ont des préjugés. Ainsi un misogyne prendra le fait qu’une femme a eu un accident de voiture comme une preuve que les femmes en général ne savent pas conduire.

  • Exemples :
    • La semaine dernière je me suis fait piquer mon portefeuille en Italie. Ah ces italiens, tous des voleurs!
    • Si je crois au réchauffement climatique? Mon oeil! Cette année à Moscou nous avons eu le pire hiver depuis 50 ans!
    • Marc est en vacances en Angleterre. En arrivant, il voit deux lapins albinos gambader dans un parc. Dans la lettre à ses parents, il écrit donc que les lapins anglais sont tous blancs.


Le faux dilemme

L’interlocuteur nous fait croire à tort qu’il n’y a que deux possibilités. Si l’une d’elle est fausse, l’autre doit donc forcément être vraie.

Pour s’en prémunir, il suffit de citer d’autres possibilités.

  • Exemples :
    • Soit tu es avec nous, soit tu es contre nous (on peut aussi être neutre)
    • Soit nous renforçons les forces en Iraq, soit nous avons perdu la guerre contre le terrorisme (il y a d’autres manières de gagner la guerre contre le terrorisme)

La pétition de principe

Méthode : consiste à faire une démonstration qui contient déjà l’acceptation de la conclusion, ou qui n’a de sens que lorsque l’on accepte déjà cette conclusion.


  • Exemples :
    • La psychogénéalogie est une thérapie efficace puisque cette méthode aide les gens à aller mieux.
    • Les recherches bactériologiques de l’Armée sont nécessaires, sinon comment pourrait-elle nous soigner en cas d’attaque militaire bactériologique ?
  • Il y en a de nombreuses formes :
    • Par insinuation : Nous ouvrons aujourd’hui le procès d’un ignoble meurtrier.
    • Par insinuation interrogative : Vous allez me dire que les lois physiques existent indépendamment de la volonté de Dieu?
    • Par analogies : Au même titre qu’une maison a besoin d’un architecte, il est évident que l’univers a besoin d’un Créateur.
    • Par raisonnements en boucle : Jésus est né d’une vierge. Comment cela serait-il possible sans l’intervention divine ? Que la réponse soit oui ou non, l’interlocuteur a déjà affirmé explicitement l’existence d’une volonté divine.

L’homme de paille

Il consiste à remplacer ce qu’a dit l’interlocuteur par un argument beaucoup plus faible. Ainsi on gagne des points en attaquant cette version plus facilement réfutable. Mais tout comme il n’est pas bien difficile de mettre KO un homme de paille, faire face à un argument déformé n’est pas non plus très impressionnant.

  • Exemples :
    • Vous ne voulez pas mettre au point ce programme de construction de porte-avions? Je ne comprends pas pourquoi vous voulez laisser notre pays sans défense.
    • Tu crois à l’évolution? Alors d’après toi ton arrière grand père était un gorille?

La pente glissante

Le principe de la pente glissante consiste à dénoncer une action sous le prétexte qu’elle provoquerait un résultat catastrophique par l’enchaînement des événements qu’elle cause. Mais si cet enchaînement n’est pas rationnel, l’argument est fallacieux.

  • Exemples :
    • Vous voulez censurer ce baiser entre deux hommes? Si ça continue les acteurs ne pourront même plus jouer des personnages homosexuels!
    • Vous voulez augmenter les quotas de chasse au Kangourou? Ce sera quoi ensuite? Les koalas, les diables de Tasmanie, les marsupiaux et toutes les espèces phares de l’Australie?

Deux faux donnent un vrai

Il consiste à justifier un comportement sous prétexte que d’autres font la même chose, ou pire. Très utilisé par les je-m’en-foutistes de tout poil.

  • Exemples :
    • Pourquoi devrait-on acheter des véhicules plus économes en carburant? Les américains sont les premiers consommateurs de pétrole et malgré la hausse des prix ils continuent à acheter de grosses voitures.
    • On ne jette pas son chewing gum par terre! Mais maman regarde Julie elle a bien jeté son chewing gum elle!
    • Pourquoi je dirais à la caissière qu’elle a oublié de me compter le paquet de cigarettes? Si j’avais payé trop, elle l’aurait mis dans sa poche.

Confondre synchronicité et causalité

Cette erreur de raisonnement assume une relation de cause à effet entre deux événements simplement parce qu’ils arrivent au même moment. Par exemple : “j’ai cassé un miroir, et je me suis cassé la jambe le même jour; je n’aurais jamais dû casser ce miroir”. C’est ainsi que naissent les superstitions : on tire une conclusion d’une coïncidence alors que bien d’autres variables sont en jeu.

Pour éviter ce genre d’erreur, le mieux est de renouveler l’expérience en faisant varier au maximum les paramètres. Par exemple pour prouver que la cigarette provoque le cancer du poumon, on peut regarder si les gens qui arrêtent tôt ont moins de chance d’avoir un cancer du poumon, ou vérifier que l’utilisation de cigarettes non filtrées augmente ce risque, etc.

  • Autres exemples :
    • Pendant les années 90, la participation aux cultes religieux a augmenté ainsi que la prise de drogues. Pratiquer une religion favorise donc la toxicomanie!
    • La plupart des violeurs lisaient des revues pornographiques étant adolescents. Cela prouve bien que la pornographie déclenche des comportements de violence envers les femmes.
    • Hier soir j’ai mis une casquette et deux femmes sont venues me parler. Elle doit vraiment bien m’aller cette casquette!

Le hareng fumé

On dit que les prisonniers en fuite avaient coutume de laisser des harengs fumés derrière eux pour détourner de leur but les chiens qui les pistaient. C’est ce même principe qui est utilisé ici : on introduit un sujet hors de propos dans le seul but de dévier vers un sujet plus facile à traiter.

  • Exemples :

-Caroline, n’oublies pas de faire tes devoirs!

-Tu as vu : y’a le chat qui lave la vitre avec sa patte

    • Nous devrions rendre plus stricte les admissions à l’Université. Les budgets sont serrés et nous ne pouvons pas admettre de réduire les salaires.

L’attaque contre la personne

Cette erreur de raisonnement consiste à attaquer la personne au lieu d’analyser et de contredire ses arguments. Les gens qui croient aux théories paranormales s’en servent pour dénigrer les sceptiques en disant qu’ils n’ont pas l’esprit ouvert. Les sceptiques quant à eux contre attaquent en disant à l’amateur d’OVNIS qu’il faut être stupide pour y croire.

Le terme Empoisonner le puit est également employé pour désigner une autre forme d’attaque contre la personne. Elle consiste à discréditer une personne en insinuant qu’elle possède un trait abjecte, ou qu’elle est affiliée à des personnes ou des croyances fausses ou impopulaires.

  • Exemples :
    • Tom Cruise adhère à la scientologie, il ne peut être qu’un acteur minable.
    • Tu ne peux pas critiquer mon blog puisque tu n’es même pas blogueur toi-même.
    • Elle ment comme elle respire, c’est évident! Comment pouvez-vous croire au témoignage d’une prostituée?