Vie - Canguilhem
La genèse du concept
- La première esquisse d’une définition générale de la vie se trouve dans Aristote. « Parmi les corps naturels [i.e. non fabriqués par l’homme] certains ont la vie et certains ne l’ont pas. Nous entendons par vie le fait de se nourrir, de croître, et de dépérir par soi-même » (De l’âme, II, 1). Et, plus loin, Aristote dit que la vie est ce par quoi le corps animé diffère de l’inanimé. Mais le terme de vie, comme celui d’âme, est capable de plusieurs acceptions. Il suffit toutefois que l’une d’entre elles convienne à tel objet de notre expérience « pour que nous affirmions qu’il vit » (II, 2). La végétation ou végétalité représente le minimum d’expression des fonctions de l’âme. Il n’y a pas de vie à moins. Il n’y a pas de forme plus riche de vie qui ne la suppose comme sa condition nécessaire (II, 3). L’identification des notions de vie et d’animation et, par suite, la distinction de la vie et de la matière, dans la mesure où l’âme-vie est la forme ou l’acte du corps naturel vivant, constituent une conception de la vie aussi vivace, à travers les siècles, que l’a été la philosophie aristotélicienne. Toutes les philosophies médicales qui, jusqu’au commencement du XIXe siècle, ont tenu la vie pour un principe soit original, soit confondu avec l’âme, essentiellement différent de la matière, faisant exception à ses lois, ont été directement ou indirectement débitrices de cette partie du système aristotélicien qu’on peut appeler indifféremment biologie ou psychologie.
- Mais la philosophie d’Aristote est également responsable, et cela jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, d’une méthode d’étude des êtres vivants, spécialement des animaux, et de leurs propriétés, qui consiste à les classer, à les distribuer en un tableau de ressemblances et de différences, selon leurs parties – c’est-à-dire leurs organes –, leurs actions ou fonctions, leurs modes de vie. De sorte qu’en fait Aristote a accrédité chez les naturalistes une façon de percevoir les formes vivantes qui éclipsait l’interrogation sur la nature de la vie derrière le souci d’étaler, sans lacunes et sans redondances, les produits observables d’un pouvoir plastique qui ne posait, quant à lui, pas de problèmes. C’est la raison pour laquelle on cherche vainement chez les naturalistes de l’âge classique, comme Buffon ou Linné, ce qu’on pourrait appeler une définition de la vie, comme mode d’existence spécifique des êtres qu’ils décrivent et qu’ils classent. À l’âge classique, l’interrogation sur la vie est davantage le fait des médecins que celui des naturalistes, elle est nécessairement liée à l’interrogation sur la nature de la santé, qui est le mode normal de vie, dont, à partir du XVIIe siècle, la physiologie, au sens étroit du terme, constitue l’étude. S’il arrive qu’on s’interroge sur la vie, c’est davantage pour en déterminer les signes ou les marques de reconnaissance, pour fixer les critères de l’état vivant, que pour rechercher ce qu’est essentiellement ce pouvoir singulier de la nature. Un philosophe-médecin, John Locke, écrit en 1690 :
« Il n’y a point de terme plus commun que celui de vie, et il se trouverait peu de gens qui ne prissent pour un affront qu’on leur demande ce qu’ils entendent par ce mot. Cependant, s’il est vrai qu’on mette en question si une plante qui est déjà formée dans la semence a de la vie, si le poulet dans un œuf qui n’a pas encore été couvé, ou un homme en défaillance, sans sentiment ni mouvement, est en vie ou non, il est aisé de voir qu’une idée claire, distincte et déterminée n’accompagne pas toujours l’usage d’un mot aussi connu que celui de vie » (Essai philosophique concernant l’entendement humain, III, X, 22).
C’est encore sous le rapport des signes perceptibles de la vie que Kant a commencé à disserter des rapports de la matière morte (inerte) et des principes spontanés d’animation de cette même matière.
« Mais des membres de la nature quels sont ceux jusqu’auxquels la vie s’étend et quels sont les degrés de la vie qui confinent à son entière suppression, peut-être sera-t-il impossible d’en décider jamais d’une façon certaine » (Rêves d’un visionnaire, 1766, II).
- C’est un médecin allemand, Georges-Ernest Stahl (1660-1734), qui a le plus fait pour imposer une théorie de la vie comme fondement indispensable de la pensée et de la pratique médicales. Stahl est le médecin qui a le plus abondamment utilisé le terme de vie. Si le médecin ignore quelle est la fin, la destination des fonctions vitales, comment pourra-t-il donner un sens à son intervention ? Or, ce qui confère la vie, c’est-à-dire le mouvement dirigé, finalisé, sans lequel la machine corporelle se décompose, c’est l’âme. Les corps vivants sont des corps composés, constamment menacés d’une prompte dissolution et d’une facile corruption, et pourtant doués d’une disposition contraire et opposée à la corruption. Le principe de conservation, d’autocratie de la nature vivante, ne peut pas être passif, donc matériel. L’évidence spécifiquement médicale, c’est l’autoconservation du vivant. Cette évidence fonde la Theoria medica vera (1708). Certains, ayant bien lu Stahl, qui renonceront à l’identification de la vie et de l’âme, n’oublieront pas pour autant la force avec laquelle il a défini la vie comme pouvoir de suspendre temporairement un destin de corruptibilité.
En des termes moins chargés de métaphysique, Bichat a commencé ses Recherches physiologiques sur la vie et la mort (1800) par la formule célèbre :
« La vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort. »
En définissant la vie par un conflit entre un corps composé de tissus de structure et de propriétés spécifiques (élasticité, contractilité, sensibilité) et un environnement ou un milieu – comme devait dire un peu plus tard Auguste Comte – où s’expriment des lois indifférentes aux exigences propres du vivant, Bichat se présentait comme un Stahl purgé de théologie. Cette purgation avait été en partie l’œuvre de l’école médicale de Montpellier, et singulièrement de P. J. Barthez. Les Nouveaux Éléments de la science de l’homme (1778) sont un traité de physiologie vitaliste.
« Je prouverai que le Principe vital doit être conçu par des idées distinctes de celles qu’on a du Corps et de l’Âme ; et que nous ignorons même si ce principe est une substance, ou seulement un mode du corps humain vivant. »
Même si Barthez fait de grandes réserves sur la façon dont A. von Haller a compris la physiologie, il n’en reste pas moins que la réfutation des principes de la physiologie mécanique par l’observation des phénomènes d’irritabilité musculaire et de sensibilité nerveuse, tenus pour irréductibles à des effets d’ordre simplement mécanique ou physique, a tenu une grande place dans l’élaboration, par La Caze et Bordeu, d’une doctrine d’école dont Barthez s’est inspiré plus qu’il n’a voulu en convenir.
L’année même de la mort de Bichat, en 1802, le terme de biologie était utilisé pour la première fois, et simultanément, en Allemagne par G. R. Treviranus, et en France par Lamarck (in Hydrogéologie), pour revendiquer un statut d’indépendance propre à la science de la vie. Si Lamarck s’est proposé, pendant longtemps, d’écrire un traité intitulé Biologie, c’est parce que, très tôt dans son enseignement du Muséum, il a proposé une théorie de la vie. Ce qui est « essentiel à l’existence de la vie dans un corps » doit être recherché dans l’examen des organismes les plus simples. Une organisation compliquée requiert des organes à la fois spécialisés et interdépendants, mais qui ne sont pas nécessairement liés « à l’existence de la vie dans tout corps vivant quelconque ». Sous ce rapport, l’enseignement de Lamarck ne contredisait pas celui de Cuvier, qui se flattait, par sa conception personnelle de l’anatomie comparée, d’avoir rendu possible la dissociation des fonctions générales de la vie d’avec les modes d’exercice spéciaux que leur impose, chez tels ou tels vivants, la possession de tels ou tels organes (Lettre à Lacepède, in Anatomie comparée, III, 1805).
Mais Lamarck conçoit la vie comme l’accumulation et l’intériorisation continues et progressives de mouvements de fluides dans les solides, sous la forme initiale d’un tissu cellulaire, « gangue dans laquelle toute organisation a été formée ». Ainsi la vie, dont les origines naturelles doivent être cherchées dans la matière et le mouvement, nous révèle son pouvoir original par la succession ordonnée de ses effets, la série des vivants, dont elle a compliqué graduellement l’organisation et dont elle a multiplié les facultés (Recherches sur l’organisation des corps vivants, 1802). Bien que mourir soit le lot de chaque individu, la vie semble, avec le temps, et sous les aspects les plus éminents de l’animalité, avoir pris ses distances avec l’état de passivité et d’inertie des corps bruts, à partir d’un premier « acte de vitalisation », effet de la chaleur, « cette âme matérielle des corps vivants » (Philosophie zoologique, 1809, II, VI). On peut qualifier de matérialiste la théorie lamarckienne de la vie, à la condition d’oublier que pour Lamarck « toutes les matières composées, brutes ou inorganiques, qu’on observe dans la nature » sont les résidus de la décomposition des corps vivants, seuls capables, parce que vivants, d’opérer des synthèses chimiques.
Tout autre est la conception de Cuvier. La vie et la mort ne sont pas opposées dans une sorte de relation polémique, comme chez Lamarck, chez Bichat ou chez Stahl, mais composées dans des modes de vie, exprimant la compatibilité d’organisations internes, rigoureusement spécialisées, avec des conditions générales d’existence.
« La vie est un tourbillon continuel dont la direction, toute compliquée qu’elle est, demeure constante, ainsi que l’espèce des molécules qui y sont entraînées, mais non les molécules individuelles elles-mêmes ; au contraire la matière actuelle du corps vivant n’y sera bientôt plus, et cependant elle est dépositaire de la force qui contraindra la matière future à marcher dans le même sens qu’elle. Ainsi la forme de ces corps leur est plus essentielle que leur matière, puisque celle-ci change sans cesse tandis que l’autre se conserve » (Histoire des progrès des sciences naturelles depuis 1789 jusqu’à ce jour, 1810).
On voit où se noue le rapport du vivant avec la mort.
« C’est s’en faire une idée fausse [de la vie] que de la considérer comme un simple lien qui retiendrait ensemble les éléments du corps vivant, tandis qu’elle est, au contraire, un ressort qui les meut et les transporte sans cesse : ces éléments ne conservent pas un instant les mêmes rapports et les mêmes connexions, ou, en d’autres termes, le corps vivant ne garde pas un instant le même état ni la même composition ; plus sa vie est active, plus ses échanges et ses métamorphoses sont continuels ; et le moment indivisible de repos absolu, que l’on appelle la mort complète, n’est que le précurseur des mouvements nouveaux de la putréfaction. C’est ici que commence l’emploi raisonnable du terme de forces vitales… » (ibidem).
La mort est présente dans la vie, à la fois comme trame universelle et échéance inéluctable de ses formations diversement organisées, de façon à la fois cohérente et fragile.
Désormais, grâce à la révolution conceptuelle et méthodologique que les travaux de naturalistes comme Lamarck et Cuvier ont provoquée, bien que différemment, dans la représentation du monde des vivants, les théories de la vie ont pris place, logiquement, dans l’enseignement de physiologistes qui ont cru avoir exorcisé par la méthode expérimentale le spectre de la métaphysique. C’est ainsi que le Handbuch der Physiologie des Menschen (1833-1834) de Johannes Müller traite, dans ses prolégomènes, de l’organisme et de la vie, essence de l’organisation vitale, ainsi que de l’organisme animal et de la vie animale. C’est ainsi que Claude Bernard, dont le Cahier de notes a conservé la trace du cheminement intellectuel durant la période la plus féconde de sa carrière (1850-1860), n’a cessé de s’interroger sur la vie comme sur le problème fondamental d’une biologie générale, interrogation dont les conclusions nuancées sont exposées dans les Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux (1878 ; particulièrement les trois premières leçons), plus systématiquement que dans l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale (1865). On sait que la théorie bernardienne de la vie consiste à donner une explication coordonnée de deux formules volontairement contrastées : la vie c’est la création (1865), la vie c’est la mort (1875).
Ayant acquis au XIXe siècle le statut d’une question de caractère éminemment scientifique, « qu’est-ce que la vie ? » est devenu une interrogation à laquelle le physicien même ne dédaigne pas de chercher une réponse (E. Schrödinger, What Is Life ? 1947), alors qu’il arrive au biochimiste de trouver la question mal posée (E. Kahane, La vie n’existe pas, 1962). Ici finit l’historique de l’apparition du concept de vie dans le champ de la culture scientifique. Sa dette est grande envers Michel Foucault (Les Mots et les choses, 1966, VIII).
Les obstacles à la connaissance scientifique de la vie
C’est à l’œuvre de Gaston Bachelard que l’épistémologie française contemporaine doit l’intérêt qu’elle porte, en général, à l’origine et au fonctionnement des obstacles à la connaissance. En esquissant les principes d’une psychanalyse de la connaissance objective, Bachelard, s’il ne l’a pas proposé lui-même, a du moins suggéré l’idée qu’il n’y a pas pour la connaissance d’objets en soi complexes, mais des objets de complexes. La question des obstacles ne se pose ni pour l’empirisme ni pour le rationalisme classique. Pour l’empiriste, nos sens sont des récepteurs. Il méconnaît le fait que les sens sont aussi des producteurs de qualités. Pour le rationaliste, la connaissance déprécie la sensibilité, une fois pour toutes. Quand l’intellect est retrouvé dans sa pureté, on ne peut plus le perdre. Au contraire, pour l’anthropologie contemporaine, instruite par la psychanalyse et l’ethnographie, on ne peut considérer les obstacles à la science autrement que comme des contraintes obsessionnelles qu’un paléopsychisme impose d’avance et indistinctement aux entreprises de recherche d’une pensée à la fois curieuse et docile. C’est donc le sens de la présence obsédante de valeurs étrangères à la connaissance, dans l’acte initial de cette même connaissance, qui doit être dégagé dans le cas de la connaissance de la vie. On peut dire en un mot que, même si la connaissance objective, étant entreprise humaine, est en fin de compte un travail de vivant, son postulat, ou sa condition première de possibilité, consiste dans la négation systématique, en tout objet auquel elle s’applique, de la réalité des qualités que le vivant humain identifie avec la vie, d’après la conscience qu’il a de ce qu’est, pour lui, vivre. Vivre, c’est valoriser les objets et les circonstances de son expérience, c’est préférer et exclure des moyens, des situations, des mouvements. La vie, c’est le contraire d’une relation d’indifférence avec le milieu. Bichat l’a noté avec beaucoup de perspicacité :
« Il y a deux choses dans les phénomènes de la vie : l’état de santé, celui de maladie ; de là deux sciences distinctes, la physiologie […], la pathologie. L’histoire des phénomènes dans lesquels les forces vitales ont leur type naturel nous mène, comme conséquence, à celle des phénomènes où ces forces sont altérées. Or, dans les sciences physiques, il n’y a que la première histoire ; jamais la seconde ne se trouve » (Introduction à l’Anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine, 1801).
Quant à la connaissance, elle nie les inégalités axiologiques que la vie introduit dans les relations des objets entre eux, elle mesure, c’est-à-dire elle détermine, ses objets par relation des uns aux autres, sans privilège de référence et de référé. Son premier succès historique majeur a été la mécanique fondée sur le principe d’inertie, par soustraction du mouvement de la matière au pouvoir exécutif de la vie. Inertie, c’est inactivité et indifférence. On conçoit donc aisément que l’extension à la vie des méthodes de la connaissance de la matière ait rencontré jusqu’à nos jours des résistances renouvelées, qui n’exprimaient pas toujours uniquement une répugnance de nature affective, mais parfois le refus réfléchi d’un espoir paradoxal, celui d’expliquer un pouvoir au moyen de concepts et de lois initialement formés à partir d’hypothèses qui le nient.
Quand il a voulu faire une « psychanalyse de la vie », Bachelard a écrit Lautréamont (1939), où il montre que les premiers efforts de l’objectivité scientifique pour rectifier le réalisme naïf de l’animalité n’ont pas échappé « à la séduction première du complexe de Lautréamont ». En un éclair de génie, Bachelard, qui n’a pourtant pas fait place dans ses écrits à la philosophie biologique, a découvert dans Les Chants de Maldoror en quoi consiste l’obstacle primordial à l’intelligence de l’objet biologique : le désir de métamorphose.
L’idée de métamorphose est sans doute l’indice le plus sûr de la surdétermination de l’objet biologique, si l’on entend par là le fait pour tel objet ou tel comportement de servir de substitut à un grand nombre d’objets ou d’actes interdits. Cette surdétermination concerne d’ailleurs l’animalité plus que la végétalité. La pensée archaïque et la pensée primitive ont fait et font un usage massif et constant de la métamorphose, de la conversion de formes animales spécifiques les unes dans les autres. Cela, bien évidemment, n’a rien à voir avec une pensée transformiste, puisque le transformisme implique une orientation par la causalité, alors que la métamorphose est possible dans tout sens. Derrière l’imagination de la métamorphose, il faut apercevoir le désir inassouvi d’un pouvoir illimité de réalisation du désir. L’animal dans lequel l’homme rêve de se métamorphoser, c’est le délégué de l’homme pour le succès d’un acte qu’un obstacle naturel ou une censure sociale l’empêche d’exécuter. Peu d’animaux totems ne présentent pas quelque qualité désirable pour l’homme. Dans ses rêves de métamorphoses, l’homme s’identifie à toutes les possibilités, à toutes les libertés supposées de l’animalité. Comme dit Bachelard : « L’homme apparaît alors comme une somme de possibilités vitales, comme un suranimal. » Mais il est immédiatement sensible qu’un tel vecteur de l’imagination est en opposition directe avec les exigences d’une connaissance méthodique des êtres vivants : classification, détermination de constantes fonctionnelles, de lois de l’hérédité. L’un de ceux qui, pour des raisons poétiques plus que scientifiques, ont tenté d’importer en botanique l’idée de métamorphose a cependant écrit :
« L’idée de métamorphose est un merveilleux mais dangereux don d’En haut. Elle aboutit à l’amorphisme, elle détruit le savoir, elle le dissout » (Goethe, Essai sur la métamorphose des plantes, 1790).
Il ne semble pas arbitraire de déceler dans l’interrogation persistante relative aux origines de la vie et dans les différentes versions de la thèse des générations spontanées la présence latente d’une autre surdétermination affective. Qui ne sait – et ne dit – aujourd’hui que la question de la génération est d’autant plus fascinante pour l’individu humain sexué qu’elle est censurée plus encore que dissimulée par la société. La fabulation enfantine à ce sujet exprime le caractère à la fois important et mystérieux de la naissance. Alors que bien des historiens de la biologie, quand ils traitent des origines de la vie, attribuent, en toute simplicité, à l’absence de preuves ou à l’insuffisance de preuves négatives les croyances successives en la spontanéité de générations de vivants à partir de la matière, on peut se demander si ce ne serait pas un désir nostalgique de génération spontanée, un mythe en somme, qui serait le fond positif de cette théorie. On sait qu’un disciple dissident de Freud, Otto Rank, dans Le Traumatisme de la naissance (1924), a soutenu l’idée que la séparation brutale de l’enfant d’avec le milieu placentaire est l’origine et le modèle de toute angoisse, et que les mythes de négation, c’est-à-dire de refus, de la naissance en apportent la confirmation. Son étude sur Le Mythe de la naissance du héros, sur la formation d’hommes refusant leur étape embryonnaire, se donne pour un argument complémentaire de la théorie. Sans aller jusqu’à prétendre que tous les partisans de ce qu’on a appelé la génération équivoque ou l’hétérogonie, qu’ils aient été matérialistes ou créationnistes, n’ont fait que mettre en forme de discours un fantasme originaire de leur inconscient traumatisé, il reste que la théorie de la génération spontanée est une survalorisation de la vie. Dans l’aversion pour la naissance et la genèse qui ne sont, à la rigueur, que suite et descendance, il faut apercevoir un effet du prestige de l’originel, du primordial. Si le vivant doit naître et s’il ne peut naître que du vivant, la vie est une servitude. Mais, si le vivant peut être promu parfait par une ascension sans ascendance, la vie est une domination.
Mais il existe une autre espèce d’obstacle épistémologique en biologie, et qu’on peut nommer l’obstacle d’intérêt technique. Les pratiques alimentaires, la médecine et la pharmacie, l’élevage et l’agriculture, après la chasse, la pêche et la cueillette, sont les principales formes des rapports que les différentes sociétés humaines ont d’abord institués avec les êtres vivants. Lamarck a répété, à plusieurs reprises, que l’intérêt économique, relatif à l’usage des produits vivants de la nature, a précédé l’intérêt philosophique, relatif à la connaissance de ces mêmes objets. Mais il ne s’est pas posé la question de savoir si la première sorte d’intérêt n’était pas pour la seconde une source permanente de perturbations. On n’a peut-être pas assez remarqué combien l’utilisation d’un être vivant diffère de l’utilisation d’un objet inerte.
L’homme a fabriqué des outils en isolant, en séparant, dans les matières inertes, une certaine propriété (par exemple, dureté du métal pour un couteau, une sagaie ; élasticité du bois pour un arc, un ressort de piège). Les techniques de l’objet inerte constituent, en quelque sorte, une pratique de l’abstraction. Sans doute, l’homme doit prendre, en même temps que la propriété qu’il utilise, toutes les autres propriétés de la matière donnée, la rouille, par exemple, pour le fer ; mais son ingéniosité consiste à les neutraliser relativement à l’emploi qu’il fait, exclusivement, de la propriété utile. Par contre, pour utiliser l’être vivant il faut le prendre en totalité, et le conserver tel. Qu’il s’agisse d’aliments ou de vêtements, les techniques anciennes, et même contemporaines, d’utilisation des produits végétaux ou animaux ne sont pas des techniques analytiques. On peut concevoir, et on a pu tenter d’obtenir en laboratoire, par la culture de tissus ou d’organes, des produits vivants dirigés, équivalents des produits spontanés correspondants. Mais enfin, même dans les élevages les plus scientifiquement organisés, on continue à confier aux poules le port de leurs ovaires, aux moutons le port de leur tissu cutané lanifère, aux chevaux la circulation de leur sang générateur d’anticorps immunisants. C’est que les vivants autres que l’homme ont intéressé l’homme dans la mesure où ils opéraient d’eux-mêmes des transformations physiques et chimiques aboutissant à des produits que l’homme ne savait se donner par ses techniques analytiques, comme la soie, le miel, l’opium, les fécules, les teintures, les poisons. De même qu’utiliser un produit végétal, dans l’alimentation ou la pharmacopée, c’est valoriser sa qualité de synthèse, primitivement nommée essence ou vertu, de même utiliser un pouvoir animal (odorat du chien courant ou du porc truffier, vision du faucon, sens d’orientation du pigeon), c’est prendre en charge l’animal tout entier. Il est donc à peine besoin d’insister sur la force de l’inclination que l’usage de la vie par le vivant humain a enracinée en lui, par laquelle toute tentative d’explication analytique de la vie se trouve d’abord inconsciemment censurée. Il serait trop aisé de retrouver dans maint texte de l’époque de la Renaissance ou du XVIIe siècle des traces de cette censure obsessionnelle. Mais il paraît plus convaincant de les signaler à l’époque plus proche où, par les travaux de Pasteur, les questions de l’origine et de la nature de la vie ont été posées sur le terrain où l’on sait désormais qu’elles peuvent trouver leur solution. François Dagognet (Méthodes et doctrine dans l’œuvre de Pasteur, 1967) a montré quels obstacles les expériences et les analyses de Pasteur concernant la fermentation ont rencontrés dans l’esprit de biologistes ou encore de biochimistes, ses contemporains, qui projetaient dans leur explication de ce phénomène des images mythiques fomentées par les techniques millénaires de la fabrication du pain et du vin.
La vie comme animation
On a tout à fait oublié, en parlant d’animal, d’animalité ou de corps inanimé, que tous ces termes sont les vestiges de l’antique identification métaphysique de la vie et de l’âme et de l’identification de l’âme avec le souffle (anima anemos). Ainsi le seul vivant capable du discours sur la vie a-t-il cru parler de la vie en général en parlant de la sienne, comme d’une respiration sans laquelle lui-même, manifestement, est incapable non seulement de la vie, mais de la parole. Si les philosophes grecs antérieurs à Aristote, et Platon plus et mieux que tous, ont spéculé sur l’essence et la destinée de l’âme, c’est cependant au traité aristotélicien De l’âme que remonte la distinction traditionnelle de l’âme végétative ou nutritive, faculté de croissance et de reproduction, de l’âme animale ou sensitive, faculté de sentir, de désirer et de mouvoir, et de l’âme raisonnable ou pensante, faculté d’humanité. Peu importe ici de savoir si Aristote a conçu ces trois âmes comme des entités distinctes ou seulement comme des degrés hiérarchisés, où l’inférieur peut exister sans le supérieur dont il est pourtant la condition indispensable d’existence et d’exercice. L’important est de rappeler que psychè signifie, pour les Grecs, « souffle rafraîchissant », et que les Juifs ne se sont pas fait une idée différente de l’âme et de la vie, comme en témoigne le verset de la Genèse :
« L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant. »
Il ne saurait être question de retracer l’histoire des écoles d’Alexandrie, juive avec Philon, platonicienne avec Plotin, dont les enseignements combinés avec la prédication paulinienne (I Cor., XV) ont inspiré les thèmes fondamentaux de la première doctrine chrétienne, concernant la vie, la mort, le salut et la résurrection. Il n’est pas jusqu’au terme même d’esprit (de spirare) qui ne doive à l’éclectisme culturel des civilisations méditerranéennes sa capacité polysémique, son ambiguïté en somme, qui l’a fait convenir, aussi bien en théologie, à la troisième Personne de la Trinité, qu’en médecine, à l’anticipation figurée de l’influx nerveux, sous les noms d’esprit vital et d’esprit animal.
La conception de la vie comme animation de la matière, bien que battue en brèche, principalement à partir du XVIIe siècle, par des conceptions matérialistes, ou simplement mécanistes, des fonctions propres aux êtres vivants, est restée cependant vivace jusqu’au milieu du XIXe siècle, sous forme d’idéologie médico-philosophique, alors qu’elle avait cessé d’apparaître comme une réponse objectivement fondée à la question de la nature de la vie. On en demandera la preuve à un texte peu connu et peu souvent utilisé, la Préface des éditeurs à la treizième édition du Dictionnaire de médecine (1873) publié chez J.-B. Baillière par deux médecins d’obédience positiviste, Émile Littré, l’auteur du célèbre Dictionnaire de la langue française, et Charles Robin, professeur d’histologie à la faculté de médecine de Paris. Cette préface est la réponse à la fois à une revendication de propriété d’un titre d’ouvrage et à une discussion sur la liberté d’enseignement tenue au Sénat (1868).
Le Dictionnaire de médecine en question était la refonte, dès 1855, du Dictionnaire de P. H. Nysten (1814), lui-même successeur revu et augmenté du Dictionnaire de médecine de J. Capuron (1806). Les éditeurs tiennent à marquer la différence entre le matérialisme, dont on accuse les auteurs, et le positivisme dont ils se réclament eux-mêmes, et à cette fin ils reproduisent les différentes définitions des termes : âme, esprit, homme, mort, proposées entre 1806 (Capuron) et 1865 (Littré et Robin).
- En 1806, l’âme est définie :
« Principe interne de toutes les opérations des corps vivants ; plus particulièrement du principe de la vie dans le végétal et dans l’animal. L’âme est simplement végétative dans les plantes et sensitive dans les bêtes ; mais elle est simple et active, raisonnable et immortelle dans l’homme. »
- En 1855, on trouve une autre définition :
« Terme qui, en biologie, exprime, considéré anatomiquement, l’ensemble des fonctions du cerveau et de la moelle épinière et, considéré physiologiquement, l’ensemble des fonctions de la sensibilité encéphalique, c’est-à-dire la perception tant des objets extérieurs que des objets intérieurs ; la somme des besoins, des penchants qui servent à la conservation de l’individu et de l’espèce, et aux rapports avec les autres êtres ; les aptitudes qui constituent l’imagination, le langage, l’expression ; les facultés qui forment l’entendement ; la volonté, et enfin le pouvoir de mettre en jeu le système musculaire et d’agir par là sur le monde extérieur. »
- En 1863, cette définition était l’objet d’une violente critique de la part de E. Chauffard, confondant dans la même réprobation d’une part Littré et Robin, d’autre part Ludwig Büchner (Kraft und Stoff, 1855), grand prêtre, à l’époque, du matérialisme en Allemagne. Chauffard célébrait « l’indissoluble alliance de la médecine et de la philosophie », et s’enflammait à fonder « la notion de l’être réel et vivant » sur « la raison humaine se sentant cause et force » (De la philosophie dite positive dans ses rapports avec la médecine). Deux ans après, Claude Bernard écrivait :
« Pour l’expérimentateur physiologiste, il ne saurait y avoir ni spiritualisme ni matérialisme […]. Le physiologiste et le médecin ne doivent pas s’imaginer qu’ils ont à rechercher la cause de la vie ou l’essence des maladies » (Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, II, I).
La vie comme mécanisme
À la fin du Traité de l’homme (1633, mais publié seulement en 1662-1664), Descartes écrit :
« Je désire que vous considériez que ces fonctions suivent toutes naturellement, en cette Machine, de la seule disposition de ses organes, ne plus ne moins que font les mouvements d’une horloge ou autre automate, de celle de ses contrepoids et de ses roues ; en sorte qu’il ne faut point à leur occasion concevoir en elle aucune autre Âme végétative ni sensitive, ni aucun autre principe de mouvement et de vie, que son sang et ses esprits agités par la chaleur du feu qui brûle continuellement dans son cœur et qui n’est point d’autre nature que tous les feux qui sont dans les corps inanimés. »
Il est assez connu que l’identification par Descartes de l’animal (l’homme physique ou physiologique y compris) à l’automate machiné et machinal est le verso de l’identification de l’âme à la pensée (« Il n’y a en nous qu’une seule âme et cette âme n’a en soi aucune diversité de parties… », Traité des passions, art. 47, 1649) et de la distinction substantielle de l’âme indivisible et de la matière étendue. Si le Traité de l’homme a pu, mieux encore que le résumé qu’en donnait en 1637, dans sa cinquième partie, le Discours de la méthode, faire fonction d’un manifeste pour une physiologie animale purifiée de toute référence à un principe d’animation, c’est parce que, entre-temps, la découverte par W. Harvey de la circulation du sang et la publication de l’Exercitatio anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus (1628) avaient apporté un exemple d’explication hydrodynamique d’une fonction de la vie que bien des médecins, en Italie notamment et en Allemagne, s’étaient efforcés d’imiter, sous forme de projets de modèles artificiels, pour expliquer d’autres fonctions comme la contraction musculaire, ou comme l’équilibration du poisson dans l’eau. En fait, les élèves et disciples de Galilée dans l’Accadémia del Cimento, J. A. Borelli (De motu animalium, 1680-1681), F. Redi, M. Malpighi, avaient effectivement tenté d’appliquer en physiologie l’enseignement de Galilée en mécanique et en hydraulique, alors que Descartes s’était satisfait d’un programme heuristique plus intentionnel qu’opératoire.
S’il est rationnel de chercher l’explication des fonctions d’un organe, tel que l’œil, ou d’un appareil tel que le cœur et les vaisseaux, dans la construction, en schéma ou en maquette, de ce qu’on a appelé depuis lors des modèles mécaniques, comme les iatromécaniciens (ou iatromathématiciens) des XVIIe et XVIIIe siècles l’ont tenté pour la contraction musculaire, pour la digestion, pour la sécrétion glandulaire, par contre, à l’épreuve des faits, il se révèle impossible d’expliquer par les seules lois de la mécanique galiléenne ou cartésienne la formation générative d’organes ou d’appareils dont la coordination fonctionnelle est précisément ce qu’on entend par la vie du vivant. En somme, le mécanisme, c’est la théorie du fonctionnement des machines construites, vivantes ou non, mais non de la construction des machines.
Dans la pratique, le mécanisme s’est révélé inopérant en embryologie. L’usage du microscope, qui s’est répandu dans la seconde moitié du XVIIe siècle, a permis l’observation des germes de vivants, ou de vivants aux premiers stades de leur développement. Mais l’observation, par J. Swammerdam, de métamorphoses d’insectes ou la découverte, par A. van Leeuwenhoek, du spermatozoïde ont été d’abord présentées comme confirmations d’une conception spéculative de la génération, végétale ou animale, selon laquelle la graine, ou l’œuf, ou bien l’animalcule spermatique contiennent, préformé en une miniature qu’éclaire le grossissement optique, un être que son évolution portera à ses dimensions d’adulte. L’observation microscopique qui a le plus fait pour valider cette théorie est incontestablement celle de Malpighi, relative à la figure initiale d’un jaune d’œuf de poulet, supposé à tort non couvé (De formatione pulli in ovo, 1669). On peut penser que le mécanisme professé par Malpighi a structuré inconsciemment sa vision des phénomènes.
Qu’on le voulût ou non, derrière toute machine se profilait un machiniste, c’est-à-dire, en langage d’époque, un constructeur. Les machines vivantes postulaient leur machiniste et ce postulat conduisait à un Summus Opifex, à Dieu. Il était alors logique de supposer que la fabrication des machines vivantes avait été une opération initiale unique, et qu’en conséquence tous les germes de tous les vivants préformés, passés, présents et futurs, étaient, dès leur création, emboîtés les uns dans les autres. Dans ces conditions, la succession des vivants n’est une histoire qu’en apparence, puisqu’une naissance n’est, en réalité, rien d’autre qu’un déballage. Lorsque des observations, moins prévenues ou plus ingénieuses, ont réactivé en la réformant une vieille interprétation de la croissance embryonnaire par le phénomène de l’épigenèse, c’est-à-dire de l’apparition successive de formations anatomiques non dérivables géométriquement de formations antécédentes (C. F. Wolf, Theoria generationis, 1759 ; De formatione intestinorum, 1768-1769), l’embryologie moderne s’est instituée comme une science capable d’encourager la physiologie à se libérer de la fascination du mécanisme.
La multiplication des observations des microscopistes, naturalistes, médecins, ou curieux de la nature, a contribué cependant au discrédit du mécanisme par un effet différent quoique parallèle. La structure intime et cachée des parties du végétal ou de l’animal est peu à peu apparue comme prodigieusement compliquée par rapport à leur structure macroscopique, accessible à la vue par les techniques de dissection. La découverte des animalcules, depuis lors nommés protistes, a ouvert l’empire des vivants jusqu’à des profondeurs inimaginables. Alors que la mécanique du XVIIe siècle était une théorie des déplacements et des chocs, c’est-à-dire une science des données de la vue et du toucher, l’anatomie microscopique débouchait sur des objets au-delà du manifeste et du tangible, et pouvait s’autoriser de cet au-delà structurel pour concevoir un au-delà de ce premier au-delà, et ainsi de suite. Le microscope ouvrait à l’imagination d’un infini de complications structurelles le pouvoir de rivaliser avec un nouveau calcul, étranger à l’algèbre géométrique de Descartes, le calcul de l’infini. Dans cette double raison de répudier le mécanisme, Pascal et Leibniz se sont rencontrés sans le savoir. Mais le second, à la différence du premier, a su fonder sur ses critiques une conception des êtres vivants appelée à orienter décisivement la biologie encore à venir vers la représentation de la vie comme organisation et organisme.
« Ainsi chaque corps organique d’un vivant est une espèce de machine divine, ou d’un automate naturel, qui surpasse infiniment tous les automates artificiels. Parce qu’une machine faite par l’art de l’homme n’est pas machine dans chacune de ses parties […]. Mais les machines de la nature, c’est-à-dire les corps vivants, sont encore machines dans leurs moindres parties jusqu’à l’infini. C’est ce qui fait la différence entre la nature et l’art, c’est-à-dire entre l’art divin et le nôtre » (Monadologie, 1714, 64).
La vie comme organisation
C’est, encore une fois, à Aristote qu’il faut faire remonter le terme de corps organisé. Un tel corps est un corps disposé pour fournir à l’âme les instruments ou les organes indispensables à l’exercice de ses pouvoirs. C’est pourquoi, jusqu’au XVIIe siècle, le corps organisé exemplaire c’est le corps animal. On s’interroge sur l’organisation du végétal, encore que selon Aristote les parties de la plante soient aussi des organes, quoiqu’extrêmement simples. L’examen microscopique de préparations végétales a permis la généralisation du concept d’organisation, inspirant même des analogies fantaisistes entre les structures et les fonctions végétales et animales. R. Hooke (Micrographia, 1667), Malpighi (Anatome plantarum, 1675) et N. Grew (The Anatomy of Plants, 1682) ont découvert la structure de l’écorce, du bois, de la moelle, ont distingué les tubes, les vaisseaux et les fibres, ont comparé racines, tiges, feuilles, fruits sous le rapport de leurs membranes ou tissus.
L’organon grec désigne toutefois aussi bien l’instrument du musicien que l’outil de l’artisan. L’assimilation du corps organique humain à un orgue recouvre, au XVIIe siècle, plus qu’une métaphore – mais non la même – chez Descartes, Pascal, Bossuet (Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même), Leibniz. La polyvalence, biologique et musicale, des termes (organisation, organique, organiser) se retrouve jusqu’au XIXe siècle dans le Dictionnaire de Littré. Pour Descartes, l’orgue organique fonctionne sans organiste. Mais pour Leibniz l’unité structurale et fonctionnelle de l’orgue suppose l’organiste. Sans organisateur, c’est-à-dire sans âme, pas d’organisé ou d’organique.
« On ne viendra jamais à quelque chose dont on puisse dire : voilà réellement un être, que lorsqu’on trouve des machines animées dont l’âme ou forme substantielle fait l’unité substantielle indépendante de l’union extérieure de l’attouchement » (Lettre à Arnauld, 28 nov. 1886).
Moins célèbre, mais plus pédagogique, le médecin Daniel Duncan écrit :
« L’Âme est cet habile organiste qui forme lui-même ses organes avant de les faire jouer […]. C’est un jeu remarquable que, dans les orgues inanimées, l’organiste est différent de l’air qu’il y pousse ; au lieu que dans les orgues animées l’organiste et l’air qui les fait jouer sont une seule et même chose, je veux dire l’âme qui est extrêmement semblable à l’air ou au souffle » (Histoire de l’animal, ou la Connaissance du corps animé par la mécanique et par la chimie, 1686).
L’histoire du concept d’organisme, au XVIIIe siècle, se résume dans la recherche, par les naturalistes, les médecins et les philosophes, de substituts ou d’équivalents sémantiques de l’âme, pour rendre compte du fait, de mieux en mieux établi, de l’unité fonctionnelle d’un système de parties intégrantes. Dans un tel système les parties soutiennent entre elles de tels rapports de réciprocité, directe ou médiatisée, assez bien figurés par ce qu’on nomme aujourd’hui un graphe, que, pris à la rigueur, le terme de partie ne convient plus pour désigner les organes dont l’organisme peut être dit la totalité mais non l’addition.
La lecture de Leibniz a inspiré Charles Bonnet, que les observations d’Abraham Trembley sur la reproduction des polypes par bouturage et ses propres observations sur la parthénogenèse des pucerons ont confirmé dans son hostilité au mécanisme.
« Je ne rends pas encore la difficulté assez saillante : elle ne consiste pas seulement à faire former mécaniquement tel ou tel organe, composé lui-même de tant de pièces différentes ; elle consiste principalement à rendre raison, par les seules lois de la mécanique, de cette foule de rapports variés qui lient si étroitement toutes les parties organiques, et en vertu desquelles elles conspirent toutes à un même but général ; je veux dire à former cette unité qu’on nomme un animal, ce tout organisé qui vit, croît, sent, se meut, se conserve, se reproduit » (« Tableau des considérations sur les corps organisés », in La Palingénésie philosophique, 1769).
En Allemagne, à la fin du XVIIIe siècle, le texte qui a le plus fait pour inscrire l’organisme en tête des concepts de la biologie de la période romantique est la Critique du jugement (1790) et Kant. À l’article 65, Kant, sans utiliser les mots de vie ou de vivant, analyse le concept d’être organisé. Un tel être est machine en un sens, mais ne l’est pas en ceci qu’il suppose une « force formatrice », organisatrice de matières qui ne la possèdent pas, énergie différente de la simple puissance motrice. Le corps organique n’est pas seulement organisé, il est auto-organisateur.
- « Dans un tel produit de la nature, chaque partie, comme elle n’existe qu’en vertu de toutes les autres, est conçue aussi comme existant pour les autres et pour l’ensemble, c’est-à-dire comme instrument (organe) ; et cela n’est pas assez […], mais elle doit être considérée comme organe engendrant les autres (et cela réciproquement), or aucun instrument de l’art ne peut être tel, mais seulement ceux de la nature. »
À la même époque, le médecin C. F. Kielmeyer, que Cuvier, étudiant, avait rencontré comme condisciple à l’Académie caroline de Stuttgart, a exposé dans une conférence célèbre (Rapport des forces organiques dans la série des différentes organisations, 1793) les idées directrices d’un enseignement de la zoologie et de la botanique qui a exercé une grande influence. L’organisme est défini comme système d’organes en relation de réciprocité circulaire ; ces organes sont déterminés par leurs actions, en sorte que l’organisme est un système de forces plutôt qu’un système d’organes. Kielmeyer semble recopier Kant lorsqu’il dit :
« Chacun des organes, dans les modifications qu’il subit à chaque instant, est à tel point fonction de celles que subissent ses voisins qu’il semble être cause et effet des causes. »
On conçoit alors le prestige des images du cercle et de la sphère sur les naturalistes romantiques. Le cercle figure la réciprocité des moyens et des fins au niveau des organes. La sphère figure la totalité, individuelle ou universelle, des formes et des forces organiques.
En France, au début du XIXe siècle, en dehors de la biologie de Cuvier, mais non sans rapport à elle, c’est la philosophie biologique d’Auguste Comte qui a exposé de façon systématique les éléments d’une théorie de l’organisation vivante (Cours de philosophie positive, III, 1838 ; leç. XL-XLIV). Considérant que « l’idée de vie est réellement inséparable de celle d’organisation », Comte définit l’organisme par le consensus de fonctions « en association régulière et permanente avec l’ensemble des autres ». Consensus est la traduction latine du grec sumpatheia. La sympathie, par laquelle les états et les actions des parties se déterminent les uns les autres par communication sensitive, est une notion que Comte emprunte, avec celle de synergie, à Barthez, lequel écrit :
« La conservation de la vie est attachée aux sympathies des organes, ainsi qu’à l’organisme de leurs fonctions […]. Je désigne par ce mot de synergie un concours d’actions simultanées ou successives des forces de divers organes, concours tel que ces actions constituent, par leur ordre d’harmonie ou de succession, la forme propre d’une fonction de la santé ou d’un genre de maladie. » (Nouveaux Éléments de la science de l’homme, IX)
Comte, on le sait, importe dans la théorie de l’organisme social ce concept de consensus, et c’est dans l’exposé de la statique sociale qu’il le reprend pour le retravailler afin de le généraliser. Consensus devient alors synonyme de solidarité dans les systèmes organiques, et Comte esquisse une série des degrés du consensus organique, dont les effets sont d’autant plus stricts qu’on s’élève du végétal à l’animal et à l’homme (Cours, IV, leçon XLVIII). À partir du moment où consensus est identifié avec solidarité, on ne sait plus, de l’organisme ou de la société, lequel est le modèle, ou du moins la métaphore, de l’autre.
On se tromperait en attribuant à la seule laxité du langage philosophique l’indétermination du sens de la relation entre organisme et société. Il faut apercevoir, à l’arrière-plan, la persistance de l’imagerie technologique, toujours vivace depuis les traités aristotéliciens. Au début du XIXe siècle, un concept importé de l’économie politique, celui de division du travail, vient enrichir l’acception du concept d’organisme. Le premier exposé de cette transcription métaphorique est dû au physiologiste comparatiste Henri Milne-Edwards, dans l’article « organisation » du Dictionnaire classique des sciences naturelles (1827). L’organisme étant conçu comme une sorte d’atelier ou de manufacture, il devient logique de mesurer le perfectionnement des êtres vivants par la différenciation structurelle et la spécialisation fonctionnelle croissantes de leurs parties, donc par leur complication respective. Mais cette complication requiert, en compensation, une assurance d’unité et d’individuation. L’introduction de la théorie cellulaire en biologie, végétale d’abord (vers 1825), animale ensuite (vers 1840), devait nécessairement orienter l’attention vers les problèmes d’intégration d’individualités élémentaires et de vies particulières dans l’individualité totalisante d’un organisme et dans sa vie générale.
Ces problèmes de physiologie générale sont ceux précisément que Claude Bernard a progressivement privilégiés, au cours de sa carrière de chercheur et de professeur. On en trouvera la preuve dans la neuvième des Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. L’organisme est une société de cellules ou d’organismes élémentaires à la fois autonomes et subordonnés. La spécialisation des composants est fonction de la complexité de l’ensemble. L’effet de cette spécialisation coordonnée, c’est la création, au niveau des éléments, d’un milieu interstitiel liquide que Claude Bernard a nommé « milieu intérieur », et qui est la somme des conditions physiques et chimiques de toute vie cellulaire.
« On pourrait exprimer cette condition du perfectionnement organique, en disant qu’il consiste dans une différenciation de plus en plus marquée du travail préparatoire à la constitution du milieu intérieur. »
On sait assez que Claude Bernard a, l’un des premiers, mis en évidence la constance de ce milieu intérieur, que sous le nom de sécrétion interne il a découvert un mécanisme de régulation et de contrôle de cette constance, depuis lors désigné par le terme d’homéostasie. C’est en quoi consiste l’apport original et capital de la physiologie bernardienne à la conception moderne de l’organisation vivante. Car l’existence d’un milieu intérieur, de constance obtenue par compensation des écarts ou perturbations, constitue pour les organismes régulés une assurance d’indépendance relative, face aux variations survenant dans les conditions externes de leur existence. Claude Bernard affectionnait le terme d’élasticité pour rendre l’idée qu’il se faisait de la vie organique. Et peut-être oubliait-il que la machine paradigme de son époque, la machine à vapeur, était pourvue d’un régulateur, lorsqu’il écrivait : « On traite l’organisme comme une machine et on a raison, mais on le considère comme une machine mécanique fixe, immuable, renfermée dans les bornes d’une précision mathématique, et on a grand tort. L’organisme est une machine organique, c’est-à-dire douée d’un mécanisme flexible, élastique, à cause des procédés spéciaux organiques qui sont là mis en usage, sans déroger cependant aux lois générales de la mécanique, de la physique et de la chimie » (Pensées. Notes détachées, publiées en 1937).
La vie comme information
Si l’on entend par cybernétique une théorie générale des opérations contrôlées, exécutées par des machines montées de façon telle que leurs effets ou leurs produits soient conformes à des normes fixées ou ajustés à des situations instables, on conviendra qu’il était normal que les régulations organiques, et avant tout celles qu’assure le système nerveux, deviennent un jour le modèle de ces machines dont beaucoup ont été données pour modèles de ces régulations. Entre les machines à servomécanismes ou à homéostats et les organismes, les relations d’analogie sont à double sens. Au concept d’action réciproque des parties les unes sur les autres s’est ajouté le concept de rétroaction (feed-back) ou de boucle de régulation. C’est pourquoi l’organisation cybernétique des machines artificielles et des machines naturelles s’énonce en termes de théorie des communications, c’est-à-dire d’information. Dans un système de liaisons où la grandeur d’un effet est contrôlée par un détecteur d’écarts à partir du taux ou de l’optimum fixés, et où la détection détermine par action rétrograde une modification de la quantité de la cause, l’agent du contrôle et de la commande intervient comme porteur d’une instruction communiquée par le détecteur à l’effecteur. Cette instruction opère par sa forme de signal plutôt que par sa force d’impact. L’information est un message d’ordre à tous les sens du terme : structure cohérente à fonction de clef, commandement sans équivoque.
Un organisme est alors compris comme système biologique, système dynamique ouvert qui défend son équilibre, en maintenant des constantes envers et contre les perturbations qui l’affectent, en ajustant, soit à un niveau d’entretien, soit à une performance à réaliser, les relations qu’il soutient avec le milieu d’où il tire son énergie.
Les travaux de C. E. Shannon (1948) sur la théorie des communications et de l’information, sur les rapports entre la théorie de l’information et la thermodynamique, ont paru apporter à la philosophie biologique les éléments d’une réponse positive à la question millénaire de la nature et de la fonction de la vie. Le second principe de la thermodynamique, qui explique l’irréversibilité des transformations dans un système isolé, par dégradation de l’énergie ou par croissance de l’entropie, concerne des objets indifférents à la qualité de leurs états, inertes, morts. L’organisme, qui se nourrit, s’accroît, régénère ses mutilations, réagit aux agressions, guérit spontanément de certaines maladies, n’est-il pas en lutte contre le destin de désorganisation universelle proclamé par le principe de Carnot ? L’organisation est-elle ordre au sein du désordre ? Maintien d’une quantité d’information proportionnelle à la complexité de la structure ? Dans son langage algorithmique propre, la théorie de l’information n’en dirait-elle pas plus sur le compte du vivant que Bergson dans L’Évolution créatrice (1907, III) ?
En fait, la distance est grande et la différence irréductible entre les théories actuelles de l’organisation par information et les idées que se faisaient, d’une part, Claude Bernard du développement de l’organisme individuel sous l’empire d’une « idée directrice » et, d’autre part, Bergson de l’évolution des espèces dans le sillage de l’« élan vital ». Claude Bernard ne fournissait aucune explication de l’évolution des espèces, Bergson ne fournissait aucune explication de la stabilité, de la fiabilité des structures vivantes. Le recoupement des leçons de la biologie moléculaire et de la génétique a déterminé la formation d’une théorie unitaire de la constitution chimique, du fonctionnement régulé, de l’hérédité et des variations spécifiques triées par la sélection naturelle, à laquelle la théorie de l’information a entrepris de conférer une rigueur comparable à celle des théories physiques.
Mais une question reste, à l’intérieur même de la théorie, et dont le statut même de question ne paraît pas en voie d’être dépassé : c’est celle de l’origine de l’information biologique. A. Lwoff enseigne que l’ordre biologique ne peut naître que de l’ordre biologique, formulation contemporaine des aphorismes omne vivum ex vivo, omnis cellula e cellula. Comment se représenter alors l’auto-organisation initiale, s’il est vrai que la transmission d’information suppose une source d’information ? Un philosophe, Raymond Ruyer, pose la question :
« Le hasard ne peut rendre raison de l’anti-hasard. La communication mécanique d’information par machine ne peut rendre raison de l’information elle-même, puisque la machine ne peut que la dégrader, ou, au mieux, la conserver. »
Cette question, les biologistes ne la trouvent pas insignifiante. Les théories contemporaines de l’origine de la vie sur la Terre cherchent dans une évolution chimique initiale la condition de l’évolution biologique. Dans le cadre strict de la théorie de l’information, le biophysicien Henri Atlan, a proposé une réponse ingénieuse et difficile qu’il nomme « le principe d’ordre à partir de bruit » selon lequel les systèmes auto-organisateurs utilisent, pour évoluer, le « bruit », c’est-à-dire les perturbations aléatoires du milieu. Le sens de l’organisation serait-il dans l’utilisation du contresens ? Mais pourquoi toujours deux sens inverses ?
La vie et la mort
Paradoxalement, ce qui caractérise le vivant est le phénomène d’usure progressive et de cessation définitive de ces fonctions, plus que leur existence même. C’est leur mort qui qualifie les individus vivants au sein du monde, c’est son inéluctabilité qui rend sensible l’apparente exception qu’ils instituent relativement aux contraintes thermodynamiques. En sorte que la recherche des signes de la mort est, au fond, la recherche inversée d’un signe irrécusable de la vie.
La théorie de A. Weismann (1885) sur la continuité du plasma germinatif opposée à la mortalité de son support somatique, les techniques de culture de tissus embryonnaires (Alexis Carrel, 1912) ou de culture pure de bactéries ont introduit, en biologie générale, la notion d’immortalité potentielle du vivant unicellulaire, mortel seulement par accident, et ont accrédité l’idée que le vieillissement et la mort naturelle, au terme d’une durée spécifique de vie, sont liés à la complexité des organismes hautement intégrés. Dans de tels organismes, chaque constituant élémentaire est soumis à une limitation de ses potentialités, du seul fait de l’exercice, par les autres constituants, de leurs fonctions respectives. Mourir est le privilège, ou la rançon, en tout cas le destin des machines naturelles les mieux régulées, les plus homéostatiques.
Considérée du point de vue de l’évolution des espèces, la mort est la fin du sursis que la pression de la sélection accorde à des mutants momentanément plus aptes à se situer dans un certain contexte écologique. La mort dégage des voies, libère des espaces, ouvre fallacieusement l’avenir à des formes imprévues de vie pour qui la dernière heure sonnera aussi.
Considérée du point de vue de l’individu, la mort est une échéance inscrite dans son patrimoine génétique, comme si son anéantissement et son retour à l’inertie, passé un délai certain, lui étaient imposés comme son ultime devoir.
On peut alors se demander pourquoi une théorie comme celle que Freud a esquissée sous l’appellation de « pulsion de mort » (Au-delà du principe de plaisir, 1920) a rencontré tant de résistances. Cette idée était liée chez Freud à une conception énergétique de la vie et du psychisme. Or, s’il est vrai que le vivant est un système en déséquilibre incessamment compensé par emprunts à l’extérieur, s’il est vrai que la vie est en tension avec le milieu inerte, qu’y a-t-il d’étrange ou de contradictoire dans l’hypothèse d’un instinct de réduction des tensions à zéro, d’une tendance à la mort ? « Si nous admettons que l’être vivant n’est apparu qu’après les objets inanimés dont il est issu, nous devons en conclure que l’instinct de mort se conforme à la formule donnée plus haut et suivant laquelle tout instinct tend à restaurer un état antérieur. » Peut-être la théorie freudienne fera-t-elle l’objet d’un nouvel examen, en rapport avec les conclusions des travaux d’Atlan :
« Le seul projet reconnaissable en vérité dans les organismes vivants est la mort. Mais, du fait de la complexité initiale de ces organismes, des perturbations capables de les écarter de l’état d’équilibre ont comme conséquence l’apparition d’une complexité encore plus grande dans le processus lui-même de retour à l’équilibre » (« Mort ou vif ? », in L’Organisation biologique et la théorie de l’information, 1972).
Resterait, en dernier lieu, à comprendre la raison et le sens du désir réactionnel d’immortalité, du rêve de survie – » thème de fabulation utile », dit Bergson – propre à l’homme de certaines cultures. Un arbre mort, un oiseau mort, une charogne : autant de vies individuelles abolies sans conscience de leur destin de mort. La valeur de la vie, la vie comme valeur ne s’enracinent-elles pas dans la connaissance de son essentielle précarité ?
« La mort (ou son allusion) rend les hommes précieux et pathétiques. Ils émeuvent par leur condition de fantômes ; chaque acte qu’ils accomplissent peut être le dernier ; aucun visage qui ne soit à l’instant de se dissiper comme un visage de songe. Tout chez les mortels a la valeur de l’irrécupérable et de l’aléatoire » (J. L. Borges, L’Aleph, 1962).
Georges Canguilhem (1904-1995).
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