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*les deux événements fondateurs de la science classique étaient selon Koyré la destruction du cosmos antique et la géométrisation de l’espace physique. Cette détermination de la révolution scientifique valait en particulier contre les ingénieurs, qui la caractérisaient comme passage de la vita contemplativa à la vita activa ; si Koyré ne s’est pas vraiment intéressé à l’idée que tout être naturel est une machine, c’est qu’il refusait plus généralement de définir la révolution scientifique à partir de transformations techniques. Il n’a par ailleurs reconnu le rôle de l’atomisme qu’à contre cœur : il évoque assurément “l’alliance contre-nature” de l’atomisme et du platonisme, mais le second de ces deux éléments a de toute évidence sa préférence15 ; aussi n’a-t-il pas non plus cru bon d’écrire une histoire de l’idée que tout est matière et mouvement. Quant à G. Bachelard, il a toute sa vie combattu E. Meyerson, qui faisait du mécanisme une expression particulière de la tendance invincible qu’a naturellement l’esprit humain à rechercher l’identique. Selon Bachelard, la connaissance de la science présente permet en général à l’historien d’évaluer la science du passé en y distinguant le bon grain de l’ivraie, les concepts sanctionnés des concepts périmés16. Or l’atomisme contemporain a fait en particulier tomber dans les oubliettes de l’histoire le chosisme et le choquisme des mécanistes du passé, c’est-à-dire leur penchant naïf à concevoir les atomes comme des choses et les échanges entre atomes comme des chocs. Il n’y avait donc pas non plus pour Bachelard à écrire l’histoire de la philosophie mécanique car c’était, à l’aune de la science contemporaine, une théorie à jamais périmée.   
 
*les deux événements fondateurs de la science classique étaient selon Koyré la destruction du cosmos antique et la géométrisation de l’espace physique. Cette détermination de la révolution scientifique valait en particulier contre les ingénieurs, qui la caractérisaient comme passage de la vita contemplativa à la vita activa ; si Koyré ne s’est pas vraiment intéressé à l’idée que tout être naturel est une machine, c’est qu’il refusait plus généralement de définir la révolution scientifique à partir de transformations techniques. Il n’a par ailleurs reconnu le rôle de l’atomisme qu’à contre cœur : il évoque assurément “l’alliance contre-nature” de l’atomisme et du platonisme, mais le second de ces deux éléments a de toute évidence sa préférence15 ; aussi n’a-t-il pas non plus cru bon d’écrire une histoire de l’idée que tout est matière et mouvement. Quant à G. Bachelard, il a toute sa vie combattu E. Meyerson, qui faisait du mécanisme une expression particulière de la tendance invincible qu’a naturellement l’esprit humain à rechercher l’identique. Selon Bachelard, la connaissance de la science présente permet en général à l’historien d’évaluer la science du passé en y distinguant le bon grain de l’ivraie, les concepts sanctionnés des concepts périmés16. Or l’atomisme contemporain a fait en particulier tomber dans les oubliettes de l’histoire le chosisme et le choquisme des mécanistes du passé, c’est-à-dire leur penchant naïf à concevoir les atomes comme des choses et les échanges entre atomes comme des chocs. Il n’y avait donc pas non plus pour Bachelard à écrire l’histoire de la philosophie mécanique car c’était, à l’aune de la science contemporaine, une théorie à jamais périmée.   
 
= Caractéristiques de la philosophie mécanique =
 
= Caractéristiques de la philosophie mécanique =
La philosophie mécanique peut être caractérisée de multiples manières ; le problème est que toutes ces caractérisations ne sont pas équivalentes.A savoir
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La philosophie mécanique peut être caractérisée de multiples manières ; le problème est que toutes ces caractérisations ne sont pas équivalentes.A savoir
 
*Premièrement, l’idée que tout phénomène naturel procède d’une combinaison de matière et de mouvement, que toute transformation résulte d’une redistribution des mouvements dans la matière.  
 
*Premièrement, l’idée que tout phénomène naturel procède d’une combinaison de matière et de mouvement, que toute transformation résulte d’une redistribution des mouvements dans la matière.  
 
*En second lieu, l’idée que tout être naturel est une machine, ou encore que les lois physiques sont identiques aux lois de la science mécanique. Cette seconde idée a elle même deux aspects : elle rattache la philosophie mécanique aux machines, donc à la technique, ou à la science mécanique, c’est-à-dire aux mathématiques. Ces deux caractérisations de la philosophie mécanique font problème parce qu’elles ne sont pas équivalentes. D’un côté il y a dans les machines bien plus que ce que la philosophie mécanique entendue au premier sens peut expliquer : par exemple, les ressorts des machines sont élastiques, c’est-à-dire qu’ils ont la capacité de revenir à leur état antérieur après avoir été déformés ; or cette capacité est pour ainsi dire incompréhensible si, après avoir banni la notion aristotélicienne d’état naturel, on se donne pour seules catégories explicatives une matière passive et un mouvement transitif5. C’est pourquoi la première définition de la philosophie mécanique est à certains égards plus exigeante que la seconde ; à d’autres égards cependant, c’est la seconde définition qui est la plus contraignante. Poser par exemple qu’un être naturel est analogue à telle machine ou qu’il obéit à telle équation, c’est en effet susciter des prévisions bien plus précises, et par conséquent bien plus aisément réfutables, que de suggérer simplement qu’il doit bien y avoir moyen d’en rendre compte par je ne sais quels mouvements et je ne sais quelles figures. Aucune de ces deux définitions ne saurait donc être déduite de l’autre.   
 
*En second lieu, l’idée que tout être naturel est une machine, ou encore que les lois physiques sont identiques aux lois de la science mécanique. Cette seconde idée a elle même deux aspects : elle rattache la philosophie mécanique aux machines, donc à la technique, ou à la science mécanique, c’est-à-dire aux mathématiques. Ces deux caractérisations de la philosophie mécanique font problème parce qu’elles ne sont pas équivalentes. D’un côté il y a dans les machines bien plus que ce que la philosophie mécanique entendue au premier sens peut expliquer : par exemple, les ressorts des machines sont élastiques, c’est-à-dire qu’ils ont la capacité de revenir à leur état antérieur après avoir été déformés ; or cette capacité est pour ainsi dire incompréhensible si, après avoir banni la notion aristotélicienne d’état naturel, on se donne pour seules catégories explicatives une matière passive et un mouvement transitif5. C’est pourquoi la première définition de la philosophie mécanique est à certains égards plus exigeante que la seconde ; à d’autres égards cependant, c’est la seconde définition qui est la plus contraignante. Poser par exemple qu’un être naturel est analogue à telle machine ou qu’il obéit à telle équation, c’est en effet susciter des prévisions bien plus précises, et par conséquent bien plus aisément réfutables, que de suggérer simplement qu’il doit bien y avoir moyen d’en rendre compte par je ne sais quels mouvements et je ne sais quelles figures. Aucune de ces deux définitions ne saurait donc être déduite de l’autre.   
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[[Fichier:La terre vue de face.PNG]]
 
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*C’est pourquoi dans les Principes, Descartes propose une autre analogie : l’action de la pesanteur est semblable à celle qui rend les gouttes d’eau rondes21 ; cependant comme il ne sait pas expliquer mécaniquement cette pression de tous côtés, il finit par se rabattre sur une explication par l’effort centrifuge22, ce qui est insatisfaisant parce que ces deux modes d’explication sont exclusifs l’un de l’autre. Ou bien en effet l’effort centrifuge peut fonder une explication satisfaisante, et rien ne sert à ce moment de recourir à la pression environnante ; ou bien il ne le peut, mais on ne saurait en ce cas expliquer la pression environnante par l’effort centrifuge.  L’explication cartésienne constitue bien sûr un échec du point de vue de la science positive : Descartes ne tient pas compte de la loi galiléenne de la chute des corps ; bien plus, à partir du moment où il a cherché à expliquer la pesanteur, il a jugé qu’il était impossible en général de déterminer la loi mathématique de la chute des corps. L’explication cartésienne constitue aussi un échec du point de vue de la philosophie mécanique : Descartes ne réussit même pas à rendre compte de ce fait élémentaire que les corps tombent à la verticale de tout lieu terrestre. Elle peut cependant indiquer quelle était la supériorité de certaines explications mécaniques sur les explications de la scolastique et de l’atomisme ancien : contrairement aux premières, elles peuvent être confrontées aux phénomènes ; contrairement aux secondes, elles supposent la détermination des lois générales du mouvement.  
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*C’est pourquoi dans les Principes, Descartes propose une autre analogie : l’action de la pesanteur est semblable à celle qui rend les gouttes d’eau rondes ; cependant comme il ne sait pas expliquer mécaniquement cette pression de tous côtés, il finit par se rabattre sur une explication par l’effort centrifuge, ce qui est insatisfaisant parce que ces deux modes d’explication sont exclusifs l’un de l’autre. Ou bien en effet l’effort centrifuge peut fonder une explication satisfaisante, et rien ne sert à ce moment de recourir à la pression environnante ; ou bien il ne le peut, mais on ne saurait en ce cas expliquer la pression environnante par l’effort centrifuge.  L’explication cartésienne constitue bien sûr un échec du point de vue de la science positive : Descartes ne tient pas compte de la loi galiléenne de la chute des corps ; bien plus, à partir du moment où il a cherché à expliquer la pesanteur, il a jugé qu’il était impossible en général de déterminer la loi mathématique de la chute des corps. L’explication cartésienne constitue aussi un échec du point de vue de la philosophie mécanique : Descartes ne réussit même pas à rendre compte de ce fait élémentaire que les corps tombent à la verticale de tout lieu terrestre. Elle peut cependant indiquer quelle était la supériorité de certaines explications mécaniques sur les explications de la scolastique et de l’atomisme ancien : contrairement aux premières, elles peuvent être confrontées aux phénomènes ; contrairement aux secondes, elles supposent la détermination des lois générales du mouvement.  
  
  
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* Dogme mécaniste : Vouloir tout expliquer par le système des mouvements.
 
* Dogme mécaniste : Vouloir tout expliquer par le système des mouvements.
  
Vouloir expliquer un tel fonctionnement dans la nature, susceptible à être fini à tout moment tout en rejetant la conception finaliste.
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*Vouloir expliquer un tel fonctionnement dans la nature, susceptible à être fini à tout moment tout en rejetant la conception finaliste.
  
Croire que c’est possible de comprendre les choses par les mouvements seulement au détriment de la force divine exprimée dans la nature.  
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*Croire que c’est possible de comprendre les choses par les mouvements seulement au détriment de la force divine exprimée dans la nature.  
  
  
  
 
{{Origines possibles des conceptions}}
 
{{Origines possibles des conceptions}}
* Le mécanisme est présent dès la pensée de l'Antiquité, notamment à travers l'atomisme. Il correspond aussi et surtout à une révolution scientifique, souvent appelée révolution copernicienne en langage courant, survenue principalement au XVIIe siècle, en astronomie, en physique, en médecine et dans bien d'autres disciplines intellectuelles plus ou moins éloignées de la science, selon l'acception moderne du terme, et dont les conséquences se firent sentir jusqu'au XIXe siècle.
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*Le mécanisme est présent dès la pensée de l'Antiquité, notamment à travers l'atomisme. Il correspond aussi et surtout à une révolution scientifique, souvent appelée révolution copernicienne en langage courant, survenue principalement au XVIIe siècle, en astronomie, en physique, en médecine et dans bien d'autres disciplines intellectuelles plus ou moins éloignées de la science, selon l'acception moderne du terme, et dont les conséquences se firent sentir jusqu'au XIXe siècle.
  
Son éclosion a été assez brusque et inattendue. L'époque précédente ne l'avait guère laissé prévoir. Le mécanisme paraît au contraire introduire dans l'histoire de l'idée de nature une discontinuité. Il n'a pas eu de précurseurs immédiats. Plusieurs mécanistes toutefois se cherchèrent des antécédents et se réclamèrent des philosophes atomistes, mais Démocrite, Épicure ou Lucrèce leur ont apporté un modèle plus qu'une source de doctrine. Et, de toute façon, le mécanisme n'est pas lié nécessairement à l'atomisme ; ainsi celui de Descartes, le plus célèbre.
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*Son éclosion a été assez brusque et inattendue. L'époque précédente ne l'avait guère laissé prévoir. Le mécanisme paraît au contraire introduire dans l'histoire de l'idée de nature une discontinuité. Il n'a pas eu de précurseurs immédiats. Plusieurs mécanistes toutefois se cherchèrent des antécédents et se réclamèrent des philosophes atomistes, mais Démocrite, Épicure ou Lucrèce leur ont apporté un modèle plus qu'une source de doctrine. Et, de toute façon, le mécanisme n'est pas lié nécessairement à l'atomisme ; ainsi celui de Descartes, le plus célèbre.
  
Principaux fondateurs du mécanisme (Démocrite, Descartes, Cabanis, Félix Le Dantec…)
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'''Principaux fondateurs du mécanisme (Démocrite, Descartes, Cabanis, Félix Le Dantec…)'''
  
  

Version du 31 mai 2020 à 03:35


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