Abstraction et décentration croissantes
Dans un essai de hiérarchisation des conceptions du Milieu, une première approche consiste à mettre en évidence deux axes, entre lesquels se distribuent les conceptions du Milieu.
- Le premier axe est celui de l'abstraction croissante représenté verticalement sur le schéma ci-après.
Lorsque l'on passe, le long de cet axe, du Milieu-chose au Milieu-facteurs, puis au Milieu-interdépendant et au Milieu bio-relatif, on note une disparition progressive du concret. Le Milieu qui, au départ, était conçu comme une chose ou un lieu (avec les aspects matériels liés à cette conception), devient un ensemble de facteurs (ce que l'on peut moins bien se figurer de manière simple). Et l'abstraction devient maximale lorsqu'il faut se représenter l'existence simultanée de plusieurs Milieux-biorelatifs (un pour chaque espèce, voire pour chaque population) au sein d'un même Milieu-lieu. Le passage à l'abstrait paraît lié aux aspects suivants :
- passage de la globalité à l'analyse d'éléments de plus en plus fins
- passage de la chose à la relation entre des éléments, entre des grandeurs
- Le deuxième axe est celui de la décentration croissante, représenté horizontalement sur le schéma.
Ici, ce qui caractérise l'évolution c'est plutôt :
- le dégagement de l'anthropomorphisme, que l'on tend à projeter sur le vivant
- la construction d'une objectivité plus grande (par ex : remplacement de la subjectivité intentionnelle prêtée à l'animal à une analyse plus "décentrée" en termes de facteurs agissants). Il est intéressant de noter que si l'évolution sur l'axe 2 tend à diminuer la centration sur le vivant, celle de l'axe 1 aboutit au contraire à une recentration sur lui (Milieu-biocentré et biorelatif). Mais on voit qu'il ne s'agit pas de la même centration : la première relève d'une incapacité à distinguer le vivant et son milieu (Piaget parlerait ici d'adualisme), alors que la seconde relève d'une construction intellectuelle élaborée, qui réintègre
le vivant au coeur du processus après l'avoir écarté comme par méthode. C'est, en quelque sorte, un double renversement et le point d'arrivée ne ressemble qu'en apparence au point de départ.
- complexification de ces relations (passage d'une causalité simple à des interactions et des rétro-actions nombreuses).